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La prévention contre le radicalisme

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 391 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 20/06/2018
    • de GALANT Jacqueline
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives
    Le Gouvernement wallon a décidé de consacrer annuellement 2 millions d’euros à soutenir des projets spécifiques de prévention du radicalisme dans les communes qui mettent en œuvre un Plan de cohésion sociale (PCS), mais qui ne sont pas reconnues dans le cadre de la politique des grandes villes et de la capitale de la Wallonie.

    Au départ de ses compétences axées sur la coordination, la prévention et la détection, la volonté du Gouvernement est de favoriser un climat de confiance et d’apporter des réponses durables à la détresse des familles et aux causes de la radicalisation, dans le respect des valeurs fondamentales du vivre ensemble.

    Dans ce contexte, Madame la Ministre pourrait-elle nous communiquer les résultats de cette prévention ?

    Quels enseignements peut-elle tirer des projets mis en place ?

    Concernant le Plan de prévention du radicalisme, les communes ont-elles dû prendre des mesures contre des détenus radicalisés qui avaient été libérés ?

    La plateforme de concertation au niveau communal est-elle efficace ?
  • Réponse du 02/07/2018
    • de DE BUE Valérie
    Pour compléter l’introduction de la question, c’est effectivement en juillet 2016 que le Gouvernement wallon a décidé de lancer un appel à projets destiné à soutenir des actions locales en matière de prévention du radicalisme.

    48 communes sur les 173 éligibles (celles mettant en œuvre un PCS moins les grandes villes et la capitale de la Wallonie) y ont répondu, et le Gouvernement a finalement sélectionné 24 projets qui se sont déroulés entre le 1er décembre 2016 et le 30 novembre 2017, représentant un subside total de 1.358.890 euros.

    Des visites ont été organisées par la Direction interdépartementale de la Cohésion sociale (DiCS), basées sur une même méthodologie, de manière à pouvoir fournir un avis au Gouvernement sur le déroulement des projets en cours, sans attendre leur clôture.

    Les 24 communes et partenaires concernés ont également rentré un rapport d’activités en date du 27 octobre 2017 à la DiCS, laquelle m’a fait parvenir son évaluation le 14 novembre 2017.

    Le nouvel appel à projets, s’inspirant des recommandations de cette évaluation, a été approuvé par le Gouvernement wallon en date du 7 décembre 2017 et 12 projets ont été retenus successivement en date du 22 mars 2018 (Aiseau-Presles, Dison, Farciennes et Visé) et du 24 mai 2018 (Châtelet, Courcelles, Frameries, Huy, Ottignies-Louvain-La-Neuve, Sambreville, Wanze et Wavre), certains projets ayant dû être retravaillés. Le subside total s’élève à près de 900.000 euros.

    Toujours lancé dans le cadre du Plan de cohésion sociale, celui-ci a pour objectif de prévenir la radicalisation violente.

    Quels bilans peut-on dresser du 1er appel à projets, alors intitulé « amélioration du vivre ensemble et prévention du radicalisme » ?

    D’emblée, il convient de souligner que l’appel à projets lancé en 2016 était une première pour la Wallonie et s’apparentait dès lors à un projet-pilote, un laboratoire d’expérimentation, nécessitant au final des ajustements.

    Si l’on excepte quelques cas isolés, la matière de la prévention du radicalisme était aussi relativement neuve pour les communes et leurs acteurs locaux, chargés de la rédaction d’un projet. Peu de communes ont pu s’appuyer sur un diagnostic local qui était en lien direct avec la thématique.

    Dès lors, et c’est ce que j’ai de suite déploré, trop de projets (19 sur 24) se sont inscrits principalement dans l’axe du « vivre ensemble » plutôt que dans l’axe « prévention du radicalisme ».

    À titre indicatif, suite aux visites de suivi, il est apparu que 61 % des projets développés ont fait état d’une problématique de radicalisation ou d’un constat de repli identitaire de certaines communautés, sans pouvoir en mesurer l’ampleur.

    Le démarrage des projets a souvent été retardé pour divers motifs : la subvention ayant été notifiée le 11 janvier 2017, une modification budgétaire a dû être opérée ; les procédures d’engagement de personnel ou de marchés publics ont pris du temps.

    En ce qui concerne la gestion des projets, on constate que 16 communes ont engagé spécifiquement du personnel dans le cadre de ce projet. Les personnes recrutées (24 personnes pour un total de 19,75 ETP) ne disposaient pas toujours d’une expérience probante. Bien que la plupart des coordinateurs de projets aient assisté à la journée de sensibilisation organisée par la DiCS le 16 janvier 2017, tous ne disposaient pas de connaissances suffisantes en matière de prévention du radicalisme.

    On peut aussi relever que les partenaires associés aux projets sont souvent ceux que l’on retrouve dans les PCS (AMO, SLSP,FOREm...). Des partenaires spécifiques en matière de radicalisation comme la police ou encore les imams n’ont malheureusement pas toujours été identifiés et/ou sollicités.

    Quant aux personnes présentant un risque de radicalisation, si on a pu relever la présence de certaines d’entre elles sur le territoire de plusieurs communes, il a été difficile de connaître avec précision leur nombre. Les partenaires de terrain ont aussi relayé avoir eu des difficultés à entrer en contact avec elles (soit, car inconnues, soit parce que ne fréquentant pas les structures locales (maisons de jeunes, de quartier…).

    Dans d’autres communes, les acteurs en charge du projet ont perçu des propos et des comportements plus radicaux à caractère religieux. Ces éléments démontrent également la nécessité de mener des projets préventifs. Il m’a par ailleurs été rapporté que de nombreux travailleurs de terrain ont indiqué ne pas être en capacité de détecter si quelqu’un était en cours de radicalisation, alors même que certaines formations pratiques étaient orientées sur la détection des signes de radicalisation.

    Il apparaît en outre que la plupart des actions menées dans ce premier appel étaient des actions de sensibilisation généraliste et s’adressaient souvent au « tout public ». Les actions d’accroche ou les actions plus concrètes ciblaient le plus souvent les jeunes (12-17 ans). Le public adulte et les familles étaient dans une moindre mesure impactés. Or, tout un travail d’écoute et de soutien de ces familles confrontées au risque de radicalisation d’un des leurs pourrait être mené.

    Les actions étaient généralement réalisées au départ d’une conférence, d’une pièce de théâtre ou d’un documentaire, suivis d’un débat. On retrouve aussi, et c’est un point positif, des sensibilisations et/ou formations pour les professionnels de première ligne, ce qui pour les équipes avait du sens dans un souci de cohérence (= parler tous de la même chose).

    Les quelques actions plus concrètes menées se sont inscrites dans le champ de la prévention primaire (= tout public). Des actions de prévention secondaire (= ciblant des publics spécifiques présentant un risque) semblaient prématurées ou trop difficiles à mettre en place d’emblée.

    Pour terminer, il convient de rappeler que la radicalisation concerne tous les milieux sociaux, qu’elle est généralement rapide et s’effectue en dehors des circuits conventionnels. Malgré le développement de projets préventifs, on n’est donc pas à l’abri de cas de radicalisation.

    Faisant suite à ces différents constats dégagés de l’évaluation effectuée par mon administration, j’ai eu à cœur de recentrer le 2e appel à projets sur la « prévention de la radicalisation violente ». L’accent a donc été mis prioritairement sur des actions destinées à former les membres de la plateforme de concertation et tous les professionnels de 1re ligne susceptibles d’être en contact direct avec un public présentant un risque de radicalisation (personnel de la commune, du CPAS et du secteur associatif opérant sur le territoire communal, tel que les éducateurs de rue, gardiens de la paix, aides-ménagères, aides-soignantes à domicile, infirmières à domicile, animateurs sportifs ousocioculturels…).

    Des projets complémentaires peuvent aussi être mis en place, selon les besoins identifiés dans le diagnostic : des actions d’accroche (ex. travail de rue) ou des actions plus spécifiques (ex. ateliers de réflexion visant à développer l’esprit critique face aux médias et aux réseaux sociaux pour résister aux tentatives d’endoctrinement) avec un public identifié comme présentant un risque de radicalisation et les familles concernées.

    À ce stade, au vu de l’adoption récente des 12 projets par le Gouvernement, je ne suis pas encore en mesure, l'honorable membre le comprendra, de lui communiquer des résultats et tirer les enseignements de ceux-ci, ni de lui répondre sur l’efficacité de la plateforme de concertation mise en place au niveau communal. Ces bilans ne pourront être envisagés qu’à la fin de cette année.

    Je l'informe enfin qu’aucune recommandation n’a été donnée par la Wallonie en ce qui concerne les détenus considérés comme radicalisés et qui ont été ou seraient en voie d’être libérés. Cette compétence relève de l’État fédéral.

    Cela dit, dans le cadre de l’actualisation du Plan global de lutte contre le radicalisme en Wallonie, et dans le respect des compétences wallonnes à cet égard (coordination, prévention, détection), le Ministre-Président compte travailler à faciliter les échanges entre les différents niveaux de pouvoir concernés, afin d’optimaliser la mise en œuvre de cette politique sur notre territoire.

    Au niveau local, je peux par contre confirmer la volonté du Gouvernement wallon de prêter main-forte à son homologue fédéral dans la mise en place des Cellules de sécurité intégrale locale, dans le but qu’un maximum de communes – seules ou associées - soit doté de cet outil de coordination qui me semble indispensable dans le développement d’une politique efficace de lutte contre le radicalisme.

    Pour rappel, les CSIL sont en passe de devenir obligatoires. Coordonnées par le bourgmestre, elles ont pour objectifs la détection précoce des personnes se trouvant dans un processus de radicalisation, et l’élaboration d’un trajet de suivi individualisé à leur égard. En réunissant les acteurs locaux de sécurité, mais aussi ceux agissant au niveau social, leur approche préventive est totalement complémentaire aux task forces locales, axées quant à elles sur le volet réactif et répressif, par le biais d’un suivi policier et judiciaire.

    Nous sommes actuellement occupés à examiner la meilleure manière de soutenir cette politique fédérale. Un accord de coopération est d’ailleurs en préparation à l’heure actuelle, entre l’État fédéral et l’ensemble des entités fédérées du pays.