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La lutte contre le réchauffement climatique

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 28 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 22/02/2019
    • de KAPOMPOLE Joëlle
    • à BORSUS Willy, Ministre-Président du Gouvernement wallon
    La question climatique est de plus en plus prégnante. L'actualité nous démontre que s'il y a beaucoup de déclarations et de bonnes paroles, les actes ne suivent pas toujours. Nous devons être à l'écoute de la société civile.

    Comme politique, la démission de Nicolas Hulot doit nous interpeller. En effet, il a notamment déclaré : « La transition écologique ne peut s'accommoder des petits pas et des grands renoncements d'un Gouvernement pro-business qui n'a jamais renoncé aux politiques productivistes et néolibérales qui nous conduisent dans le mur ». Jean Ziegler a déclaré, lui : « Pour sauver la planète, il faut détruire le capitalisme ». Naomi Klein explique quant à elle que le capitalisme est la cause du dérèglement climatique.

    Monsieur le Ministre-Président partage-t-il ces propos ?

    Je rappelle également que son collègue, le Ministre du Climat Jean-Luc Crucke, a explicitement déclaré « la lutte en faveur du climat doit traverser toutes les politiques ».

    Comment Monsieur le Ministre-Président a-t-il intégré l’aspect climatique dans ses compétences ?

    Très concrètement pourrait-il nous indiquer quelles actions a-t-il déjà initiées et/ou compte-t-il prendre ?

    Comment se déclinent-elles en ce qui concerne ses politiques ?

    Comment cela se traduit-il au niveau de ses budgets ?

    Peut-il nous détailler les montants des budgets alloués ?
  • Réponse du 15/03/2019
    • de BORSUS Willy
    Je peux rejoindre l’honorable membre sur le fait que la question climatique est une priorité forte pour notre Région. En effet, cet enjeu devient de plus en plus prégnant et les effets néfastes du changement climatique seront croissants en termes environnemental, social et économique.

    Je m’inscris par contre en faux quand elle affirme que les actes ne suivent pas les paroles. Au contraire, notre Gouvernement a déployé, en un laps de temps très court, un grand nombre de réformes en faveur du climat.

    Elle me demande si je partage les propos de personnalités telles que Nicolas Hulot, Jean Ziegler ou Naomi Klein, dénonçant le capitalisme comme responsable de ce dérèglement climatique. Je laisse à ces éminences, que je respecte par ailleurs, la liberté de trouver dans le capitalisme l’origine de tous les maux climatiques dont souffre notre planète tout entière. Pour ma part, il me semble plus intelligent d’identifier très clairement les causes du réchauffement, à savoir principalement notre approvisionnement énergétique basé sur le carbone et certains comportements, comme la déforestation par exemple, et d’apporter des réponses adéquates et pragmatiques à celles-ci.

    Je rejoins les propos de mon collègue, Jean-Luc Crucke, sur la transversalité de cette problématique. En effet, cet enjeu impacte nos politiques du logement, nos politiques économiques et industrielles, notre agriculture ou encore le transport. Ayons aussi l’humilité de mentionner que le changement climatique dépasse de très loin les compétences du seul Gouvernement wallon puisque c’est un phénomène mondial. Nous sommes tous concernés et nous devons tous agir.

    En ce qui me concerne, mon rôle au sein de notre Gouvernement est principalement la coordination de la politique du Gouvernement wallon. J’ajoute deux éléments importants qui sont les relations intrabelges et les relations internationales puisque, dans ce débat, la conduite de l’effort contre le changement climatique passe obligatoirement par une coordination avec les autres entités belges, les États membres de l’Union européenne et les États membres de l’ONU.

    Cette thématique étant transversale, je renvoie l’honorable membre vers les Ministres fonctionnels pour le détail des mesures déjà prises ou en cours de finition. Je me permets cependant de mentionner quelques réformes-clés de ce Gouvernement wallon depuis son installation.

    Gouvernance – Obligations internationales :
    Dans cet ordre d’idées, il faut souligner que les politiques prises en faveur du climat, tant en Région wallonne qu’au niveau belge, s’inscrivent dans le cadre d’une politique européenne qui se veut volontariste. À cet égard, l’Union européenne, qui émet 10 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau planétaire, est en passe de redéfinir sa vision des objectifs qu’elle veut atteindre déjà en 2030 pour être une société décarbonée en 2050. Une communication de la fin de l’année 2018 évoque divers scénarii possibles et les Etats-Membres seront amenés à discuter de cette vision dans le courant de ce semestre.

    En ce qui concerne la Belgique, notre objectif actuel est d’atteindre en 2030 une diminution de 35 % des émissions de gaz à effet de serre (par rapport 1990) tout en s’engageant à intégrer 32 % d’énergies renouvelables dans la production et augmenter de 32,5 % d’efficacité énergétique des bâtiments. Pour la Belgique, le Plan national Energie Climat synthétise actuellement les plans des différents niveaux de pouvoir.

    La Wallonie s’inscrit donc dans une vision et un plan d’action très concrets afin de décarboner notre économie. Nous avons eu l’occasion de prendre les décisions suivantes :
    1. Adoption du Pacte énergétique définissant ainsi un cadre pour la transition énergétique menant à une société bas-carbone en 2050 par le Gouvernement wallon le 14 décembre 2017 ;
    2. Adoption du Plan wallon Énergie Climat 2030 comme contribution wallonne au Plan national Énergie Climat par le Gouvernement wallon le 20 décembre 2018 ;
    3. Adoption de la feuille de route du Parlement de Wallonie (Résolution du 28 septembre 2017) : elle constitue la base des actions qui ont été menées jusqu’à présent et qui doivent être menées dans les prochaines années ;
    4. Accord de coopération de Burden Sharing pour la période 2013-2020 : la conclusion de cet accord permet la répartition des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre des secteurs non couverts par le système communautaire d’échange de droits d’émission (les secteurs « non ETS »), de développement des énergies renouvelables et de financement climatique international entre les trois Régions et l’État fédéral. Il règle également la répartition des revenus de la mise aux enchères des quotas émis dans le cadre du système ETS ;
    5. Fonds wallon Kyoto : pour la première fois depuis sa création, les recettes du Fonds wallon Kyoto ont pu être affectées. ;
    6. Financement climatique international : grâce au programme de mise en œuvre des recettes du Fonds wallon Kyoto, il a été décidé d’allouer 20 millions d’euros supplémentaires, sous forme de prêt, au financement climatique international, permettant ainsi de renforcer le soutien de la Wallonie pour la transition énergétique dans les pays en voie de développement.

    Secteur du transport :
    Dans cette matière, nous avons œuvré sur deux axes qui encadrent le déploiement des bornes de recharge et les stations pour des véhicules qui émettent moins de CO2, tant sur la base décrétale que sur celle du financement via des avances récupérables, dans le cadre d’appels à projets.

    Les 19 avril 2018 et 13 septembre 2018, le Gouvernement wallon approuvait le lancement de deux appels à projets de déploiement de bornes de chargement pour véhicules électriques (budget de 1 033 000 euros), mais aussi d’infrastructures délivrant du CNG ou LNG (6 655 000 euros) - dépôt 15 octobre 18.

    • 256 bornes seront déployées dans le courant de l’année 2019 suite à l’appel « bornes » ;
    • 12 stations GNC et 6 stations GNL seront déployées dans le cadre du second.

    Ce retour d’expérience permettra le lancement de trois nouveaux appels en 2019 : (un appel pour le privé (8 400 000 euros en avances récupérables pour le déploiement de 250 bornes électriques et installations de 10 stations CNG, 5 LNG, biogaz, ou hydrogène) ; un appel à projets pour le public (2 000 000 d’euros en subsides 100 % pour le déploiement de 200 bornes et l’installation de production y liée) ; un appel à projets pour le privé pour la mobilité partagée (2 000 000 d’euros d’avances récupérables pour un à cinq projets pour tous types de véhicules électriques et bornes).

    En 2018, une étude relative à la fiscalité automobile a été menée. La portée de celle-ci consiste à répondre aux enjeux environnementaux et sanitaires, et aux problèmes d’engorgement continu des centres urbains. Les véhicules les plus polluants seront clairement la cible de la réforme qui découlera de cette étude et les véhicules propres seront encouragés au maximum.

    D’une manière générale, une attention particulière a été donnée à travers les études liées à la fiscalité à l’intégration de la thématique énergétique. Par exemple : lier certains mécanismes fiscaux à des aménagements en vue d’économiser l’énergie.

    Secteur énergétique :
    Comme l’honorable membre le sait, la politique climatique est intimement liée à la politique énergétique. En effet, la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre proviennent de notre consommation et de la production d’énergie. Actuellement, la majorité des efforts doivent donc se concentrer sur la transition énergétique. Transition qui sera le principal moteur de la décarbonation de notre économie.

    Les principes fondamentaux de notre action sont : Garantir une énergie sûre, durable et abordable.

    Elle comprend notamment les quelques éléments suivants :
    • Mettre le consommateur au cœur de la décarbonation de notre économie et singulièrement du système énergétique : le secteur de l’énergie évolue. La production décentralisée augmente, les comportements changent. Le consommateur devient un acteur à part entière de la décarbonation de nos modes de vie et de la transition énergétique (logement, comportement alimentaire, et cetera) ;
    • Principe de pollueur-payeur (fiscalité adéquate) : dans une économie de marché, les « agents économiques » que sont les ménages, les entreprises et les pouvoirs publics orientent leurs choix notamment en fonction du prix. Pour orienter tant les décisions en matière d’investissement que de comportement vers des solutions bas carbone, il y a lieu de repenser notamment notre fiscalité ;
    • Une politique tournée vers le progrès technologique et de la numérisation : Tous les secteurs évoluent aujourd’hui vers plus de numérisation, de smartisation. Le secteur de l’énergie répond également à cette tendance forte du Big Data, de la maîtrise des données, de la gestion, de l’automatisation et de la complexification de nos activités et modes de consommation ;
    • Maîtriser les coûts à court et à long terme : Une chose est de prendre des mesures volontaristes pour favoriser la production d’électricité à base d’énergies renouvelables, une autre est de le faire de manière inconséquente !

    En matière énergétique, notre Gouvernement a pris ses responsabilités dans un certain nombre de dossiers phares en moins de deux ans :
    • Une solution pérenne, la première depuis l’apparition du problème, a été trouvée à la bulle des certificats verts ;
    • Dans la respect des recommandations de la Commission d’enquête Publifin, nous avons réformé en profondeur la gouvernance des distributeurs d’énergie (cf. décret Gouvernance). Nous avons par exemple encadré les activités des distributeurs d’énergie en les recentrant sur leurs activités principales ;
    • Le Gouvernement a approuvé ce 28 février 2019 les arrêtés du Gouvernement rendant la CWaPE véritablement indépendante de l’Exécutif ;
    • Le Gouvernement a simplifié la facture d’énergie et les procédures administratives (cfr décision de ce 07/02/2019) ;
    • Le Gouvernement a adopté en seconde lecture le 20 décembre 2018 le système des primes « énergie » : reposant sur les économies d’énergie générées par les travaux, elles sont plus accessibles (création d’un guichet unique), plus lisibles, plus élevées et plus contrôlables (audit énergétique préalable).

    Dans les productions d’énergies renouvelables, le Gouvernement a entamé un phasing out du système de subsides au renouvelable pour les filières les plus matures. Aujourd’hui, le photovoltaïque résidentiel fonctionne désormais sans subsides. Nous avons aussi travaillé à la conclusion d’une « paix éolienne » entre riverains, constructeurs et pouvoirs publics.

    Citons encore la mise en place d’un cadre permettant les compteurs intelligents qui contribue également à la flexibilité du secteur. Les avantages des compteurs intelligents sont nombreux : maîtrise de la consommation, relevés effectués à distance, factures établies sur base de la consommation réelle et non plus d’une estimation, détection rapide des pannes, possibilité de modifications à distance, facilité pour les autoproducteurs, et cetera. C’est un enjeu essentiel afin de tendre vers le principe de tarification vertueuse.

    Nous avons aussi modifié le décret électricité pour autoriser la mise en place des microréseaux (microgrid) et réseaux alternatifs.

    J’ajoute enfin un aspect qui me tient particulièrement à cœur, qui est l’accès à l’énergie pour les ménages plus précaires. Notre Gouvernement avance dans la transition énergétique en ne laissant personne au bord du chemin.

    Les outils déployés par le Gouvernement wallon visent à rendre les maisons efficaces sur le plan énergétique et réduire la facture énergétique, notamment avec la réforme des opérations MEBAR (Energie pour les Ménages à Revenus Modestes) et PAPE (Plan d’Action Préventive en matière d’Énergie). Nous avons voulu réviser intégralement la philosophie et le fonctionnement de ces deux mesures sociales, notamment en mutualisant les expériences et en propageant le mécanisme aux CPAS des plus petites communes. Cette révision s’est faite en l’intégrant à la politique sociale englobant toutes les formes de précarité et pas exclusivement celle liée à l’énergie.

    De manière concrète et chiffrée, les moyens financiers dédiés en 2018 à des programmes efficaces sur le plan énergétique dans les bâtiments de divers secteurs les écoles (40 millions d’euros) à travers le projet Ureba exceptionnel, l’horeca et les petits commerces (5 millions d’euros) à travers le dispositif AMURE, le secteur de la distribution où les gaz fluorés sont impactants (4,3 millions d’euros), le secteur public (1,7 million pour Renowatt auquel s’ajoutent 3,8 millions de la BEI), le secteur privé avec la réforme de simplification et d’augmentation des primes énergie-logement.

    Je rappelle également à l’honorable membre que le Gouvernement a fait un effort de réduction important de son parc automobile et travaille à rendre celui-ci « moins carboné ».

    Je ne voudrais pas laisser croire que la lutte contre le changement climatique trouvera une issue dans la seule impulsion politique. L’adaptation du secteur économique, l’évolution de certains de nos comportements sociaux et une meilleure appréhension de notre impact environnemental seront les composantes essentielles en vue de résoudre la problématique du climat.

    En conclusion, il est évident que la question climatique est au centre de l’attention médiatique depuis plusieurs semaines par la présence massive de nos jeunes dans les rues. Je note cependant que le Gouvernement wallon n’a pas attendu cette mobilisation pour agir. Il est cependant indéniable qu’il faudra encore amplifier les efforts dans les prochaines années pour atteindre nos objectifs climatiques tout en assurant notre prospérité et en assurant nos objectifs de solidarité, d’investissement, de redéploiement wallon, et cetera.

    Notre bilan est concret, utile et permet de bâtir des politiques futures ambitieuses. Nous sommes conscients que le travail qui nous attend est colossal. Il s'agit aussi d’une formidable opportunité d’apporter des réponses aux défis du 21e siècle de manière stratégique et réfléchie.