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Les "chasses à fric"

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 652 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 18/07/2018
    • de LECERF Patrick
    • à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région
    Il semblerait qu’avant la période d’ouverture de la chasse, près des grands territoires réservés à cette activité et depuis plusieurs années maintenant, des gestionnaires de grandes chasses déversent, souvent durant la nuit, des sangliers élevés dans les pays de l’Est.

    Cette démarche tout à fait illégale s’explique par le fait que des actions de chasse à 10 000 ou 15 000 euros voire plus sont organisées. Pour justifier de tels prix, les chasseurs doivent pouvoir se vanter d’un gros tableau de chasse. Il semblerait que l’on nomme cela dans le milieu : « des chasses à fric ».

    Bien entendu, ce déversement illégal de gibier venu des pays de l’Est n’est pas sans conséquence pour les cultures et les prairies de nos agriculteurs. Les conditions de nourrissage de ces bestiaux ayant été considérablement durcies, le gibier sort des forêts dans lesquelles il a été débarqué pour s’aventurer là où il y a de la nourriture, c’est-à-dire, dans nos campagnes où il retourne tout sur son passage.

    Depuis 2014, combien de plaintes d’agriculteurs ont été enregistrées pour dénoncer les dégâts occasionnés par les sangliers sur leurs terres ?

    Combien de déversements illégaux de gibiers a-t-on interceptés depuis 2014 ?

    Peut-on quantifier le nombre de sangliers déversés illégalement dans nos forêts ?

    Ces chasses à fric sont-elles légales ? Comment sont-elles encadrées ?
  • Réponse du 10/08/2018
    • de COLLIN René
    Si l’on peut discuter de la valeur de ces indications qui font part de suspicions de lâchers illégaux de sangliers, il n’en reste pas moins vrai que des analyses génétiques menées depuis plusieurs années sur des échantillons de la population de sangliers abattus à la chasse ont montré qu’un très faible nombre d’entre eux (moins de 5 %) ne pouvaient effectivement pas être rattachés à une des cinq sous-populations de Wallonie caractérisées de façon distincte sur un plan génétique, autrement dit qu’il y avait une très forte probabilité pour que ces sangliers ne soient pas « wallons ».

    Cela étant, sachant que les sangliers sont susceptibles de se déplacer sur plusieurs kilomètres, le fait de tirer un sanglier « non wallon » sur son territoire ne prouve évidemment pas que l’on ait effectué soi-même un lâcher illégal. Une des seules manières d’établir cette infraction est de prendre son auteur sur les faits. Ces dernières années, les agents chargés de la police de la chasse (Département de la nature et des forêts (DNF), Unité anti-braconnage (UAB)) n’ont en tout cas pu mettre en évidence aucun lâcher de sangliers, ce qui tend au moins à prouver que cette infraction est loin d’être courante. Il est par conséquent impossible d’apprécier cette pratique cynégétique illégale. On peut en tout cas espérer que ceux qui l’envisageraient encore aujourd’hui en sont à présent totalement dissuadés par le contexte de la peste porcine africaine qui touche l’est de l’Europe, maladie mortelle pour le Sanglier.

    Ce qui est certain, c’est que le problème des dégâts à l’agriculture n’a rien à voir avec ces éventuels lâchers. Nos populations de sangliers indigènes sont suffisamment nombreuses et les campagnes suffisamment attractives pour celles-ci pour que l’on rencontre de toute façon ce problème. Si l’on s’en réfère aux données fournies par les agriculteurs eux-mêmes à l’occasion de la rentrée de leur déclaration de superficie annuelle (DS), le pourcentage d’agriculteurs ayant renseigné des dégâts de sangliers a varié entre 2014 et 2017 de 4,4 % (DS 2017) à 6,1 % (DS 2014). Par producteur touché, le nombre moyen de parcelles avec des dégâts de plus de 5 % a quant à lui peu varié (7,7 par producteur, sauf pour la DS 2015 : 7,3) et la superficie totale de ces parcelles touchées s’échelonne de 17 733 hectares (DS 2017) à 24 067 hectares (DS 2014).

    Par ailleurs, les chasses que l’honorable membre dénonce ne sont pas spécifiquement « encadrées » : elles sont soumises aux mêmes règles que toutes les autres. Mais la législation sur la chasse a considérablement évolué dans la foulée du décret de 1994 et toute une série de dérives, dont ces chasses s’étaient sans doute fait une spécialité, ont été bannies (interdiction des lâchers de grand gibier ou des parcs de chasse, par exemple), voire limitées (réglementation du nourrissage du grand gibier, par exemple). Cela n’est évidemment pas parce que l’autorité prend des mesures appropriées que celles-ci ne sont plus jamais transgressées.