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La hausse du coût de production de l'électricité

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 40 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 11/10/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    L’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990. Pour la Belgique cela représente 35 % pour le secteur non ETS par rapport à 2005.

    Cela fait des mois que le Bureau du Plan a publié une étude qui évalue entre autres les impacts économiques du respect de ces engagements climatiques pour la Belgique.

    Le prix de l’électricité va augmenter. Le Bureau du Plan a calculé que le coût de production de l’électricité allait augmenter de 32 % à l’horizon 2040. Le Plan se base sur une sortie du nucléaire en 2025.

    L’utilisation du pétrole va fortement baisser. À l’inverse, le gaz naturel va monter en puissance (39 %) tout comme les énergies renouvelables (31 %).

    Au vu de la pénurie d’électricité dont tout le monde parle, ne doit-on pas revoir le calcul ?

    Dans quelle mesure ladite pénurie couplée à une majoration de la facture à consommation identique va-t-elle handicaper la politique de Monsieur le Ministre en matière du renouvelable, à moins que la Région wallonne opte pour une augmentation encore plus forte de la facture adressée au client final ?

    La question est-elle concertée entre les niveaux fédéral et régional ? Dans la négative, va-t-il demander conseil au Conseil interministériel ?
  • Réponse du 08/11/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Je développerai ma réponse en plusieurs parties complémentaires.

    Premièrement, les changements climatiques induisent des coûts externes que la société doit supporter, maintenant et à terme. La question de la décarbonation de notre économie est de savoir si notre génération actuelle est prête à supporter une partie de ces coûts ou si elle préfère les laisser aux générations qui vont suivre. Notre consommation d’énergie, notre mode de vie conduisent à des coûts qui ne sont aujourd’hui pas repris dans notre facture énergétique. Développer des alternatives aux énergies fossiles et fissiles vise à réduire ces externalités, dont le coût est aujourd’hui difficile à quantifier, mais dont les effets à moyen et long termes seront indéniables.

    Deuxièmement, le remplacement des outils nucléaires est une nécessité. À l’échelle européenne, la plupart des centrales datant des années 70-80, nous atteignons la limite de la sécurité. Nous devrons arrêter les centrales, que ce soit en Belgique, en France ou en Allemagne. Je ne suis pas expert en la matière, mais je pense qu’elles ne pourront plus fonctionner durant des décennies. Les remplacer par de nouvelles centrales ? Ce serait une idée, même si je ne la soutiens pas, mais je me permets de donner deux chiffres.

    Aujourd’hui le nucléaire belge coûte de l’ordre de 17 euros/MWh. C’est très peu, par rapport au marché de gros. Comment est-ce possible ? Simplement parce que ces outils, très capitalistiques, ont été amortis très rapidement par l’état belge lors de leur mise en route il y a plus de 30 ans. Les coûts opérationnels, combustibles compris, étant relativement faibles, le coût de production est extrêmement bas. Si nous voulions une nouvelle centrale nucléaire, compte tenu des nouvelles règles en matière de sécurité nucléaire, le coût de production dépasserait les 120-130 euros/MWh. Le coût de production de l’éolien est aujourd’hui de l’ordre de 90 euros/MWh, soit sensiblement moins, même s’il est vrai que nous pouvons comparer une énergie variable à une énergie continue, mais cela donne un ordre de grandeur.

    Là où je veux en venir, c’est que dans tous les cas de figure, avec le vieillissement du parc nucléaire actuel, cela nous coûtera plus cher. C’est inévitable. La question est donc : que faisons-nous pour que cela coûte le moins cher maintenant et plus tard ? Mon choix a été de prendre le taureau par les cornes, comme l’a fait l’Europe d’ailleurs, en augmentant le développement du renouvelable parce qu’il s’agit de l’option qui coûtera le moins cher à terme, si l’on prend en compte les externalités. Le gaz sera son partenaire.

    L’autre option, et l’honorable membre sait que je ne la soutiens pas, aurait été de laisser nos vieilles centrales nucléaires tourner jusqu’au bout pour maintenir le plus longtemps possible ce coût artificiellement bas. Au bout de quoi ? Personne ne le sait, mais je préfère être prudent, je ne voudrais pas d’un accident comme Fukushima chez nous.

    Troisièmement, la raréfaction des ressources fossiles finira bien par arriver. Je doute que le prix du gaz descende plus bas que le seuil actuel. Les besoins à l’échelle planétaire augmentent. De plus, la politique climatique de l’Europe, notamment avec l’ETS, augmente déjà aujourd’hui de quelques euros le MWh produit au gaz (pour rappel la tonne de carbone est passée de ~5 euros/t en début d’année à ~20 euros/t actuellement). Encore une fois, face aux aléas géopolitiques et à l’évolution de l’économie mondiale qui va massivement se tourner vers le gaz naturel, la meilleure parade est celle du renouvelable endogène.

    La pénurie, comme expliquée dans la QE36, remet sur la table la question de la rapidité avec laquelle nous faisons face à l’arrêt de certains outils et avec laquelle il nous faut développer les alternatives. Concernant le prix, je le renverrai vers sa question orale 2_4 relative à la gestion chaotique de la politique énergétique fédérale et les impacts sur la Wallonie.

    Enfin, compte tenu de cette analyse, je me permets de considérer comme réducteur son analyse selon laquelle je devrais soit revoir ma politique du renouvelable, soit, je le cite « opter pour une augmentation encore plus forte de la facture adressée au client final ». La transition a un coût, mais l’absence de transition aura un coût encore plus important et dans tous les cas de figure, notre électricité coûtera plus cher en 2025, et au-delà, quelle que soit l’option que l’on choisisse.