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Les centrales au gaz

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 36 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 11/10/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    Electrabel possède dans ses cartons un projet de doublement de la capacité de la centrale au gaz d’Amercœur (420 MW), située sur la Commune de Charleroi. Le permis unique délivré est toujours valable, l’autorisation de production fédérale a quant à elle expiré.

    Eneco, en rachetant Eni, a pris possession d’un projet de centrale au gaz à Manage (450 MW). Un projet dont le permis unique n’est plus valable, mais qui dispose toujours de l’autorisation fédérale de production d’électricité.

    EDF Luminus s’est quant à lui battu, dix ans, afin de construire une centrale au gaz (920 MW) à Navagne. Mais le permis unique a finalement été annulé par le Conseil d’État, qui ne cache pas sa priorité aux centrales au gaz existantes.

    Nous voilà devant un scénario qui dévoile l’insuffisance en matière de puissance électrique à développer par des centrales au gaz (du côté wallon) indispensables au scénario de transition énergétique (préparant à la sortie du nucléaire et de la lutte contre le réchauffement climatique) ?

    Cela fait partie du pacte énergétique conclu entre le Fédéral et les Régions.

    Quel est donc le suivi que réserve Monsieur le Ministre (suite à sa visite à Aix-la-Chapelle) à une production « extra muros » ?

    Est-il envisageable que la centrale au gaz en question puisse alimenter le marché wallon (belge) en négociant un accord commercial avec les promoteurs de ladite centrale ?
  • Réponse du 08/11/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Que l’honorable membre me permette de contextualiser la problématique de la sécurité d’approvisionnement. Dans une perspective de sortie du nucléaire, nous manquerons de capacité au gaz, cela ne fait aucun doute. Le grand enjeu de la sortie n’est pas tant le fait de cesser d’opérer ces centrales, mais plutôt le délai dans lequel les centrales cesseront de fonctionner. C’est en effet entre 2022 et 2025 que nous aurons à remplacer, d’une manière ou d’une autre, une capacité totale de 6 GW. L’ironie du sort est que nous venons de vivre cette situation, en moins de deux mois, avec la mise à l’arrêt de la majeure partie du parc nucléaire. Que cela nous serve de leçon pour anticiper la sortie définitive.

    Dans le cadre des discussions relatives au pacte énergétique, nous avions abordé la question de l’opportunité du redémarrage de certaines centrales existantes et de la nécessité d’installer de nouvelles centrales. La conclusion était claire : même en redémarrant toutes les centrales, nous aurons besoin de nouveaux outils, de nouvelles centrales au gaz. Donc, l’approche théoriquement la plus sage consiste à mobiliser tout ce qui peut l’être et ensuite à s’équiper de nouvelles centrales.

    Enfin, pour répondre à la question de l’honorable membre, je rajouterai un élément important. Il sait que sur un réseau interconnecté, l’électricité circule par nature librement, sans tenir compte des frontières entre les pays. Cela signifie que l’on ne peut pas dédier un moyen de production à certains utilisateurs en particulier, si ce n’est à envisager une ligne directe entre la production et les consommateurs, ce qui n’est pas le propos ici. Une centrale extra-muros pourrait, le cas échéant, participer au mécanisme de rémunération de la capacité, si celui-ci le permet. Or, cela soulève d’autres questions liées à d’autres politiques, telles que notamment les conditions d’exploitation, la prolongation ou non des permis. Imaginons demain qu’une centrale extra-muros se voit imposer des conditions d’exploitation qu’elle ne peut plus respecter (par exemple suite à des plaintes de riverains). Quel serait alors le risque pour la Belgique qui déprendrait de l’outil en question ? Nous serions dépendant des importations et du bon vouloir du pays hôte de l’outil.

    Nous devons également nous inscrire dans une logique d’évolution du parc, non pas seulement belge, mais européen. On le sait, l’Allemagne sortira plus rapidement du nucléaire que nous, la France a ralenti la voilure, mais maintient son souhait d’en sortir progressivement également. En Allemagne, le lignite et le charbon constituent une part non négligeable du parc, or la montée du prix de la tonne de carbone va mettre la pression sur ces outils. Si certains outils viennent à fermer, ce seront autant de capacités en moins à l’échelle européenne et donc de risque de ne pas pouvoir satisfaire la demande.

    Aujourd’hui l’Europe est en surcapacité, mais cela va rapidement changer. Nous devrons en peu d’années disposer de nouvelles capacités flexibles, sur une plaque de plus en plus interconnectée. C’est l’esprit de l’Union énergétique voulue par l’Europe, d’évoluer vers un marché le plus interconnecté possible. De l’autre côté, l’Europe nous rappelle que chaque État membre doit assurer sa propre sécurité d’approvisionnement. Se pose dès lors la question éminemment politique, à laquelle nous n’avons pas encore répondu, de savoir jusqu’à quel niveau nous souhaitons être autonomes avec nos propres moyens de production.

    Par ailleurs, rappelons que les capacités des interconnexions sont également limitées physiquement. Compter sur des outils extra-muros signifie se rendre vulnérable sur ce plan-là également. Il faudrait probablement surdimensionner la capacité des interconnexions pour pouvoir importer la production d’un outil spécifique (en plus des importations dues aux effets de marché).

    Pour terminer, je dois tout de même lui rappeler que la compétence du marché de l’électricité est dans les mains du Fédéral. Qu’il s’agisse du fonctionnement du marché, de la mise en place d’un mécanisme de rémunération de la capacité ou de constituer une réserve, sont autant de compétences fédérales sur lesquelles je n’ai que peu d’influence. Les éléments que je viens de développer ci-dessus visent uniquement à rappeler que les choses ne sont pas si simples et ne peuvent être réglées par un accord commercial tel qu’il l’évoque, même si je plaide pour que tout soit mis en œuvre pour envisager toutes les options possibles.