/

Les conséquences de la sortie du nucléaire

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 51 (2018-2019) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 06/11/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    J'ai relevé dans la presse que Chris Peeters déclarait:
    « Nous avons toujours dit que le choix du mix énergétique n’appartenait pas à Elia. Nous sommes là pour mettre en œuvre la politique énergétique décidée par le Gouvernement. Mais c’est bien sûr un peu inconfortable que l’on en soit encore à discuter du meilleur choix pour le pays en matière de nucléaire. Des choix plus clairs et plus courageux doivent être faits par le politique. Pour résumer les choses simplement, il faut en réalité décider si l’on ferme 4 GW de nucléaire ou 6 GW de nucléaire. Deux options qui étaient impossibles sans des mesures complémentaires ».

    Suivant le scénario choisi en ce qui concerne la sortie du nucléaire, les choix que nous devrons prendre dans la suite pèseront plus ou moins lourdement sur les budgets publics et privés des Wallons.

    Monsieur le Ministre a-t-il été contacté par le niveau fédéral sur le scénario choisi ?

    A-t-il procédé aux estimations (chiffrées de préférence) et à la conception des différents scénarios suivant celui choisi pour la sortie du nucléaire ?
  • Réponse du 28/11/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Plus qu’avoir été contacté, je rappelle que nous avons élaboré ce scénario ensemble dans le cadre du pacte énergétique.

    Je cite pour la transformation du parc de production électrique qui contribue de manière structurelle à la transition et au remplacement du parc actuel :
    « Dans une logique d’autonomie énergétique, de retombées socio-économiques locales et d’innovation, la Belgique devra exploiter au maximum son propre potentiel d’énergies renouvelables. Fin 2025, nous sortirons du nucléaire et nous opterons pour un mix énergétique basé sur le gaz et les énergies renouvelables. La part des énergies fossiles dans le mix électrique doit progressivement diminuer à long terme pour disparaître complètement en 2050, de sorte que le gaz et l'électricité ne soient plus que d’origine renouvelable. À côté de la production, une importance croissante est accordée à la flexibilité (y compris le stockage et la gestion de la demande) et aux interconnexions afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement.
    En 2016, 14 % de l’électricité était produite à partir de sources renouvelables en Belgique. Notre électricité sera à 100 % d’origine renouvelable d'ici 2050 avec une étape intermédiaire de 40 % en 2030.
    Aujourd’hui les capacités installées sont de 3,2 GW pour le PV, 0,9 GW pour l’éolien off-shore et 1,8 GW pour l’éolien on-shore. En 2030, le mix renouvelable de production variable sera constitué d’environ 8 GW de solaire, de 4,2 GW d’éolien on-shore et 4 GW d’éolien offshore. Le parc renouvelable flexible sera composé de cogénération à base de biomasse et de biogaz ainsi que d’unités de géothermie profonde. La détermination des besoins en capacités flexibles sera établie en tenant compte de ce mix. Le développement des énergies renouvelables doit tenir compte d’un objectif sociétal et bénéficier à l’ensemble des consommateurs. »

    Ce parc diversifié ne contribuera que de manière limitée à la sécurité d’approvisionnement et ne pourra donc raisonnablement remplacer le nucléaire. Je cite à cet effet ce sur quoi nous nous sommes accordés dans le pacte
    « Une augmentation de la flexibilité est primordiale pour l’intégration des énergies renouvelables.
    Pour garantir la sécurité de l'approvisionnement, le mix énergétique doit disposer d’outils de production flexible (cogénération renouvelable, biomasse à petite échelle et biogaz, gaz fossile et gaz synthétique) ; d’outils permettant la participation de tous les acteurs à la flexibilité ; de stockage centralisé et décentralisé ; d'interconnexions. Dans le développement du parc de production, une éventuelle augmentation de la consommation d'électricité devra également être prise en compte.
    Du fait de ses plus faibles émissions en carbone, le gaz naturel est le seul combustible fossile qui, à moyen terme, occupera encore une place dans le mix énergétique. De telles centrales sont également les mieux placées pour compenser le caractère intermittent des énergies renouvelables.
    Afin de remplacer les centrales au gaz à plus long terme - c’est-à-dire en 2050 - par une source flexible d'énergie renouvelable, la recherche et le développement seront nécessaires, notamment pour l’innovation en matière de stockage.
    Dans la période de sortie du nucléaire (2023-2025), un mécanisme de soutien sera mis en place. Il aura pour objectif de faciliter la construction ou la prolongation de l’exploitation de centrales d'une production pilotable au gaz d’une capacité totale de l'ordre de 5 GW (hors cogénération) sur le réseau de transport Elia. Le mécanisme choisi limitera au maximum les coûts, préservera au mieux la compétitivité des entreprises et des PME et ne portera pas atteinte au pouvoir d'achat des citoyens. Il sera neutre d’un point de vue technologique, permettant notamment le déploiement à large échelle de solutions de stockage ou de gestion de la demande. Il veillera à ne pas provoquer de distorsion sur le marché de l’énergie. Enfin, il respectera les directives européennes concernant les aides d'État.
    La construction de nouvelles centrales au gaz contribuera à améliorer la flexibilité du système électrique et facilitera donc davantage le développement du renouvelable, au-delà de 2025 et assurera la sortie progressive des anciennes centrales au gaz.
    Pour faciliter l'octroi des autorisations nécessaires au développement des nouveaux moyens de production et l'adaptation des réseaux nécessaires au développement du renouvelable, la concertation entre les autorités compétentes sera renforcée.
    Les quatre entités veilleront à assurer un développement continu de nouveaux outils de stockage centralisés et décentralisés ainsi que des services de déplacement de charges en industrie et chez les particuliers. Les capacités de stockage industriel atteindront environ 2 GW à l’horizon 2030. Le stockage industriel et résidentiel, les outils locaux, les véhicules électriques en mode stockage atteindront une capacité totale de l’ordre de 3,5 GW au même horizon. Les moyens d’effacement de la charge tant en industrie qu’en résidentiel ou tertiaire permettront d’atteindre une capacité totale de l’ordre de 2 GW en 2030. Le volume de déplacement de charges journalier sera au total de près de 1,5 GWh. Entre 2020 et 2030, la trajectoire de déploiement ne sera pas linéaire, mais connaitra une accélération après 2025. À cette échéance, de 30 à 40 % de l’objectif du stockage et du DSM aura été atteint en 2025. Une part croissante de ces différentes capacités contribueront directement à la sécurité d’approvisionnement en étant d’une part disponible et d’autre part activable via le marché. »

    Je pense que nous pouvions difficilement établir un scénario plus intégré que celui-là, où les compétences fédérales et régionales ont été articulées de la manière la plus complète possible. Bien entendu, le système énergétique évolue, il suffit de voir combien la disponibilité attendue du nucléaire est mise à l’épreuve. Par conséquent, les moyens nécessaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement doivent également évoluer. Pour rappel, cela ne dépendra pas que de la « petite » Belgique qui ne représente qu’une faible partie de la capacité totale du parc de production à l’échelle de la plaque CWE (réseau interconnecté Europe Centre Ouest et marché couplé). Ce sont donc également les grands opérateurs internationaux qui doivent constamment évaluer ces besoins à l’échelle européenne. Mais les ordres de grandeur du pacte restent d’actualité.

    Dans le cadre du pacte, nous avons établi ce scénario principalement à partir des études suivantes :
    * Electricity Scenarios for Belgium towards 2050, Elia’s quantified study on the energy transition in 2030 and 2040, novembre 2017
    * Le Paysage énergétique belge à l’horizon 2050, perspectives à politique inchangée, BFP, octobre 2017
    * Étude de l’adéquation et estimation du besoin de flexibilité du système électrique belge (période 2017-2027), ELIA, 2016

    L’étape suivante, qui est en cours au fédéral, consiste à mettre en place le « mécanisme de soutien » tel que prévu dans le pacte. Il s’agit en réalité de mettre en place un Mécanisme de Rémunération de la Capacité (ou CRM). Le principe consiste à rémunérer un outil de production électrique pour la garantie qu’il donne d’offrir une capacité (à la hausse ou à la baisse) à tout moment. Un tel mécanisme est nécessaire et attendu d’urgence pour sécuriser les investisseurs.

    Le double défi qui nous attend est d’une part l’urgence de programmer les nouveaux investissements ou de remettre en état des outils existants et d’autre part la courte période sur laquelle les 6 GW de nucléaire devront être remplacés. Trois ans, c’est très court. Mais comme je le disais lors d’une précédente question, la situation actuelle du parc nucléaire illustre d’une certaine manière ce qui nous attend en 2025. Les acteurs y travaillent donc déjà, même si les solutions ne sont pas encore structurelles.

    Les travaux sur le CRM sont en cours au Fédéral, il ne faut pas hésiter à me solliciter sur le sujet dans les semaines et mois qui viennent.