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Encouragement des systèmes de recueillement des eaux de pluie en Région wallonne.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2005
  • N° : 62 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 21/12/2005
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme


    LUTGEN N° 62
    Question n° 62 de Mme Bertouille du 21 décembtre 2005

    Objet : Encouragement des systèmes de recueillement des eaux de pluie en Région wallonne.

    L'eau devient une denrée extrêmement rare. Ainsi, en Hainaut occidental, la nappe aquifère qui alimente plusieurs millions de foyers (Hainaut, Flandre, Métropole lilloise) a diminué de près de 10 mètres en 10 ans.

    Si ces derniers temps cette nappe a pu se stabiliser, rien ne permet de croire qu'elle ne repartira pas à la baisse au prochain été sec. Cette pénurie d'eau se fait d'ailleurs ressentir sur la facture présentée aux citoyens.

    Lors de l'inauguration du nouveau complexe cinématographique de Tournai, la presse a mis en avant les recherches effectuées par les promoteurs de ce projet en matière de réduction des coûts . Ainsi, au sommet du cinéma, un vaste réservoir a été créé en vue de permettre de recueillir les eaux de pluie. Celles-ci alimenteront une partie des besoins du cinéma.

    Quelles sont les primes qui s'offrent actuellement en Région wallonne en la matière ? Si les ménages peuvent en bénéficier, ne conviendrait-il pas d'en faire profiter également les entreprises et les indépendants ?

    Dans le cadre de la réalisation de différents travaux et constructions de bâtiments en Région wallonne, le carnet des charges insiste-t-il sur la mise en place de systèmes responsables en matière environnementale ?
  • Réponse du 12/01/2006
    • de LUTGEN Benoît

    Comme suite à la question de l'honorable Membre et en ce qui concerne mes compétences, je porte à sa connaissance que l'encouragement des systèmes de recueillement d'eau de pluie est un instrument délicat à manier car ses effets sont utiles, neutres ou contre-productifs selon les situations locales rencontrées. De plus, il est intéressant de bien distinguer l'intérêt économique individuel du propriétaire d'une citerne d'eau de pluie qui pourra réaliser de belles économies par rapport à l'intérêt de la collectivité, où la majorité des citoyens ne possède pas de citerne.

    Les volumes d'eau « économisés » dans les nappes aquifères grâce à l'utilisation des citernes d'eau de pluie sont en général négligeables en comparaison des disponibilités hydriques et de la capacité naturelle de recharge de ces nappes, de sorte que cet élément n'intervient pas, ou très peu, dans les décisions d'ordre général à prendre.

    En effet, la Région wallonne dispose d'importantes réserves en eau potable. Hormis quelques particularités, la quantité de précipitation est suffisante pour permettre d'alimenter la population wallonne sans difficulté. Par conséquent, on ne peut pas dire que l'eau devient une denrée extrêmement rare. Si cela est valable à l'échelle mondiale, ce n'est nullement le cas ni dans notre Région, ni pour l'ensemble de la Belgique. La consommation d'eau de distribution en Région wallonne est également une des plus faibles des pays industrialisés (La consommation d'eau potable, toutes activités confondues, est de 133 litres par jour et par habitant. Si l'on ne considère que la consommation d'eau des ménages, cette consommation d'eau est d'environ 100 litres par jour et par habitant. En comparaison, la consommation d'eau domestique en France est de 137 litres par jour et par habitant, de 129 aux Pays-Bas et en Allemagne, de 150 au Luxembourg et de 153 au Royaume-Uni).

    Quant au prix de l'eau, il est actuellement à un niveau qui permet de concilier la récupération intégrale des coûts et l'accessibilité pour tout un chacun. La facture d'eau moyenne d'un ménage était ainsi de 201 euros, toutes taxes comprises en 2004.

    Le cas de la région de Tournai que l'honorable Membre évoque est assez particulier. Cette région est principalement alimentée en eau potable à partir de ressources provenant du calcaire carbonifère. Or, cette nappe a connu jusqu'il y a peu une exploitation supérieure à la recharge annuelle. Ainsi, on a effectivement pu observer un abaissement conséquent de la nappe.

    Pourtant, il s'agit de la partie de la Wallonie où la consommation d'eau de distribution est la plus faible. Cette région est également celle où la récupération d'eau de pluie est la plus répandue parmi les ménages ( près de trois logements sur quatre ). C'est d'ailleurs une des explications à la faible consommation d'eau domestique que l'on peut y observer.

    Il s'agit également de la région où la pluviosité est la plus faible (environ 700 mm d'eau par an) et où la densité de population est plus forte que la moyenne (260 habitants par Km_ pour le sous-bassin de l'Escaut-Lys). Ces deux phénomènes expliquent en partie la surexploitation de la nappe.

    Toutefois, cette nette surexploitation n'est plus d'actualité. En effet, depuis peu, l'eau distribuée dans la région provient en partie des installations de production d'eau de la transhennuyère. Ces installations ont été spécialement conçues en vue de diminuer la pression sur la nappe du Tournaisis par la valorisation d'eaux d'exhaure de carrières.

    Intérêt de favoriser les citernes d'eau de pluie.

    La synergie entre, d'une part, les investissements publics dans l'infrastructure de production et de distribution d'eau potable et, d'autre part, les investissements privés dans les citernes d'eau de pluie, peut être intéressante dans certains cas spécifiques.

    Ainsi, l'investissement massif dans les citernes, encouragé par des primes, pourrait permettre d'éviter un investissement public plus coûteux, nécessaire au renforcement de l'infrastructure publique localement saturée ou pouvant le devenir (Néanmoins, il faut rester vigilant pour pouvoir faire face aux consommations en période de sécheresse où les consommateurs habituels d'eau de pluie se retourneraient alors massivement vers la distribution publique pouvant alors créer des consommations anormales et des ruptures d'approvisionnement).

    Par contre, la même initiative serait économiquement contre-productive et anti-sociale pour la collectivité en cas d'infrastructure publique appropriée ou sous-utilisée, car les économies d'eau, et donc d'argent, réalisées par certains abonnés imposeraient aux distributeurs d'eau publics d'équilibrer leurs dépenses, qui sont essentiellement fixes et donc peu influencées par les variations des volumes produits, sur des volumes d'eau facturés réduits, ce qui pousserait le coût-vérité du mètre cube vendu à la hausse, et donc principalement la facture annuelle des abonnés sans citerne (Comme le rapportait la revue « Incidences » de ce mois de décembre, cette mesure profiterait donc principalement à ceux qui ont les moyens ou la possibilité d'installer une citerne à eau de pluie chez eux, à savoir principalement les propriétaires de maisons 4 façades qui verraient leur facture d'eau considérablement réduite, contrairement à ceux qui n'auraient pas la possibilité matérielle (habitation en ville, immeubles à appartements, logements sociaux) ou financière de s'équiper. Il faut donc garder à l'esprit que plus la consommation d'eau de pluie sera importante au détriment de l'eau de distribution, plus le prix de l'eau de distribution publique devra être élevé).

    De même, vu que la facture d'eau de distribution intègre également la prise en charge des coûts de l'assainissement au travers du CVA ( le coût-vérité à l'assainissement), et que cette prise en charge est proportionnelle aux volumes d'eau de distribution consommés, il est intéressant de souligner que ceux qui utilisent l'eau de pluie, la polluent et la rejettent ensuite après usage, ne participent donc pas au coût de l'assainissement de ces volumes d'eau, le reportant sur les consommateurs de l'eau de distribution.

    Bien sûr, un industriel ou un agriculteur qui développerait un système de récupération de l'eau de pluie pour le développement d'une nouvelle activité pour l'affecter à l'irrigation adopterait une utilisation rationnelle de la ressource et ne porterait pas préjudice à l'eau souterraine potabilisable.

    En conséquence, la Région wallonne n'accorde pas de prime à l'installation de citernes d'eau de pluie. Par contre, quelques communes wallonnes, principalement situées en province du Luxembourg et dans l'est de la province de Liège, accordent sur leur territoire des primes à l'installation de ces citernes. Le montant de ces primes varie en général d'un peu plus de 100 euros à plus de 500 euros, dans le meilleur des cas.

    Les prescriptions urbanistiques imposent également en certains endroits la construction de maisons munies de citernes d'eau de pluie.

    Les permis d'environnement imposent aux demandeurs la mise en œuvre de systèmes respectueux de l'environnement, mais cela ne signifie pas nécessairement l'obligation de placer des citernes d'eau de pluie.

    Afin de pouvoir mieux décider s'il est opportun de favoriser ou non l'utilisation de cette ressource alternative en eau à l'échelle de la Région wallonne, la DGRNE a commandé une étude à Aquawal qui devrait permettre d'objectiver les répercussions actuelles et futures de l'utilisation de l'eau de pluie tant au point de vue environnemental qu'au point de vue économique et social. Les résultats de cette étude sont attendus pour la mi-2006.