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Les émissions d'ammoniac

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 303 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 14/12/2018
    • de LAMBELIN Anne
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de la Transition écologique, de l'Aménagement du Territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings
    L’ammoniac est un composé chimique qui sert essentiellement à la production d’engrais azotés, utilisés pour la fertilisation des cultures. Il peut cependant être dangereux puisqu’il participe à la formation de particules fines PM 2.5 qui pénètrent profondément les voies respiratoires.

    Des chercheurs de l’ULB ont divulgué les résultats d’une recherche menée sur les émissions d’ammoniac dans l’air. Ce qu’on peut y lire est préoccupant. Les données obtenues par satellites prouvent que les sources connues d’ammoniac dans le monde sont largement sous-estimées par les autorités. Deux tiers des sources d’ammoniac identifiées n’avaient jamais été répertoriées avant.

    Les scientifiques insistent, dans leur étude, sur les émissions issues des secteurs agricoles et industriels, bien plus fortes qu’imaginées. L’agriculture intensive est directement pointée du doigt. Cette intensification de la présence de l’ammoniac atmosphérique entraînerait une véritable pollution de l’air et des milieux naturels, et favoriserait le changement climatique.

    Déjà en 2015, le registre E-PRTR (European Pollutant Release and Transfer Register) tenu par l'Agence européenne pour l'environnement nous apprenait que 44 élevages wallons émettaient plus de 10 tonnes d’ammoniac chacun via l'utilisation d'engrais chimique et les déjections animales.

    À lire ces informations inquiétantes, qui s’ajoutent à celles obtenues en 2015, il paraît plus que nécessaire d’agir sur la surproduction des élevages wallons et de cesser de se cacher derrière l’argument selon lequel « l’agriculture intensive n’existe pas en Wallonie ». Il faut donc agir et commencer par réviser les émissions agricoles et industrielles qui seraient sous-estimées dans les cadastres actuels.

    Comment Monsieur le Ministre appréhende-t-il cette étude ? Souhaite-t-il réviser les émissions des secteurs cités ? Quels sont les chiffres actuels en Wallonie ? Quelles mesures concrètes et fortes compte-t-il mettre en place en réponse à ces informations ?
  • Réponse du 21/12/2018
    • de DI ANTONIO Carlo
    La carte satellite fournie par cette étude de l’ULB montre que les émissions en Wallonie sont nettement moins importantes que celles de la Flandre ou des Pays-Bas, constat qui est cohérent avec celui des inventaires d’émission. Il faut rappeler que cette étude a été effectuée au niveau mondial et pointe en particulier de nouvelles sources identifiées en divers endroits de la planète.

    Ceci étant, les émissions d’ammoniac en Belgique sont soumises à des objectifs de réduction dans le cadre de la nouvelle directive NEC : -13 % en 2030 par rapport à 2005. Des réflexions sont menées, en concertation avec des experts du secteur pour mettre en place des mesures efficaces en agriculture. À ce stade, ceci ne s’intègre pas directement dans la directive nitrate européenne et sa traduction wallonne le PGDA qui concerne la protection des eaux.

    Un des premiers résultats de ces réflexions est la mise à jour de la méthodologie de calculs des émissions d’ammoniac. En effet grâce à l’apport des experts wallons, mais aussi, en collaboration avec des homologues français, la précision des inventaires a été améliorée.
    De nouvelles données ont pu être intégrées dans les calculs pour prendre en compte les efforts réalisés par les agriculteurs, à savoir, l’obligation d’enfouir le fumier dans les 24 h, le recours à du matériel d'épandage de lisier plus précis et l’équipement de certains bâtiments avec des systèmes d’abattement des émissions chez les élevages intensifs de porcins.
    Ces mesures n’avaient pas été prises en compte l’année passée dans le registre européen E-PRTR, amenant à la conclusion erronée que les élevages wallons étaient les plus polluants de Belgique. Un complément d’information avait bien été demandé auprès des collègues flamands pour vérifier également ces chiffres. Des différences de méthodologie de comptabilisation des émissions expliquaient une part de ces écarts.

    Il faut rappeler que le cheptel porcin wallon représente de l’ordre de 6 % du cheptel national et 15 % pour l’aviculture. Les exploitations wallonnes sont en outre bien plus liées au sol avec un modèle d’agriculture bien différent que celui de nos voisins du nord du pays.
    Notre région est plus axée sur l’élevage bovin qui n’est pas repris dans le registre européen E-PRTR, car ce dernier ne concerne que les porcins et volailles.

    Concernant les mesures envisagées, elles sont en cours de discussion et portent sur l’ensemble des postes émetteurs d’ammoniac : bâtiments, gestion et épandage des effluents, fertilisation minérale, avec naturellement une attention particulière sur les élevages industriels.

    Dans le cadre des permis, les émissions d’ammoniac, mais aussi les nuisances olfactives auprès des riverains sont prises en compte pour préparer les conditions particulières. La révision des permis des grandes exploitations a débuté, dans le cadre de la Directive IED relative aux émissions industrielles, qui impose la mise en œuvre des Meilleures Techniques Disponibles (MTD) pour prévenir ou limiter les nuisances environnementales potentiellement générées par l’élevage intensif de volailles ou de porcs.

    De plus, afin de faire le point sur la situation réelle en Wallonie, des mesures de l’ammoniac dans l’air ambiant, les concentrations de dix ions, dont le nitrate et l’ammonium, sont mesurées dans les précipitations au niveau des 9 stations du réseau Pluies Acides. Ces données sont disponibles sur le site www.airquality.issep.be.

    En outre, une campagne de mesures du NH3 a été réalisée par l’ISSEP entre juin 2016 et juillet 2017 et couvrait 25 points de mesures répartis en Wallonie.

    D’autre part, un projet d’étude est en cours de discussion pour améliorer l’estimation des émissions d’ammoniac en lien avec les activités agricoles. Les résultats de cette campagne de mesures devraient nous donner une meilleure appréciation des quantités d’ammoniac émises, à quelle distance et à quel moment ? Ce projet est envisagé pour une durée de 3 ans.

    Il faut continuer à défendre un modèle agricole nourricier, lié au sol et écologiquement intensif, car c’est le modèle qui répond aux besoins wallons et est le plus respectueux de l’environnement.