/

Les conséquences de la hausse du prix de l'immobilier sur la demande de logements publics

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 443 (2017-2018) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 30/08/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives
    D’après les données de l’office belge de statistique, en Belgique, le prix de l’immobilier a encore augmenté l’an dernier ( + 2,8% pour les maisons d’habitation, + 2,9% pour les villas et + 2,3% pour les appartements).

    Le Brabant wallon est toujours aussi recherché, mais pas seulement pour ses villas, les appartements ont connu une hausse de prix de 13,3% entre 2016 et 2017 (254.320 €).

    En 2017, en Belgique, il fallait compter en moyenne 218.704 € pour une maison d’habitation, 359.945 € pour une villa et 226.820 € pour un appartement.

    En Wallonie, les prix des maisons ont augmenté de 3% et de 3,1% pour les appartements. A Bruxelles, + 4,5% pour les appartements (245.766 €) et + 1,2% pour les maisons (418.072 €).

    Vu l’évolution des prix, Madame la Ministre ne craint-elle pas que la demande de location de logements publics explose de façon telle que même les 40.000 logements à créer ne suffiront plus ?

    Dans quelle mesure est-ce que les aides publiques et les avantages fiscaux lors de l’achat d’une maison contribuent à l’explosion des prix ?
  • Réponse du 13/09/2018 | Annexe [PDF]
    • de DE BUE Valérie
    Les chiffres les plus récents de Statbel (https : //statbel.fgov.be/fr/themes/construction-logement/prix-de-limmobilier), l’office belge de statistique, relatifs à la hausse de l’immobilier, ont été publiés 2018. Ils portent sur le premier trimestre 2018, comparé au premier trimestre 2017.

    Comme l’honorable membre le mentionne, ils confirment la tendance générale haussière des prix, sauf pour les appartements et studios wallons, pour lesquels on enregistre une baisse de 4 %.

    La ventilation des prix par province et par commune témoigne cependant de très fortes différences. Ainsi, le prix moyen de la maison d’habitation dans la commune wallonne la moins chère (Gedinne) est de 86 800 euros, tandis que celui de la commune la plus chère (Lasne) est de 576 154 euros.
    Compte tenu de l’écart considérable entre ces chiffres, il existe une large palette de prix en Wallonie.

    Sans nier aucunement la tendance globale à la hausse, l’accès à la propriété de la classe moyenne reste donc possible si ce n’est, j’en conviens, de certaines zones où les prix atteignent des montants très élevés.

    De façon générale, il faut aussi mentionner, bien évidemment, une corrélation étroite entre les revenus des habitants des zones concernées et les prix moyens des habitations à la vente de chaque commune.

    Les difficultés d’accès à la propriété en raison des prix font de toute évidence pression sur le marché locatif privé.

    Par contre, leur impact sur la demande de logements publics semble plus difficile à mesurer, d’autant qu’il n’existe, à ma connaissance, aucune étude à ce sujet.

    L’étude qui, sans aller jusque là, brosse le tableau le plus complet de l’analyse de la demande est celle du CEHD (https : //www.swl.be/images/rapport-CEHD-candidatures-Final2017.pdf, page 50 et suivantes) qui s’intitule « Les ménages candidats à un logement public en Wallonie au 1er janvier 2017 ».

    Si l’augmentation des prix immobiliers conjuguée à une stagnation de revenus pour certaines franges de la population complique leur accès à la propriété, rien ne démontre pour autant que cela entraîne automatiquement une hausse des candidatures au logement public.

    En effet, les choix qui s’offrent aux ménages pour se loger ne se résument pas à une alternative entre être propriétaires ou être locataires auprès d’une SLSP. Ils peuvent également être locataires dans le parc privé.

    Les experts du secteur constatent plutôt que les ménages primo-accédants désirant acquérir une maison (c’est-à-dire ceux concernés par la hausse actuelle des prix) sont souvent actuellement logés dans le parc locatif privé et non dans le logement public.
    C’est ce que les spécialistes appellent le phénomène « property ladder » par lequel un ménage tente de gravir les échelles d’abord de la location privée, puis de la primoacquisition jusqu’à l’investissement patrimonial.

    En conséquence, la hausse des prix retarde principalement, dans leur parcours résidentiel, des ménages locataires privés qui ont à la fois l’envie d’acquérir un logement et les moyens pour le faire. Si, en raison de la hausse des prix, un certain nombre de locataires aujourd’hui dans le privé ne peuvent pas réaliser leur projet d’acquisition, ils auront plutôt tendance à faire augmenter la part des locataires sur le parc locatif privé.

    Les locataires des SLSP constituent un public beaucoup plus fragile économiquement et qui, en général, ne peut envisager d’acheter son habitation directement ou simplement de se loger dans le parc locatif privé.

    En outre, une hausse des prix immobiliers peut, paradoxalement, entraîner une augmentation des logements proposés sur le marché locatif privé.

    En effet, la hausse des prix resserre le panel des acheteurs potentiels aux personnes les plus fortunées et, par là même, laisse davantage de place aux investisseurs qui voudraient acheter des biens pour les mettre en location.

    Certes il est toujours difficile de prévoir les réactions sur un marché dont la composition et les comportements des ménages changent constamment, mais il semble plus pertinent que cela évolue en ce sens, plutôt que de causer une hausse mécanique de candidats à un logement social.

    Au fait, si l’on tente de mettre en perspective l’évolution du nombre de candidatures par rapport à différents indices (à défaut des prix immobiliers), on obtient les résultats suivants (voir annexe).

    On observe que le nombre de candidats augmente significativement plus vite que les indices auxquels on les compare, mais qu’une stabilisation semble néanmoins en cours. L’intégration d’autres données telles que les prix de vente immobiliers nécessiterait des recherches plus approfondies.

    Il faut rester prudent par rapport à toute interprétation trop rapide, car d’autres facteurs peuvent intervenir sur la demande de logements publics, tels que le taux d’emploi dans une zone spécifique ou encore, de façon plus générale, le phénomène de décohabitation.

    Pour revenir plus précisément à la question de l’honorable membre, les ménages qui, en raison du prix de l’immobilier, ne peuvent se rendre acquéreurs d’un logement ne se trouvent pas nécessairement dans les conditions permettant d’introduire une demande de logement public. Pour rappel, les plafonds de revenus absolus sont actuellement les suivants :
    - 42 400 euros pour un isolé ;
    - 51 300 euros pour un ménage, augmentés de 2 500 euros par enfant à charge.
    En 2019, ces montants seront portés à 45 100, 54 500 et 2 700 euros.

    Le logement public ne peut pas absorber toutes les demandes non rencontrées sur le marché acquisitif indépendamment des revenus ou de la situation sociale du ménage.

    D’une part, par souci de pragmatisme. Comme il l’indique, 40 000 ménages sont actuellement en attente, et les moyens budgétaires de la Wallonie sont limités. Cette situation est notamment due, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, à un désinvestissement dans ce secteur depuis de trop nombreuses années.

    D’autre part, parce qu’il existe actuellement une incertitude juridique européenne sur ce qui peut ou ne peut pas être considéré comme du « logement social ». De façon générale, le logement social est considéré comme un Service d’intérêt économique général (SIEG), qui peut faire l’objet d’un financement public et constituer une exception aux règles de concurrence et celles sur les aides d’État.

    Les États sont libres d’organiser les SIEG comme ils le souhaitent, mais la Commission européenne peut sanctionner un État lorsqu’elle estime qu’il a commis une erreur manifeste de qualification en incluant dans un SIEG des activités qui faussent le marché.

    S’agissant du logement social, la Commission européenne avance que la location de logements aux ménages autres que socialement défavorisés ne peut pas être considérée comme un service d’intérêt général, et dès lors n’a pas à bénéficier de subventions publiques.

    Cette position très restrictive ne fait pas l’unanimité au sein même des instances européennes, car elle paraît mettre en cause le logement public moyen. Fin 2018, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne devrait trancher un litige qui oppose depuis des années les bailleurs sociaux néerlandais à la Commission européenne et des opérateurs privés.

    Si l’on peut espérer que l’arrêt de la Cour clarifiera et assouplira les notions de SIEG et de logement social dans ce cas d’espèce, il semble néanmoins acquis que les pouvoirs publics ne pourraient subventionner la construction de logements publics destinés à tous les groupes sociaux.

    Pour répondre à l’autre question de l’honorable membre, relative à l’effet inflationniste des aides publiques et des avantages fiscaux lors de l’achat d’une maison sur les prix immobiliers, je le renvoie aux résultats très récents de l’étude réalisée par l’Université de Liège et publiée officiellement par l’IWEPS, qui a examiné les causes réelles et les plus importantes de la flambée des prix immobiliers en Wallonie au cours de deux dernières décennies.

    D’une part, de manière tout à fait significative, s’appuyant sur les modèles théoriques et les données statistiques belges, les auteurs de l’étude rejettent, l’hypothèse que les prix soient poussés par la recherche de rendements (présents ou/et futurs).

    Ainsi, le rendement immobilier n’a cessé de diminuer entre 1991 et 2013 alors que les prix augmentaient et donc que toutes choses égales par ailleurs, l’actif immobilier perd de son attractivité économique au cours du temps.

    D’autre part, les auteurs affirment dans cette étude que, je les cite :« Le principal déterminant de la dynamique à la hausse du marché immobilier résidentiel demeure la dynamique du marché du crédit immobilier » (Artige, L. & Reginster, A. (2017) « Deux décennies d’augmentation des prix immobiliers résidentiels en Wallonie (1995-2015) », Dynamiques régionales, N°5, pages 9-22).

    Comme le mentionnent les auteurs, la très forte diminution des taux d’intérêt, l’assouplissement des conditions d’emprunt bancaire et l’allongement de la durée des prêts immobiliers - pratiqués par les banques pour entretenir leur marché du crédit hypothécaire - ont grandement facilité l’accès au crédit immobilier en Belgique, ce qui a permis aux ménages de suivre la hausse de prix immobiliers.

    Je ne reviens pas, dans le cadre de cette question, sur les alertes de la Banque Nationale de Belgique à propos du risque de surévaluation de l’immobilier belge en raison de la progression importante ces dernières années de l’endettement hypothécaire des ménages belges.

    L’honorable membre a déjà nourri ce débat en commission du Parlement. Ceci relève davantage de la régulation financière du marché hypothécaire que de la politique régionale du logement.

    Ce n’est donc pas l’effet inflationniste des aides publiques qui est en cause, les experts s’accordent là-dessus. La réduction d’impôt pour le crédit hypothécaire vient plutôt apporter un soutien à des ménages jeunes dont l’endettement a progressé. Je tiens à lui rappeler que mon prédécesseur - membre de sa famille politique - a d’ailleurs mené une réforme du « chèque-habitat » pour recibler l’avantage fiscal et éliminer l’effet d’aubaine comme il le défendait devant ce Parlement voilà deux ans.

    Il serait sans doute très intéressant d’analyser l’atteinte de cet objectif.