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Les nouvelles tricheries du secteur automobile

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 110 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 19/10/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de la Transition écologique, de l'Aménagement du Territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings
    L’affaire fait beaucoup parler, même si aucun nom n’a été prononcé !

    La Commission européenne dit détenir des preuves, établies par son centre d’études scientifiques, prouvant que des constructeurs automobiles gonflent artificiellement les mesures de CO2 déclarées de leurs véhicules et ce afin de fournir une référence plus élevée pour le calcul des nouvelles normes d’émissions de 2025 et 2030.

    Ce nouveau bidouillage pourrait réduire de moitié les ambitions de réductions d’émissions de CO2 et de ce fait retarder la lutte contre les changements climatiques.

    À partir de 2021, une nouvelle norme d’émission devrait entrer en vigueur au sein de l’Union européenne : 95 g de CO2 par km contre 130 g par km à l’heure actuelle.

    L’exécutif européen a fixé un objectif commun de réduction des émissions de CO2 de 15 % pour 2025 et de 30 % pour 2030. Ces objectifs seront calculés pour chaque constructeur par rapport aux niveaux d’émission de leur parc automobile en 2021.

    Monsieur le Ministre est-il au courant de ces nouvelles tricheries ?

    L’exécutif européen a-t-il informé les États et les Régions ?

    Réagira-t-il à l’encontre de ceux qui polluent l’air et s’attaquent à notre santé comme il l’a fait dans le cadre du VW-gate ?

    De plus, on sait qu’un sommet européen a été consacré à cette thématique, peut-il nous en faire un compte-rendu ?
  • Réponse du 12/11/2018
    • de DI ANTONIO Carlo
    Il importe de replacer cette question dans le contexte de la mesure des émissions de CO2 des nouvelles voitures.

    Jusqu’en septembre 2017, les émissions de CO2 des véhicules ont été mesurées en suivant la procédure en laboratoire New European Driving Cycle (NEDC). Cette procédure a érodé une part significative des bénéfices escomptés de cette législation puisqu’elle sous-estime les émissions. La Commission européenne évaluait cette divergence entre les émissions mesurées par la procédure NEDC et les émissions réelles sur route des véhicules à 40 %.
    Depuis septembre 2017, la procédure en laboratoire Worldwide Harmonised Light Vehicles Test Procedure (WLTP) est d’application. Celle-ci permet de mieux mesurer les émissions de CO2 des véhicules, mais conserverait tout de même encore un décalage avec la réalité de l’ordre de 20 %.

    La tricherie à laquelle il est fait référence est surtout liée au passage de la procédure NEDC à la procédure WLTP et à la manière de calculer la « baseline », c’est-à-dire la ligne de départ à partir de laquelle les objectifs de réduction seront calculés dans le futur. Plus elle est élevée, plus l’objectif sera facile à atteindre.

    Dans un document daté du 20 juillet 2018 et distribué aux États membres, la Commission européenne a reconnu que des preuves existeraient quant au fait que les émissions déclarées par les constructeurs pouvaient être volontairement gonflées. Elle reconnaissait également les implications problématiques que cela avait sur la fixation des objectifs de réductions d’émissions de CO2 pour les constructeurs. Enfin, dans ce document, la Commission proposait plusieurs mesures pour remédier à ces problèmes. Ces mesures ont d’ailleurs été soutenues par la Belgique.

    Le 9 octobre dernier, un Conseil des Ministres de l’Environnement a examiné la proposition de la Commission européenne afin de déterminer une approche générale dans le but de pouvoir entamer les négociations entre le Conseil, le Parlement et la Commission. Il y avait trois points clés dans cette discussion :

    1. L’ambition : la Commission européenne proposait des objectifs de -15 % en 2025 et de -30 % en 2030 pour les voitures et les véhicules utilitaires légers par rapport à la moyenne des objectifs d’émissions spécifiques définis en 2021 par constructeur. Par ailleurs, la proposition de la Commission continuait à favoriser les véhicules de masse plus importants en leur octroyant des objectifs spécifiques moins ambitieux.

    2. L’incitation pour les véhicules électriques : la commission avait proposé une sorte de bonus. Si le nombre de nouveaux véhicules électriques dépassait le seuil de 15 % en 2025 ou 30 % en 2030 alors l’objectif du constructeur était revu à la hausse ce qui lui permettait de produire des voitures thermiques plus polluantes.

    3. La mesure réelle des émissions : suite à l’écart observé entre les émissions mesurées via la nouvelle procédure et le risque que cet écart se creuse, la Commission s’est limitée à insérer un article sur les émissions réelles de CO2 prévoyant une obligation pour elle de mesurer ces émissions réelles via, entre autres, des données de consommation et la possibilité d’adopter d’autres mesures.

    Sur ces trois points, la Belgique soutenait une ambition plus forte afin de pouvoir atteindre son objectif sous l’effort « sharing regulation » (de -35 % par rapport à 2005), d’améliorer la qualité de l’air de l’Union européenne, de soutenir la compétitivité des constructeurs européens en Europe et de favoriser d’autres co-bénéfices.

    Le Conseil du 9 octobre dernier n’a marqué aucune évolution par rapport à la proposition de la présidence autrichienne. L’objectif a donc uniquement été renforcé à -35 % en 2030 pour les voitures avec une possibilité de révision, ce qui est insuffisant. Le bonus a été renforcé au détriment de l’ambition et aucune mesure supplémentaire n’a été prévue en ce qui concerne la mesure des émissions réelles.

    Nous continuerons à suivre les débats de manière très proactive. D’autres mesures suivront au niveau régional au travers du futur plan air climat énergie.