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La praticabilité du "ruling" fiscal

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 50 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 06/11/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    Un « ruling » (décision anticipée) peut être défini comme étant une décision par laquelle le SPF Finances détermine comment les lois d’impôts s’appliqueront à une situation ou à une opération bien précise, qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal.

    Quels sont, suivant les informations du SPF Finances, les impôts qui peuvent faire l’objet d’une demande de décision anticipée ?

    Selon la source citée, ce sont : contributions directes, impôt des personnes physiques, impôt des sociétés, impôt des personnes morales, impôt des non-résidents, précompte professionnel, précompte mobilier, précompte immobilier (en Flandre, c’est la Région flamande qui est compétente), taxe de circulation (en Flandre, c’est la Région flamande qui est compétente - en Wallonie, c’est la Région wallonne qui est compétente), taxe de mise en circulation (en Flandre, c’est la Région flamande qui est compétente - en Wallonie, c’est la Région wallonne qui est compétente), eurovignette (en Flandre, c’est la Région flamande qui est compétente - en Wallonie, c’est la Région wallonne qui est compétente), taxe sur les appareils de divertissement automatiques (en Wallonie, c’est la Région wallonne qui est compétente), taxe sur les jeux et paris (en Wallonie, c’est la Région wallonne qui est compétente)…, TVA, droits d’enregistrement et de succession (en Flandre, c’est la Région flamande qui est compétente pour le droit d'héritage [les droits de succession et les droits de mutation par décès], le droit de donation, le droit de vente, le droit de partage et le droit sur la constitution d'une hypothèque), douanes et accises.
     
    Les Régions sont donc compétentes sur une partie de la fiscalité qui peut faire l’objet d’un « ruling ».

    Des « rulings » ont-ils été pratiqués jusqu’à présent ?
    Dans l’affirmative, peut-on connaître les résultats desdits « rulings » ?

    À l’avenir, des « rulings » sont-ils programmés ?
    Dans l’affirmative, quels sont les objectifs visés ?
  • Réponse du 04/12/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Je peux parfaitement comprendre l'intérêt de l'honorable membre pour un principe de décisions anticipées en matières fiscales propres à la Région wallonne.

    Comme l'expliquait clairement l'exposé des motifs de la loi fédérale du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale « le bon déroulement et le développement des activités économiques requièrent l’existence d’un système juridique assurant une prévisibilité optimale des conséquences liées aux actes posés. Ce constat s’applique en particulier dans le domaine fiscal : le système fiscal doit idéalement atteindre ses objectifs économiques et budgétaires sans peser négativement sur les décisions des agents économiques, notamment en matière d’investissements », et d'ajouter que « de longue date, les administrations fiscales ont développé une pratique informelle d’accords fiscaux, tant au niveau des services locaux chargés du contrôle que des services centraux, portant sur les conséquences fiscales d’une opération qui a déjà été réalisée ou qui est simplement envisagée. ».

    Dans les faits, une « distinction doit d’emblée être établie entre les questions de principe, d’ordre théorique et portant sur des opérations ou situations purement hypothétiques, d’une part, et les situations ou opérations concrètes dont la réalisation est envisagée de manière sérieuse et précise, d’autre part. Seules ces dernières pourront tomber sous l’application d’une procédure de décision anticipée suivant les conditions posées par le présent projet. L’examen de questions de principe d’ordre théorique par les services centraux reste donc situé en dehors du cadre des décisions anticipées et relève le cas échéant du domaine des missions générales des services qui sont chargés du commentaire des lois et arrêtés. ».

    Ceci signifie également que le principe même d'une décision anticipée pourrait trouver à s'appliquer éventuellement pour n'importe quel type d'impôt ou de taxe, pour autant qu'il y ait un intérêt à une telle pratique. En effet, l'introduction d'un dossier de « ruling » pour connaître le montant de la future taxe de circulation d'un véhicule précis que l'on envisage d'acquérir prochainement n'a pas beaucoup de sens vu la disponibilité de cette information pour tout citoyen.

    Du plus, cela implique la création d'un cadre légal propre à la Région wallonne et la disponibilité de services administratifs ad hoc, pour les impôts et taxes qui relèvent de sa compétence. Une Région n'a pas la capacité d'utiliser la réglementation fédérale en la matière pour remettre des décisions anticipées qui la concernent. Elle doit disposer de son propre cadre légal sur le sujet.


    En effet, une décision anticipée au sens actuel du fédéral implique que :

    • la décision anticipée confère au demandeur le droit à la sécurité juridique par rapport aux opérations ou aux situations qu’il présente à l’administration dans le cadre de sa demande, pour autant qu’il réalise ces opérations ou que cette situation se concrétise conformément à la description qui en est faite ;
    • le demandeur ne souscrit à cette occasion aucune obligation personnelle de réaliser les opérations envisagées et n’est donc en aucun cas tenu d’exécuter les opérations qu’il a présentées dans le cadre de la demande ;
    • le demandeur est tenu de réaliser les opérations comme il les a décrites, pour autant qu’elles se réalisent, afin de bénéficier de la sécurité juridique qui lui a été accordée sous condition ;
    • l'administration fiscale s’engage sous cette condition à l’application légale telle que précisée dans la décision anticipée ;
    • la sécurité juridique obtenue par le demandeur est inexistante dès lors que celui-ci ne réalise pas l’opération de bonne foi, conformément à la description fournie.

    Il n'existe donc pas de « ruling » remis en Région wallonne en tant que telle, faute de cadre légal approprié.

    Par ailleurs, le principe même d'une décision anticipée implique la recherche d'une clarté des implications fiscales d'une opération complexe. Il n'y a donc que très peu d'impôts ou taxes wallonnes pour lesquels la création d'un service des décisions anticipées aurait un intérêt réel à l'heure actuelle.

    J'attire tout de même l'attention sur les dossiers complexes concernant les transmissions d'entreprises, pour lesquelles la Région wallonne est totalement compétente, et pour lesquelles le Service des Décisions anticipées fédéral ne remet pas de « ruling », faute de compétence sur le sujet.
    Néanmoins, le travail d'accompagnement fourni par la Direction générale opérationnelle de la Fiscalité du Service public de Wallonie sur ce type de dossier permet la plupart du temps de disposer de dossiers complets et d'assurer un suivi de ceux-ci digne d'un service aux citoyens tel que nous pouvons l'attendre.

    Concernant l'avenir, la question illustre effectivement la nécessité de disposer à terme d'un Service des Décisions anticipées wallon dès lors que des taxes complexes comme les droits d'enregistrement ou les droits de succession seront totalement entre les mains de la Région wallonne.

    A cet effet, le gouvernement porte le projet de création d’un centre stratégique d’expertise fiscale et financière (CeSEFF) lequel prévoit dans sa structure la possibilité d’un tel service dont il conviendra en temps opportun de déterminer les missions.