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La filière "power-to-gas"

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 75 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 05/12/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    Si la Belgique développe les énergies renouvelables, une filière « power-to-gas » permettrait de transformer l’électricité verte excédentaire afin de la stocker sous forme de gaz et pouvoir la retransformer en électricité lorsque le besoin s’en fait sentir. Le gaz offre de véritables possibilités de stockage.

    Dans le cas, qui vise une réduction de 80 % des émissions de CO2 par rapport à 1990, le photovoltaïque est beaucoup plus développé, la capacité en énergie renouvelable atteint 49 GW, et le stockage sous forme de « power-to-gas » prend sa place dans le système énergique belge, 93,9 GWh peuvent être stockés sous forme d’hydrogène, et 10,3 GWh sous forme de méthane.

    Le pompage-turbinage de Coo peut stocker 5 GWh, ce qui est peu comparé aux potentialités du « power-to-gas ».

    Il n’est même pas nécessaire de construire des stockages spécifiques, on peut très bien mettre la flexibilité de notre réseau gaz à disposition du réseau électrique et l'on pourrait injecter, sans problème, 2 à 5 % d’hydrogène dans le réseau gaz.

    Les technologies sont maîtrisées puisque Tennet T, Thyssengas et Gasunie Deutschland ont annoncé la construction d’une installation de 100 MW pour convertir l’électricité renouvelable en gaz destiné à un usage industriel dans la Ruhr, en Allemagne. Elle devrait être connectée au réseau en 2022.

    Monsieur le Ministre est-il favorable à l’option « power-to-gas » ?
    Dans l’affirmative, comment envisage-t-il de concrétiser cette gestion ?

    Est-ce une piste préférable à celle de stockage par batteries ou dans les barrages d’eau ?

    Peut-on lancer, sur cette base, un projet industriel wallon ?
  • Réponse du 31/12/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc
    L’honorable membre voudra bien trouver, ci-après, certaines informations susceptibles de préciser la situation.

    Les données reprises dans l’article de L’Écho du 1er novembre dernier n’engagent évidemment que les auteurs de l’étude dont il est question et qui propose une vision sectorielle du potentiel de l’hydrogène.

    L’hydrogène offre, en effet, un intermédiaire intéressant, et de plus en plus vu comme essentiel dans la transition énergétique. Cependant, il est important de replacer tous les éléments de cette technologie en perspective pour bien comprendre l’enjeu de l’économie de l’hydrogène et du stockage plus généralement.

    Le stockage d’électricité, quelle que soit la technologie employée, trouve son sens dans le rendement global de restitution de l’électricité stockée et restituée et la quantité d’électricité stockée. L’honorable membre mentionne diverses technologies. Si l’on se penche sur le potentiel de chacune d’elles, voici ce qui est observé.

    Les batteries au lithium offrent un rendement global sur le cycle électrique de 80 à 90 %, la densité énergétique est 10 à 30 kWh par 100 kilos et l’investissement d’environ 200 euros par kWh de batterie.

    Le pompage-turbinage offre un rendement global de 80 % avec une densité énergétique de 0,03 kWh par 100 kilos et l’investissement est de 600 euros du kW.

    L’hydrogène est plus compliqué à appréhender selon qu’il est ou non converti en méthane subséquemment. Le rendement global du cycle électrique est d’environ 35 % à 60 % selon qu’il est restitué dans une pile à combustible ou utilisé dans une centrale thermique. Ces rendements proviennent essentiellement des rendements d’électrolyse d’une part et des piles à combustible d’autre part. En cas de méthanation, le rendement global est également à environ 40 % à cause de l’étape de méthanation qui a rendement de 75 à 80 %. Le coût d’investissement est environ de 1 000 euros du kW d’électrolyseur installé et un coût similaire pour la pile à combustible. Au niveau de la densité énergétique, l’hydrogène propose des valeurs d’environ 4 MWh par 100 kilos.

    Tous les coûts rapportés ne portent que sur l’investissement dans la solution de stockage sans tenir compte des coûts de raccordement, d’opération et maintenance et de transport.

    Comme le mentionne l’étude rapportée par l’honorable membre, tous les coûts évoqués tant pour les batteries que l’hydrogène sont amenés à décroître avec le temps. Mais une chose est certaine, ces technologies ne sont pas concurrentes, mais bien complémentaires, car elles peuvent répondre à des enjeux spécifiques dans le système énergétique. L’hydrogène, pris séparément, offre également un potentiel d’électrification de certains secteurs difficilement électrifiables par ailleurs comme l’industrie et le transport.

    C’est en tenant en compte tous ces éléments que le Gouvernement wallon a approuvé un budget de 50 millions d’euros pour le développement de projets de type « Power-to-X » dans le cadre de son Plan d’investissements. Ces projets doivent permettre, à terme, de démontrer la viabilité économique de toutes les technologies liées à l’hydrogène.

    Une des voies évoquées est bien l’injection dans le réseau de gaz naturel que ce soit sous forme de mélange avec le gaz naturel (technique dite du « blending ») ou pur (qui offre un véritable potentiel). Il est à noter qu’ORES a déjà évalué son potentiel d’injection d’hydrogène sur son réseau. Le gestionnaire de réseau de distribution estime déjà que l’injection de 2 % d’hydrogène est faisable sur ses infrastructures.

    Nous nous permettons cependant de rappeler que le coût de l’hydrogène obtenu par électrolyse est actuellement de 6 à 8 euros le kilo produit, que le coût du gaz produit par méthanation est environ de huit fois le prix du gaz naturel et que l’électricité produite en conséquence présente un surcoût similaire.

    Un passage vers un réseau alimenté exclusivement en hydrogène, par contre, reste particulièrement prématuré. En effet, des considérations techniques seront à prendre en compte afin de permettre une telle transition, comme la perméabilité éventuellement des matériaux des conduites qui pourrait conduire à des problèmes évidents de sécurité.

    En conclusion, nous considérons que même si la solution évoquée par le projet évoqué par l’honorable membre présente un intérêt certain à terme, il conviendra de rester extrêmement prudent avant un déploiement à grande échelle en s’attaquant prioritairement aux business cases de l’hydrogène obtenu par électrolyse offrira le meilleur potentiel économique tout en restant ouverts aux opportunités offertes par d’autres applications.

    Un premier appel à projets dans le cadre du Plan wallon d’investissements devrait avoir lieu en 2019.