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Corrélation entre la diminution du revenu et l'augmentation de la pauvreté en Hainaut.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 50 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 16/01/2006
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à VIENNE Christiane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Selon les données communiquées par le SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie, le revenu moyen par déclaration des habitants de la province de Hainaut aurait diminué de 3 % entre l'exercice d'imposition 2002 et l'exercice d'imposition 2003.

    La province de Hainaut possédait déjà le revenu moyen par déclaration le plus bas. Celui-ci a donc encore diminué.

    Selon les constatations faites par Madame la Ministre, existe-t-il une corrélation entre la diminution du revenu moyen par déclaration et l'augmentation du niveau de pauvreté ? A-t-on constaté, ces dernières années, une augmentation du niveau de pauvreté dans la province de Hainaut ? Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer une diminution du revenu moyen par déclaration en Hainaut ?

    Enfin, des moyens supplémentaires seront-ils mis en œuvre de manière spécifique pour la province de Hainaut en vue d'enrayer une éventuelle augmentation de la pauvreté ?
  • Réponse du 10/02/2006
    • de VIENNE Christiane

    L'honorable Membre m'interroge sur le fait de savoir s'il existe une corrélation entre la diminution du revenu moyen par déclaration fiscale en province de Hainaut qui, selon le SPF Economie, Classes moyennes et Energie, serait de 3 % entre 2002 et 2003, et une éventuelle augmentation de la pauvreté dans cette province, me demandant, le cas échéant, quels moyens supplémentaires je comptais affecter pour enrayer cette évolution négative.

    Selon l'Institut wallon de l'évolution, de la prospective et de la statistique (IWEPS) que j'ai interrogé à ce propos, le revenu imposable par déclaration a effectivement diminué dans le Hainaut de 3 % entre 2001 (exercice fiscal 2002) et 2002 (exercice fiscal 2003). Néanmoins, cette baisse, bien que la plus élevée, est cependant comparable à celle observée dans le Brabant wallon.

    Etant donné que le revenu par déclaration est le rapport entre le revenu total net imposable et le nombre de déclarations, il convient d'analyser ces deux variables séparément pour tenter d'interpréter la baisse du ratio observée.

    Dans le Hainaut, le revenu total net imposable a augmenté en 2002 de 5,52 %. Cette augmentation reste cependant moins élevée que l'augmentation du nombre de déclarations (8,77 %). Ainsi, comme le revenu a proportionnellement moins augmenté que le nombre de déclarations, le ratio « revenu par déclaration » a diminué.

    Ceci s'observe également dans la province du Brabant wallon où le nombre de déclarations augmente de 8,36 % alors que le revenu n'augmente que de 5,23 %, provoquant ainsi une diminution du revenu par déclaration.

    A l'inverse, on constate que, dans les provinces de Liège et de Namur (où la progression du revenu total net imposable a été moindre que dans le Hainaut), la progression du nombre de déclarations a été plus faible que celle du revenu total. Le revenu par déclaration a donc augmenté.

    Il est dès lors, a priori, difficile de conclure que la baisse du revenu imposable par déclaration soit liée à une progression de la pauvreté dans la province de Hainaut. La baisse est imputable à une évolution du numérateur et du dénominateur composant le ratio « revenu par déclaration ».

    Par ailleurs, précisons que la notion de revenu établie à partir des statistiques fiscales est une notion assez particulière : d'une part, les personnes qui ont des revenus trop faibles ne sont pas enrôlées et ne figurent donc pas dans les statistiques fiscales ; d'autre part, il ne s'agit pas d'un revenu disponible puisqu'il fait l'objet d'une taxation (le revenu total net imposable est net de différentes charges, mais n'est pas net d'impôt).

    Le revenu après impôt se rapproche davantage de la notion de revenu disponible. Il s'agit du revenu total net imposable diminué du montant de l'impôt total (IPP + taxes additionnelles communales). On constate ainsi que le revenu après impôt par déclaration a lui aussi diminué dans le Hainaut, mais de façon moins importante que le revenu total net imposable par déclaration. Mais, à nouveau, c'est la hausse importante du nombre de déclarations qui explique cette baisse.

    Notons encore que la province de Hainaut se distingue de l'ensemble de la Wallonie dans la progression observée du nombre de déclarations de revenus faibles : dans le Hainaut, ces deux dernières années, ce sont les déclarations de revenus inférieurs à 10.000 euros qui ont augmenté le plus, et ce, dans une proportion beaucoup plus importante qu'en Wallonie.

    Comparé à la Wallonie (et à la Belgique), le nombre de déclarations d'isolés a également augmenté davantage dans le Hainaut. Ainsi, dans la province de Hainaut, sur la période 2001-2002, comparativement aux autres provinces et à la Région wallonne, près d'un tiers des ménages privés étaient des ménages composés d'une seule personne (ménages isolés). Ce pourcentage est comparable à celui de la Région wallonne. Entre 2001 et 2002, il a augmenté de près de deux points comme en Région wallonne, mais cette évolution n'a cessé de s'amplifier durant les dernières années dans la province de Hainaut, et ce, dans les mêmes proportions que dans la province de Namur.

    En ce qui concerne à présent l'évolution de la pauvreté dans la province de Hainaut, on constate que ces trois dernières années la part dans le revenu imposable globalement prise par les allocations sociales (pensions/prépensions,allocations de chômage et allocations de maladie/invalidité) a eu tendance à augmenter, alors que la part occupée par les revenus professionnels des salariés et indépendants a eu tendance à se réduire.

    Cette situation n'est cependant pas propre à cette province. Elle s'observe également pour l'ensemble de la Wallonie et dans toute la Belgique.

    Ainsi, entre 2001 et 2002, le taux d'emploi dans le Hainaut a diminué de près d'un point de pourcentage, passant de 53 % en 2001 à 52,2 % en 2002. Cette évolution est proche de celle de la moyenne régionale et de celle de la province de Liège, mais le niveau est nettement inférieur dans le Hainaut (52,2 % en 2002) par rapport à la moyenne wallonne (55,9 %) et aux autres provinces.

    Durant cette même période, parmi les travailleurs salariés assujettis à l'ONSS, un travailleur sur cinq était occupé à temps partiel dans le Hainaut (un peu moins qu'en Région wallonne (22 %)). Toutefois, l'évolution du temps partiel a crû entre 2001 et 2002 plus fortement dans le Hainaut que dans les autres provinces wallonnes (+ 2,6 points de pourcentage dans le Hainaut contre + 1,9 point pour l'ensemble de la Région wallonne).

    En 2001, le taux de chômage dans la province de Hainaut, de l'ordre de 19 %, était le plus élevé parmi l'ensemble des provinces wallonnes. Il a cependant légèrement diminué entre 2001 et 2002 avant de réamorcer un mouvement à la hausse.

    Les taux de chômage de longue durée (> à un an) et de très longue durée (> à deux ans) étaient également les plus élevés dans le Hainaut (respectivement 12,2 % et 9,4 % en 2001) et ont suivi une évolution comparable à celle des taux de chômage (légère baisse entre 2001 et 2002 suivie d'une hausse continue au cours de la dernière période). Une tendance comparable est observée pour la Wallonie considérée dans son ensemble, à des niveaux toutefois inférieurs à ceux observés dans le Hainaut.

    Si l'on prend en considération l'ensemble des catégories des bénéficiaires de l'assurance chômage, on peut tirer les constatations suivantes :

    - augmentation entre 2001 et 2002 de toutes les catégories de bénéficiaires de l'assurance chômage dans la province de Hainaut et en Région wallonne, à l'exception des prépensions qui ont diminué dans une proportion cependant inférieure dans le Hainaut (- 3,3 %) comparativement à l'ensemble de la Wallonie.
    Parmi les catégories qui ont connu, entre 2001 et 2002, la plus forte augmentation (+ 10 %), on dénombre les bénéficiaires d'une interruption de carrière (en ce compris le crédit temps, le congé parental, le congé pour soins palliatifs et l'assistance médicale) qui ont atteint + 13,6 % dans le Hainaut et + 12,7 % en Région wallonne, ainsi que les bénéficiaires des mesures d'activation (+ 11,2 % dans le Hainaut comme en Wallonie) ;

    - parmi les catégories qui ont contribué le plus à la croissance des bénéficiaires de l'assurance chômage dans le Hainaut entre 2001 et 2002, on dénombre les demandeurs d'emploi inoccupés (contribution à la croissance de 57,2 %), avec un taux de croissance de 6 %, faisant passer le nombre de DEI avec allocations de 83.862 en 2001 à 88.970 en 2002. Cette tendance est également observée pour la Wallonie dans son ensemble. Deux autres catégories contribuent de façon assez importante à la croissance des bénéficiaires de l'assurance chômage : d'une part, les bénéficiaires d'une interruption de carrière (contribution de 15 % à la croissance, inférieure cependant à la contribution de cette catégorie pour l'ensemble de la Wallonie (+ 17,1 %)) et les chômeurs âgés (contribution à la croissance de l'ordre de 11,8 % contre une contribution de 12,6 % pour la Wallonie) ;

    - la catégorie des chômeurs temporaires occupe un statut particulier dans le Hainaut : d'une part, la catégorie y a augmenté de près de dix points de pourcentage entre 2001 et 2002 ; d'autre part, c'est dans cette province que cette catégorie est la plus utilisée (indice de spécialisation de 117,1) par rapport à l'ensemble de la Région wallonne. Parmi les autres catégories de bénéficiaires qui ont plus de « succès » dans le Hainaut, citons encore : les DEI avec allocations, les mesures d'activation et les chômeurs âgés.

    En ce qui concerne les bénéficiaires du revenu d'intégration sociale, il est très difficile de vouloir interpréter l'évolution des données entre 2001 et 2002 dans la mesure où c'est dans le courant de l'année 2002 qu'a eu lieu la modification de la loi concernant le droit à l'intégration sociale qui a entraîné des changements dont les conséquences sont considérables pour l'interprétation des données relatives aux allocations minimales octroyées par les CPAS. Le remplacement du minmex par le revenu d'intégration sociale (RIS) implique en effet quelques modifications importantes : le droit est désormais individualisé, la nouvelle loi assouplit les conditions de nationalité, la loi crée une nouvelle catégorie pour les isolés avec charge partielle d'enfant(s).

    Enfin, entre 2001 et 2002, le taux de croissance annuelle des rémunérations « ordinaires » déclarées à l'ONSS a été plus faible dans le Hainaut que dans les autres provinces wallonnes, à l'exception du Brabant wallon.

    En conclusion, des investigations menées sur les différentes variables retenues il semble que l'on puisse avancer l'hypothèse selon laquelle la baisse du revenu imposable par déclaration dans la province de Hainaut entre 2001 et 2002 soit liée, d'une part, à une augmentation plus que proportionnelle du nombre de déclarations par rapport au revenu total net imposable et, d'autre part, à une augmentation du nombre de déclarations de revenus faibles due, notamment, à une augmentation des allocataires sociaux, mais aussi des travailleurs faiblement rémunérés.

    A cet égard, le Gouvernement wallon et loin d'être inactif : outre l'adhésion active aux programmes européens développés avec les entités fédérées, tels que les Plans d'action nationaux inclusion sociale et emploi, outre les mesures structurelles prises dans le cadre de ses compétences économiques, de formation et d'emploi, le Gouvernement veut « booster » la Wallonie sur le plan socio-économique au travers du nouvel instrument de développement qu'est le Plan Marshall, ce qui ne peut qu'avoir des retombées favorables sur le plan social.

    Certes, la sécurité sociale fédérale constitue le premier rempart contre la pauvreté, mais, pour ma part, je soutiens une politique active de proximité (via les CPAS, les associations et les partenariats public/privé) pour prévenir et enrayer la précarité : relais sociaux, lutte contre le surendettement, mesures d'intégration sociale, politique d'insertion dans l'emploi, … Je me suis aussi pleinement inscrite dans le Plan stratégique n° 3 « inclusion sociale » (PST 3) car, si le Plan Marshall affirme pour objectif une société de prospérité, de progrès partagés par tous dans le redressement économique wallon, le Gouvernement wallon a eu le souci de ne pas laisser au bord du chemin ceux que les aléas de la vie ont fragilisés. La situation des personnes économiquement faibles, voire précarisées, s'étend dans l'ensemble des domaines de la vie économique et sociale : celles-ci sont davantage exposées au non-respect des droits fondamentaux.

    L'aide aux personnes en situation d'exclusion et de détresse sociale dans les grandes villes déjà réalisée par les cinq relais sociaux sera amplifiée par la création, en 2006, du relais social de Namur et, pour 2009, par l'installation de celui prévu sur l'axe Tournai-Mouscron. C'est ainsi que la coordination d'acteurs publics et privés méritera, pour la seule province de Hainaut, l'action de trois relais sociaux. Associée aux missions des relais sociaux, le Gouvernement wallon a retenu ma proposition de développer une approche proactive en matière de santé pour des publics n'ayant pas les moyens de se faire soigner ou ne pouvant avoir accès aux soins de santé en créant des « relais santé ».

    Tout un pan de la population en Hainaut, région que l'honorable Membre évoque plus particulièrement dans sa question, n'est pas en mesure de réunir les chances d'accès à l'emploi, même faiblement rémunéré. Dès lors, de mesures et programmes particuliers sont à épingler dans les prochains chantiers du Gouvernement wallon, tels que :

    - la lutte contre l'analphabétisme en augmentant l'offre de formation de 2.000 places pour développer l'autonomie des citoyens en difficulté d'insertion professionnelle ;
    - le renforcement des entreprises d'insertion existantes par un encadrement renforcé et la création de douze nouvelles entreprises pour mettre à l'emploi des DE supplémentaires ;
    - la création de quinze services de proximité avec des prestataires de services peu qualifiés ;
    - la multiplication des mises à l'emploi des bénéficiaires du revenu d'intégration sociale via les 1.000 contrats supplémentaires prévus par la convention cadre Forem/CPAS ;
    - la contribution des missions régionales pour l'emploi dans le jobcoaching de 4.000 demandeurs d'emploi difficiles à placer, soit 1/4 de plus qu'en 2005. A noter que sur onze MIRE, cinq sont situées en Hainaut et oeuvreront à cette mesure
    - la contribution du Gouvernement wallon à faciliter la mobilité des DE en accordant le remboursement de cinq trajets par mois (transport en commun) dans le programme d'insertion active de 3.500 personnes.

    L'honorable Membre conviendra que l'additionnalité de ces différentes mesures participe à « sortir » des personnes du cycle de la pauvreté.

    Dans l'impossibilité d'intervenir directement sur le montant du revenu disponible des familles ou personnes isolées, le Gouvernement wallon met en œuvre des mesures qui ont un impact sur l'amélioration des conditions de vie ou des mesures réparatrices telles que la lutte contre le surendettement. Sur 201 services de médiation de dettes en Région wallonne, le Hainaut dispose de 63 services agréés et subventionnés pour desservir 69 communes. Un Centre de référence exerce en Hainaut le soutien des services de médiation de dettes en matière de formation, d'aide juridique pour les cas les plus difficiles et d'actions de prévention. La sensibilisation du grand public pour éviter le surendettement sera renforcée.

    Le portrait social ainsi dressé des moyens dédicacés, entre autres pour le Hainaut, par le Gouvernement wallon dans ces prochaines années devrait participer à relever le bien-être des familles les plus fragilisées et à augmenter la capacité des personnes à participer à leur protection sociale.

    Le partage des responsabilités entre le Gouvernement fédéral et les entités fédérées sur la lutte contre la pauvreté nous engage encore pour de longs mois dans la perspective de mettre tout en œuvre pour participer à l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.