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L’explosion du prix de location pour les petits logements

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2018
  • N° : 70 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 19/12/2018
    • de COLLIGNON Christophe
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives
    L’étude IWEPS sur le marché locatif révèle que les loyers ont progressé de 14 % sur 10 ans pour les petits logements ; alors qu'il a diminué de 11 % pour les maisons d'au moins quatre chambres.

    Le prix des logements mis sur le marché locatif (annonces et nouveaux baux) est également largement supérieur au loyer actuellement payé par les locataires (baux en cours) et aux montants des allocations sociales.

    Selon l'IWEPS : « Cela peut expliquer la détresse, relayée par le monde associatif, des publics précarisés qui, à un moment donné, doivent trouver un logement ».
    Les ménages précaires sont donc les plus touchés.

    Quelle est l’analyse de Madame la Ministre ?

    Quelles sont ses propositions ?

    Qu'en est-il de l'enquête du CEHD concernant les loyers privés en Wallonie ?

    Qu’en est-il de la mise en place de la grille des loyers ?
  • Réponse du 09/01/2019
    • de DE BUE Valérie
    Le constat dressé par l’IWEPS est connu et exprimé depuis plusieurs années par les acteurs de terrain, principalement les associations ou les CPAS, qui ont perçu cette hausse des loyers sur les petits logements mis en location. Comme l’étude le révèle, cette tendance est au moins présente depuis plus de 10 ans.

    En ce qui concerne l’augmentation des loyers des petits logements, la principale explication est que le marché des petits logements est particulièrement tendu. La demande a de plus en plus tendance à excéder l’offre. En effet, selon l’enquête 2018 sur les loyers, dont les chiffres sont ici communiqués sous réserve de la publication officielle par le CEHD, les studios et les appartements ou maisons d’une chambre représentent 27,1 % de l’offre locative actuelle. Sur l’ensemble du parc immobilier résidentiel, ces petits logements représentent seulement 12,6 %. C’est un phénomène très caractéristique de la location privée en Wallonie. La part des maisons de 4 chambres est seulement de 6,7 % sur le marché locatif actuel. Ces proportions prouvent que les candidats-locataires recherchent plus fréquemment des petits voire moyens logements. Il y a donc une concentration de la demande plus forte sur ce segment locatif qui entraîne inévitablement une hausse des prix.

    La demande sur ce segment du parc immobilier locatif risque malheureusement encore de s’accroître dans les années à avenir. Ainsi, les studios et les appartements ou maisons d’une chambre, loués actuellement, sont occupés à 68,8 % par des personnes seules avec ou sans enfants, toujours d’après l’enquête sur les loyers 2018. Selon les dernières perspectives démographiques du Bureau fédéral du Plan, la part des ménages d’une seule personne (« isolé ») passera d’ici 20 ans de 35 % à 41,1 % (en 2040) ; les ménages monoparentaux conserveront une proportion stable à 12 %. Autrement dit, on attend 156 850 isolés supplémentaires à loger sur cette période, soit 7 130 unités en moyenne annuelle. Il s’agit de la catégorie de ménages qui augmentera le plus dans la croissance démographique prochaine de la Wallonie. Une partie de ces isolés sont des personnes âgées, mais aussi une conséquence des nouveaux modes de vies conjugales (divorces, séparations et célibats plus fréquents). Il y aura donc un besoin net de logements supplémentaires dans ce segment du marché locatif.

    En ce qui concerne la diminution des loyers des logements d’au moins 4 chambres, il faut aussi tenir compte du fait que les maisons de ce type sont fréquemment des vieux logements, dont la qualité tend à diminuer avec le temps. Ainsi, l’enquête sur les loyers 2018, révèle que 60 % des maisons d’au moins 4 chambres mises en location ont plus de 50 ans.

    Comme l’IWEPS le souligne à propos de la fiabilité des sources de données utilisées, il s’agit ici « d’estimations », car « sans enregistrement plus systématique, un véritable cadastre locatif n’est à ce jour pas possible ». Des informations sont donc manquantes pour véritablement se prononcer sur les évolutions en cours. En particulier la base de données du cadastre n’enregistre pas les superficies des logements loués. Or, les superficies des différents types de biens évoluent au fil du temps. L’indicateur du loyer au mètre carré afin de prendre en compte les variations de superficies est assez éclairé sur ce point. Entre les deux enquêtes réalisées par le CEHD entre 2012 et 2018, il ressort que les appartements d'une chambre et studios affichaient un loyer de 9,42 euros/m² en 2012 contre 9,62 euros/m², soit une augmentation de 2,1 %. Pour les maisons d'au moins 4 chambres, le loyer au m² est passé de 5,33 euros/m² à 6,52 euros/m², soit 22 %. Certes, l’échantillon d’enquête loyer souffre, tout comme la base de données de l’IWEPS, de limitations et de marges d’erreur, mais le résultat interpelle la conclusion de l’IWEPS qui ne tient pas compte de la superficie (pour des raisons de disponibilité et de fiabilité des données). Il semble que la superficie moyenne des petits appartements a en moyenne évolué à la hausse ces dernières années sous l’effet de la politique intensive d’élimination des logements ne respectant pas les normes du permis de location (maisons divisées en plusieurs logements) et menées au cours des 15 dernières années par les communes. À l’inverse, on sait que, depuis 15 ans également, la superficie moyenne des maisons, notamment celles avec un grand nombre de chambres et de moins en moins fréquentes dans la production neuve, tend à diminuer, ce qui expliquerait sa hausse moyenne au m².
    En résumé, mesurer l’évolution des loyers doit aussi s’apprécier par rapport au m².
    Il n’y a pas d’indicateurs uniques sur cette question.

    En outre, l’évolution des loyers par quartiles statistiques que présente l’étude de l’IWEPS interroge aussi ce constat de la forte diminution des loyers des grands logements. En effet, les loyers en valeur absolue des grands logements (quatre chambres et plus) se situent dans le dernier quartile des loyers les plus élevés, c’est-à-dire un montant de plus de 700 euros par mois. L’IWEPS révèle, toujours à partir de sa base de données recomposée entre celle des baux et celle d’Immoweb, que l’augmentation des loyers les plus élevés est de 7,9 %. L’augmentation des petits loyers - en valeur absolue - est quant à elle confirmée avec une hausse de 13 %. C’est donc également une augmentation pour les loyers les plus élevés qui est observée, certes presque moitié moins que l’augmentation frappant les petits logements.

    Enfin, il importe aussi de comparer cette évolution avec d’autres biens et services. Il semble bien que l’IWEPS n’ait pas tenu pas compte de l’inflation en constatant une évolution des loyers des appartements une chambre de 14 % entre 2006 et 2016 sur Immoweb. Or, l’indice des prix à la consommation a progressé de 20,2 % sur la même période étudiée selon le SPF Économie. Cela signifie donc qu’une partie de la hausse des loyers est due à la hausse du coût de la vie en général (biens et services divers).

    Les loyers sont aussi le reflet de la hausse du coût d’acquisition des logements (et donc de l’investissement locatif). Si l’on compare les prix d’acquisition non-déflatés comme le fait l’IWEPS, le prix moyen des appartements, flats, studios a augmenté de 49 % sur la période étudiée selon le SPF Économie. Cela confirme la tension qu’il y a sur le marché des appartements de plus en plus recherchés, par les acquéreurs, les investisseurs et les candidats-locataires. Le prix moyen non déflatés des maisons ordinaires a également progressé de 37,2 % entre 2006 et 2016.

    Au niveau des mesures à mettre en place, il semble absolument indispensable d’encourager la production et l’investissement locatif pour les biens mis en location et destinés à accueillir des ménages comportant une ou deux personnes. Il faut éviter toutes mesures dissuasives qui feraient fuir les propriétaires bailleurs de ce segment de l’immobilier résidentiel locatif. Les conséquences en seraient non seulement une hausse encore plus forte des logements déjà existants sur le marché, mais aussi une grave pénurie pour satisfaire la demande.

    La seconde mesure est de mettre à la disposition des candidats locataires et des bailleurs la grille actualisée et fiable des loyers en laquelle les deux parties puissent avoir confiance, car elle ne lèse personne. Cette grille fournit un moyen de négocier un loyer juste, mais elle ne doit pas constituer un plafonnement déguisé des loyers comme certains partis voudraient qu’elle le soit. C’est pourquoi elle doit rester indicative.

    Enfin, les preneurs en location des petits logements sont souvent des personnes isolées ou des familles monoparentales dont les revenus sont très faibles. Le problème est donc avant tout la solvabilité financière de ces ménages. Malheureusement, les dépenses contraintes, c’est-à-dire celles difficilement « réductibles » à court terme, car elles sont obligatoires (impôt, taxes, assurances, et cetera) ou sont de première nécessité (électricité, factures d’eau, et cetera) sont de plus en plus lourdes. C’est pourquoi la Déclaration de politique régionale 2017-2019 stipule « qu’un mécanisme d’allocation-loyer sera mis en place afin de faciliter l’accès à un logement à loyer modéré pour les familles en attente d’un logement social. »