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L'accès au logement

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 155 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 27/02/2019
    • de STOFFELS Edmund
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives
    Selon l’Observatoire belge des inégalités « Le taux de propriété des ménages belges à faibles revenus connaît un recul parmi les plus marqués d’Europe et l’inégalité dans l’accès à la propriété y est en vive croissance. C’est le cas en particulier des jeunes générations et des jeunes couples en voie d’installation, frappés d’une exclusion apparemment totale d’accès à la propriété. »

    « Derrière l’apparente stabilité du taux de propriété « moyen », c’est-à-dire toutes catégories de revenus confondues, l’enquête SILC établit un profond mouvement de dualisation dans l’accès à la propriété… »

    Dans quelle mesure les différentes catégories d’aides au logement ont-elles pu contribuer à l’explosion des prix des villas, des maisons unifamiliales, des appartements, des studios et des terrains de construction ?

    Madame la Ministre confirme-t-elle que les effets peuvent exister dès qu’il s’agit d’aider le plus grand nombre de ménages à accéder au logement ?
  • Réponse du 18/03/2019 | Annexe [PDF]
    • de DE BUE Valérie
    Chaque jour ou presque sont publiés aux sources les plus diverses maints articles, études ou commentaires consacrés au logement.

    L’article cité est diffusé par « l’Observatoire belge des inégalités », média internet qui privilégie, je cite, « une démarche critique des inégalités et des mécanismes qui les produisent » et assume le refus du principe de neutralité des études.
    Sans questionner l’honnêteté des auteurs ni l’honorabilité de leurs objectifs, je préfère me référer, en ma qualité de Ministre, à une approche critique plus neutre et scientifique pour appuyer et développer mon action politique.

    Et en la matière, il existe aujourd’hui un large consensus, tant des experts que des acteurs du secteur, pour constater un pouvoir d’achat trop faible pour les ménages les moins fortunés quant à l’accession à la propriété.
    Plusieurs études d’institutions publiques ont confirmé ce constat (Cf. e.a. Baromètre social 2017, Commission communautaire commune – Région de Bruxelles Capitale).

    Récemment encore, le rapport de l’Observatoire des prix immobiliers résidentiels en Wallonie, publié en novembre 2018 par le Centre d’Études en Habitat durable (CEHD), estimait l’indicateur d’accessibilité financière du logement pour les ménages.

    Sous certaines hypothèses (les hypothèses suivantes sont utilisées :1. la part du revenu consacrée au crédit hypothécaire est de 30 % ; 2. le taux annuel est de 2,5 % (soit la moyenne des taux hypothécaires mensuels de la BNB en 2015 pour une période de plus de 10 ans à taux fixe) ; 3. l’emprunt est égal à 100 % du prix de logement (en moyenne, un acheteur apporte 20 % de fonds propres, mais il faut ajouter le droit d’enregistrement, la TVA, le frais de notaire, etc. ; ces éléments, ainsi que les prêts de la Région, ne sont pas pris en compte dans l’estimation) et pour l’année 2015 (dernière année avec toutes les données disponibles), cet indicateur est défini comme le rapport entre les prix médians et les déciles de revenus pour les ménages ayant une déclaration fiscale remplie par deux personnes (donc un ménage de deux personnes ayant souvent deux revenus) ; ensuite, la durée nécessaire pour le remboursement d’un emprunt hypothécaire est calculée par décile de revenus.
    Il en ressort que, dans le cas d’une maison d’habitation ordinaire (dont le prix médian est de 140 000,- euros selon les statistiques du SPF Économie), les revenus des trois premiers déciles (soit les 30 % de ménages fiscaux composés de deux adultes ayant les revenus les plus bas en Wallonie) ne sont pas suffisants pour permettre le remboursement d’un crédit hypothécaire.

    Pour le 4e décile, la durée minimale nécessaire au remboursement est estimée à 46 ans et pour le 5e décile, elle serait de 34 ans. L'honorable membre conviendra qu’il est peu probable d’obtenir un crédit hypothécaire pour une durée excédant 30 ans.
    Pour les 6e et 7e déciles, la durée de remboursement se situe entre 20 et 30 ans.
    Au fait, seuls les trois derniers déciles de revenus, c'est-à-dire les ménages les plus aisés, peuvent prétendre à un crédit sur une période de moins de 20 ans.

    Logiquement, les durées nécessaires au remboursement augmentent encore pour les déciles de revenus les plus bas en ce qui concerne l’achat d’un appartement (dont le prix médian est de 152 000 euros) ou d’une villa (dont le prix médian est de 240 000 euros).
    Ainsi, quel que soit le type de bien résidentiel convoité, au moins un tiers des ménages wallons, ceux disposant des plus bas revenus ne peuvent accéder à la propriété via l’emprunt hypothécaire. La location reste pour eux la meilleure opportunité.

    Quant à savoir si les aides au logement sont responsables de cette situation, comme le suggère l'honorable membre dans sa question, je ne puis que le renvoyer à ma réponse à sa question identique (QPE n° 443 du 30 août 2018, intitulée « Les conséquences de la hausse du prix de l'immobilier sur la demande de logements publics »).
    En résumé, les prix de l'immobilier 2017 restent dans la tendance des années précédentes. Les prix de maisons (de 4 façades et de 2 ou 3 façades, ce dernier type de biens concerne davantage les ménages plus modestes) évoluent moins que l'inflation. L'augmentation des prix d'appartements est quant à elle plus rapide (de +7,6 % au cours de 7 années, si on prend en compte l'inflation). (Cf. graphique annexé).

    Un autre élément d’explication de cet accès difficile à la propriété des ménages à faibles revenus tient aux mesures dites macroprudentielles de la Banque Nationale de Belgique (BNB) vis-à-vis du secteur bancaire.
    Dans son rapport annuel publié en février dernier, le banquier central a rappelé aux banques belges les risques pris en prêtant à des emprunteurs présentant des probabilités de défaillance à plus ou moins long terme.
    Ces mesures visent à préserver la solvabilité des banques, mais aussi, indirectement, les emprunteurs les moins nantis eux-mêmes.

    En conclusion, il semble donc évident que le soutien public au crédit hypothécaire, les politiques locatives publiques et privées, mais aussi les politiques fiscales plus avantageuses pour les bas salaires, doivent être poursuivis et amplifiés pour permettre aux ménages qui disposent des plus faibles revenus d’accéder à un logement décent sans risquer le surendettement et une précarisation accrue.