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La position de la Belgique sur les ambitions européennes en matière d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 87 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 18/12/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    La Belgique a refusé les objectifs européens en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables !

    Cela, juste après une marche pour le climat qui avait réuni pas moins de plus ou moins 75 000 personnes dans les rues de Bruxelles. Le Premier Ministre s’était même réjoui le soir de la marche de la mobilisation et promettait dans la foulée que la Belgique soutiendrait les objectifs ambitieux. La Ministre fédérale M-C Marghem tenait le même langage…

    Et pourtant, la Belgique a voté contre une proposition de directive sur l’efficacité énergétique et s’est abstenue lors du vote sur une directive concernant les énergies renouvelables au Conseil des Ministres européen.

    La Belgique ne partagerait-elle pas ce point de vue ?

    La directive sur les énergies renouvelables prévoit de faire passer la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables au niveau de l’Union à 32 %. La Belgique se dit être « un avocat convaincu » de l’énergie durable et de la politique climatique et promet de continuer à contribuer de manière constructive afin de réaliser l’objectif fixé …

    Concernant l’efficacité énergétique, la Belgique souscrit au principe, mais dit que le défi est impossible à atteindre d’une manière efficace au vu du prix.

    Heureusement, cela n’a pas empêché l’adoption des deux textes par le Conseil des Ministres européen, mais notre pays a été mis hors-jeu.

    Ne s’agit-il pas là d’un incident majeur ?

    Au niveau de l’Union européenne, la Ministre fédérale représente aussi le niveau régional.

    Le minimum est donc qu’elle ait concerté la position officielle de la Belgique avec les Régions, l’a-t-elle fait ?
    Dans la négative, avec quelle légitimité adopte-t-elle une position tout à fait contraire aux objectifs des régions ?

    Monsieur le Ministre va-t-il insister afin que cette question soit évoquée en conférence interministérielle ?

    C’est en tout cas une question qui a tout pour être le point de départ d’un conflit intrabelge majeur.
  • Réponse du 15/01/2019
    • de CRUCKE Jean-Luc
    En vue de contextualiser, rappelons que le « process » européen était particulier : en juin dernier, les États membres (EM) étaient occupés à préparer leurs plans énergie climat nationaux (et donc ne savaient pas encore jusqu’où ils étaient capables d’aller ni en efficacité ni en énergie renouvelable) et, en même temps, il leur était demandé de se prononcer sur des objectifs globaux européens. Le vote belge sur les textes approuvés en trilogue a eu lieu en juin 2018, juste après les trilogues. Nous étions alors occupés à finaliser nos PNEC régionaux et n’avions alors pas encore une visibilité fine de ce que nos mesures nous permettaient d’atteindre.

    Pour rappel, la position belge est toujours déterminée par les quatre entités (sous la coordination des affaires étrangères). Le Fédéral porte vers l’Europe les positions élaborées ensemble.

    La situation a été la suivante :

    1/ Pour le renouvelable, la Wallonie ayant toujours affiché une certaine ambition, nous avons soutenu la directive avec son objectif de 32 %. La Flandre s’y étant opposée, la Belgique s’est par conséquent abstenue.
    Le PNEC remis à la Commission fin décembre dernier affiche un objectif national de 18,3 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2030, par rapport à l’objectif européen de 32 %. En Région wallonne, notre contribution représente 23,5 % d’énergie renouvelable à 2030 (par rapport à notre propre consommation), ce qui est bien au-dessus de la moyenne belge. Nous n’avons pas à rougir de cette contribution significative.

    2/ Pour la Directive efficacité énergétique, au mois de juin 2018, la Wallonie avait un souci non pas avec l’objectif global de 32,5 % européen, mais avec l’article 7 qui impose aux États membres de réaliser une réduction annuelle de la consommation d’énergie. Cet objectif fixé à 0,8 % est cumulatif, ce qui signifie que ce qui n’est pas réalisé en début de période doit être compensé par la suite. Or, c’est dans les derniers moments des négociations en trilogue que les ambitions de cet article ont été augmentées (consommation plutôt que vente, ce qui ne permet pas de déduire l’autoconsommation et niveau élevé). Les mesures de notre Plan wallon (notre contribution au PNEC), bien au-delà de la question du coût (rappelons que notre stratégie rénovation est très ambitieuse… le défi est immense pour arriver à atteindre les objectifs, ne fut-ce que sur le plan technique), ne permettaient que difficilement d’atteindre cet objectif de l’article 7. En plus d’être ambitieux, il y a surtout que la comptabilité de cet article est très complexe, notamment en ce qui concerne l’éligibilité des mesures et la méthodologie de calcul. En juin, nous estimions qu’il fallait que près de 80 % de nos économies d’énergie puissent être éligibles à l’article 7. Au vu des évolutions et de l’analyse approfondie des mesures, de leur impact et de la manière d’exprimer l’objectif, il apparaît aujourd’hui qu’il faudrait pouvoir comptabiliser de l’ordre de 66 % de nos économies, ce qui semble plus réaliste (même si encore ambitieux). À titre d’exemple, ne sont pas éligibles toutes les économies provenant de mesures non prises par l’EM (ex. les écolabels des électroménagers sont fixés au niveau européen, par conséquent les économies qu’ils génèrent ne peuvent être comptabilisées).

    Par conséquent, nous avons préféré prendre nos précautions en décidant de voter contre au mois de juin, ce que plusieurs pays ont d’ailleurs fait aussi.

    Si la question nous avait été posée en décembre 2018, nous aurions été favorables à cette directive. En effet, une analyse plus approfondie entre juin et décembre (cf. supra) nous permet de conclure que la condition de l’article 7 devrait être atteignable à l’échelle de la Région. Un vote favorable de la Wallonie aurait conduit la Belgique à s’abstenir (ce qui est légèrement préférable à une opposition, mais ne change pas radicalement le positionnement sur la scène européenne). Mais le sujet n’est jamais revenu sur la table, nous étions occupés à rédiger notre PNEC.

    Par ailleurs, cette directive et, en particulier l’article 7, est devenu une réelle usine à gaz d’une complexité sans égal. Les techniciens ont déjà du mal à s’y retrouver, alors les diplomates qui prennent les positions en conseil sont en général perdus. Sa mise en œuvre générera certainement de nombreux problèmes que certains États membres n’ont pas pris en compte en votant en faveur.

    Conclusion sur la directive efficacité :

    - Nous nous sommes opposés, mais avons aussi dit que nous ferions tout pour atteindre les objectifs. Les mesures de notre plan wallon le démontrent.
    - La contrainte était d’ordre technique et organisationnel plus que financier. À titre d’exemple, aller au-delà de la stratégie de rénovation est impensable, il faudrait passer à un taux de rénovation que les métiers de la construction ne pourraient satisfaire, nous ne pourrions assurer la formation des techniciens …. Pour la mobilité également, les ambitions du plan FAST sont, bien au-delà du coût, jugées très élevées. Or en juin, c’est aussi l’analyse de toutes ces mesures que nous devions pouvoir opérer au regard de l’article 7 en un délai très court.
    - Si nous le pouvions, nous serions aujourd’hui favorables à l’EED (y compris son article 7).

    3/ Enfin, laissez-moi illustrer où la Région wallonne se situe par rapport à l’objectif global européen de 32,5 % (pour expliquer que celui-ci n’a jamais été un problème), voici un extrait du PNEC :

    « L’objectif global européen pour 2030 de 32.5 % de réduction de la consommation primaire par rapport à des projections (PRIMES 2007) se traduit par une réduction de la consommation primaire européenne de 26 % par rapport à la consommation de 2005, et de 20 % pour la consommation d’énergie finale ».
    (*) les projections PRIMES 2007 représentent les projections en 2030 réalisées à partir des données de 2007 en mode BAU. Il est recommandé de consulter le PNEC en pages 31 et 32).

    Avec les nouvelles politiques et mesures du présent Plan, la Wallonie s’engage à réduire sa consommation finale de 22,7 % par rapport à 2005, ce qui est un effort supérieur à la moyenne européenne (20 %).

    Par conséquent l’objectif global de 32,5 % ne nous a jamais posé de soucis, vu que nous sommes au-dessus de la moyenne.

    4/ Enfin concernant l’évocation de l’honorable membre d’un conflit intrabelge, je crois simplement que chaque entité doit regarder en âme et conscience ce qu’elle est capable de porter comme mesures et de soutenir comme objectif afin d’engager un dialogue serein avec la commission. Pour rappel, nous avons remis le « draft » de PNEC. Celui-ci sera sujet à modifications en 2019, notamment en veillant à augmenter autant que possible les ambitions collectives tout en considérant le coût que les mesures de nos plans représentent pour chaque entité.

    Sur la scène diplomatique, il est évident qu’un vote négatif est dommageable, mais c’est également par nos actes et nos réels engagements que nous pourrons démontrer notre ambition et réelle volonté de décarboner notre économie. Nous en reparlerons dans les prochains mois. L’honorable membre connaît mon ambition et mon engagement dans ces matières. Je ferai tout pour que ce malheureux incident soit oublié en affichant pour la Wallonie une détermination à avancer en direction des engagements de Paris.