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Les inquiétudes suscitées par l’actualisation du "Guide des dépenses éligibles" dans le cadre des conventions d’aide à la recherche, au développement et à l’innovation établies par la Direction Générale Opérationnelle de l’Economie, l’Emploi et la Recherche (DGO6)

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 523 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 04/07/2018
    • de DREZE Benoit
    • à JEHOLET Pierre-Yves, Ministre de l'Economie, de l’Industrie, de la Recherche, de l’Innovation, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation
    Un nouveau Guide des dépenses éligibles, élaboré par la DGO6, agite les esprits. La nouvelle édition marque en effet une rupture avec la précédente et prétend détailler de façon exhaustive les dépenses éligibles et non éligibles. Loin de garantir la sécurité juridique, cette approche pourrait générer davantage d’incertitudes. Le document fera-t-il l’objet de concertations ?

    Quels sont les opérateurs auxquels le Guide sera appliqué ? Les CISP y sont-ils soumis, alors que leur contrôle relève du FOREm et non de la DGO6 ? Certaines exigences de justifications (factures téléphoniques, déclarations d’activités des travailleurs…) ne portent-elles pas atteinte au respect de la vie privée, comme l’estime l’Interfédé ?

    La mise en œuvre de certaines modalités du guide pourra remettre en cause des accords passés antérieurement à son application, comme des éléments contractuels, des choix organisationnels ou l’adoption de règles d’évaluation. Peut-on imaginer que ce guide ne s’applique pas arbitrairement de façon rétroactive sur tout type de dépense sans en avoir mesuré les conséquences ?

    L’opérateur doit-il justifier auprès de la DGO6 l’ensemble de ses dépenses, même celles prises en charge par d’autres pouvoirs subsidiants ?

    L’administration tarde souvent à verser les subventions, amenant les opérateurs à emprunter et s’endetter. Or, les charges d’intérêt ne sont pas éligibles. Comment résoudre cette équation ?

    La mise en œuvre du guide dans son intégralité va entraîner une surcharge administrative importante, alors qu’est prônée par ailleurs la simplification administrative. Pourquoi plafonner à 1 000 euros le montant d’une cotisation ? Quels critères prévalent à ce plafonnement ? N’est-ce pas une AG, si prévue dans ses statuts, qui définit le montant de sa cotisation ?

    Ne faut-il pas laisser une large place au principe de confiance, plutôt qu’à un bureaucratisme éloigné des idéaux libéraux de Monsieur le Ministre ?
  • Réponse du 24/07/2018
    • de JEHOLET Pierre-Yves
    * Le principe de confiance

    L’application du principe de confiance constitue en effet l’une des bases sur lesquelles s’appuie la simplification des démarches administratives en Région wallonne que ce soit au niveau du SPW ou des autres organismes publics wallons.

    Appliquer le principe de confiance, c’est considérer que l’usager est digne de confiance et qu’il ne doit pas fournir certains documents dès l’introduction de son dossier. Il doit cependant pouvoir les fournir ultérieurement à l’administration si, dans le cadre du traitement de sa demande, elle doit effectivement les vérifier.

    Un autre principe sur lequel repose la simplification administrative est l’échange de données. L’administration doit s’organiser pour recourir en son sein de façon systématique à l’échange de données. Un service doit ainsi pouvoir consulter les informations qui lui sont nécessaires, mais que l’usager a déjà communiquées précédemment via un autre service.

    L’application du principe de confiance ne signifie pas que le contrôle est supprimé : seules les modalités du contrôle changent. Il peut être réorganisé sur base d’une analyse de risques et se focaliser sur les situations plus risquées. De plus, le principe de confiance s’applique déjà à travers un contrôle a posteriori de l’utilisation des moyens publics.

    Le nouveau décret relatif au contrôle des législations relatives à la politique économique, à la politique de l’emploi et de la recherche scientifique, en cours de finalisation, s’oriente dans cette voie. La fonction de contrôle dans les matières socio-économiques est réorganisée de manière à intégrer ces évolutions tout en permettant un niveau de contrôle conforme aux exigences de la Cour des comptes et au respect de la législation relative au contrôle des subventions.

    Quelle que soit notre orientation politique, la bonne utilisation de l’argent public doit faire partie de nos préoccupations.



    * Le guide des dépenses éligibles :

    Ce guide n’est pas à proprement parler nouveau. Les règles qu’il contient ont été rédigées par un groupe de travail composé de praticiens émanant tant du Département Emploi/Formation que de l’Inspection sociale. Il est déjà utilisé comme référentiel interne à l’heure actuelle au sein de la DGO6 pour l’ensemble des dispositifs gérés par le Département de l’Emploi et de la Formation professionnelle (MIRE, SAACE, PMTIC, ADL) sans que cela ne suscite de difficulté à la grande majorité des opérateurs.

    La diffusion de ces règles sous la forme d’un guide trouve son origine dans la volonté de communiquer dans des termes les plus précis possible, les principes selon lesquels l’administration réalise le contrôle de l’emploi des subventions et selon quelles modalités pratiques (modalités de prise en charge des dépenses et justificatifs à produire).

    Il permet ainsi de rencontrer plusieurs objectifs :
    - Sécurité juridique : dès l’octroi de la subvention, les bénéficiaires disposent d’un document décrivant précisément les dépenses couvertes par celle-ci et la manière dont elles devront être justifiées.
    - Simplification : il est fréquent qu’un opérateur bénéficie de plusieurs subventions émanant de différents dispositifs. L’existence d’un document de référence unique est source de simplification pour le bénéficiaire - qui n’est dès lors plus amené à jongler avec divers référentiels –, mais également pour l’administration dans le cadre de la prévention des risques de double subventionnement.
    - Egalité de traitement : l’existence d’un référentiel unique constitue un outil nécessaire au respect de ce principe fondamental : quel que soit le service ou l’agent effectuant les vérifications, celles-ci sont menées selon des principes et modalités identiques et connus de tous.



    * Le cas particulier des CISP :

    En juillet dernier, la Cour des comptes a publié un rapport de suivi d’un précédent audit réalisé en 2009 consacré aux partenariats mis en œuvre par le FOREm, en particulier avec les entreprises de formation par le travail (EFT) et les organismes d’insertion socioprofessionnelle (OISP).

    En 2009, la Cour avait recommandé au FOREm de s’assurer de la correcte utilisation des fonds octroyés à ces opérateurs. Si des contrôles ont bien été mis en œuvre depuis lors, la Cour déplore dans ce nouveau rapport, le nombre trop restreint d’opérateurs contrôlés ainsi que le fait que les contrôles soient effectués trop tardivement.

    Le retard dans les contrôles s’est par ailleurs accentué suite au contentieux qui a opposé la Région à certains opérateurs en 2015. Ce contentieux trouve principalement son origine dans le fait que d’une part, les règles d’éligibilité des dépenses étaient inopposables et que, d’autre part, les Fédérations, représentées par l’Interfédé avaient appelé leurs opérateurs à introduire systématiquement un recours contre les conclusions des rapports d’inspection. Suite à ces recours, la Ministre de la Formation de l’époque a suspendu les contrôles financiers portant sur l’utilisation des subventions par les EFT et OISP.

    Lors de la réforme de la législation encadrant les EFT/OISP, réforme qui s’est étalée sur plusieurs années et qui s’est seulement concrétisée fin 2016 avec la signature de l’arrêté d’exécution du décret du 10 juillet 2013 et l’instauration des CISP (centres d’insertion socioprofessionnelle), les dispositions qui ont été prises en matière de contrôle financier se sont écartées des principes généraux s’appliquant à toute subvention en ce sens que la subvention octroyée aux CISP fait l’objet d’un forfait alors que la loi du 16 mai 2003 - hiérarchiquement supérieure - stipule que tout bénéficiaire d’une subvention doit justifier de l’emploi des sommes reçues.

    Par ailleurs, cet arrêté confie expressément le contrôle financier de la subvention au FOREm – bien que le Décret du 10 juillet 2013 – hiérarchiquement supérieur – confie le contrôle du décret et de ses arrêtés à l’Inspection sociale.

    Les contrôles ont repris en 2017, mais le retard est important, ce n’est pas le métier du FOREm ; celui-ci a d’autres défis à relever et ses ressources devraient y être pleinement consacrées.

    En juillet 2017, la Cour a d’ailleurs réitéré sa recommandation d’organiser un service d’inspection comptable centralisé au sein de la Région wallonne.

    Compte tenu de ces éléments et de la réforme en cours au niveau de l’Inspection visant une intégration des contrôles et des méthodologies de ceux-ci, notre intention est de faire en sorte que les modalités de financement des CISP redeviennent les mêmes que celles auxquelles sont soumis les autres opérateurs œuvrant à l’insertion professionnelle.

    Il est donc effectivement prévu qu’à terme, les règles du guide s’appliquent aux CISP comme aux autres opérateurs.

    La date d’entrée en vigueur envisagée du guide est le 1er janvier 2019 ce qui implique qu’il n’aura pas d’effet rétroactif.

    L’objectif n’est nullement de mettre un secteur particulier en difficulté, mais d’appliquer les dispositions générales applicables au contrôle des subventions et à la comptabilité publique en toute transparence et de façon harmonisée pour tous les opérateurs comme nous le recommande la Cour des comptes.

    De ces dispositions découle ainsi la nécessité de prendre en considération lors d’un contrôle, les subventions éventuellement octroyées par d’autres pouvoirs subsidiants. Il ne s’agit pas de contrôler l’éligibilité des dépenses couvertes par ces subventions, mais de s’assurer qu’une même dépense n’est pas affectée à plusieurs subventions.

    Quant à la couverture et à l’exhaustivité du guide, celui-ci est basé sur le plan minimum comptable normalisé, où toute charge inscrite au compte de résultat trouve sa classification. Dès lors, toute nouvelle charge supportée par le secteur devrait trouver sa place dans un des postes repris dans le Guide.

    La mise à disposition des pièces justificatives visées par le Guide ne va pas à l’encontre du droit à la vie privée. Une analyse de la compatibilité du guide avec le RGPD a été effectuée au niveau de l’Administration. Ces documents sont sollicités dans le cadre bien défini de l’application de la loi du 16 mai 2003. Par ailleurs, dans un souci de simplification administrative et en application du principe de confiance, ces documents ne devront plus systématiquement être transmis à l’administration pour permettre la liquidation de la subvention, mais être conservés par l’opérateur et tenus à la disposition de l’administration en cas de contrôle approfondi.

    En outre, en application du principe de l’échange de données, l’administration recourra autant que possible aux sources de données authentiques évitant ainsi aux opérateurs de communiquer des informations déjà produites par ailleurs.

    Les craintes des CISP sur différents points du guide ont été exprimées via l’Interfédé et entendues tant à mon niveau qu’à celui de l’Administration. Une concertation est en cours avec l’Interfédé et l’InterMire également, d’une part pour clarifier le texte sur certains points, et d’autre part, pour examiner les difficultés anticipées au niveau de son l’application et y apporter une réponse.

    Je souhaite aussi informer que mon collègue, Ministre de l’Agriculture, a prévu l’application de règles identiques aux opérateurs de formations professionnelles qui ont accueilli très favorablement cette clarification des principes de prise en charge des dépenses et ont contribué de façon constructive à leur finalisation.