/

L'avant-projet de décret relatif à la création de réseaux hospitaliers wallons

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 167 (2018-2019) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 06/03/2019
    • de COURARD Philippe
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives
    Dernièrement, le Gouvernement fédéral a déposé un projet de loi visant à réformer le réseautage entre hôpitaux.

    Le Gouvernement wallon, via le projet de décret relatif à la création de réseaux hospitaliers wallons, souhaite encadrer, sécuriser et baliser toute forme de rapprochement qui pourrait s’opérer entre une structure hospitalière publique et les pouvoirs publics et/ou les personnes de droit moral privé. Jusque-là, aucun texte juridique ne régissait ce type de fusion. Le but est de rationaliser l’offre de soins.

    Cependant, il me revient que ces collaborations mixtes publiques-privées pourraient être néfastes pour les structures publiques.
    Si cette collaboration est dotée de la personnalité juridique, elle devra être constituée sous forme d’ASBL de droit privé.

    Qu'en est-il donc de l’aspect « public » de la structure qui sera éclipsé du paysage hospitalier dans ce type de fusion ?

    On a le sentiment que cette directive relègue au second plan les pouvoirs publics, même si l’on tente de rassurer les administrateurs d’hôpitaux en permettant aux pouvoirs publics de désigner les personnes qui représenteront l’établissement public de soins. Cela va être un cafouillage sans nom quant à l’exercice des mandats publics.

    Quel est dès lors l’intérêt pour les hôpitaux publics de structurer ce partenariat hospitalier sous forme d’ASBL ?

    C’est davantage une contrainte qu’une liberté d’association le fait d’imposer le type de personnalité juridique. C’est s’enfermer dans un carcan qui n’apporte rien de neuf si ce n’est la possibilité de s’associer de manière assez rigide. C’est le chemin emprunté pour mener à la privatisation des réseaux hospitaliers publics. Or, ces structures permettent en outre la viabilité d’une offre publique de soins de santé, voire la seule, dans certains endroits de notre Région. Je prendrai un exemple qui m’est parlant : le cas de VIVALIA, organisme public en Province de Luxembourg.

    Madame la Ministre a-t-elle entendu les représentants des organismes publics avant de décréter ces mesures ?

    Qu’en est-il si l’ASBL tombe en faillite ? Idem pour ce qui concerne la tutelle qui n’existera plus dans ce type de structure ?

    Par ailleurs, les aspects relatifs au personnel sous statut public ne semblent pas abordés.

    Quel sera le statut du personnel qui découlera de ces conventions ?

    En effet, si une structure publique et une structure privée collaborent, chapeautées par une faîtière sous forme d’ASBL, quelles seront les garanties du maintien du statut public du personnel ?

    En outre, on n’évoque aucunement les questions de transfert. Comment cela va s’organiser ?

    La politique médicale va être décidée par les représentants de ces réseaux, qui sont d’une certaine obédience et qui vont nécessairement instituer des pratiques médicales d’un certain genre. C’est aussi une crainte non négligeable. C’est cela donc qu'elle appelle la liberté d’association.

    Au vu de ces problématiques et craintes multiples, quelles solutions compte-t-elle mettre en place ?
    Quelles sont les garanties pour les travailleurs ?

    Va-t-elle faire marche arrière et remanier l’avant-projet au gré des inquiétudes exprimées ?

    Je souhaiterais qu'elle réponde, dans la mesure du possible, point par point à mes interrogations.
  • Réponse du 02/05/2019
    • de DE BUE Valérie
    Comme l’honorable membre le sait, faute d’avoir pu trouver un consensus avec l’opposition permettant de dégager une majorité au Parlement, le texte n’est pas soumis au vote des députés.

    Cependant, dans un souci d’honnêteté intellectuelle, je vais répondre point par point à ses craintes et lui démontrer que mon projet de texte allait dans le sens de l’intérêt général. Je terminerai par lui exposer la désolation du secteur et les craintes quant à l’application de la législation relative aux réseaux en Wallonie.

    Pour rappel, ces avant-projets ont pour objectif d’assurer la sécurité juridique en fixant un cadre clair aux institutions de soins pour la mise en œuvre des rapprochements, notamment ceux prévus par la politique fédérale de création des réseaux hospitaliers.

    Les textes ont pour objet d’autoriser expressément un établissement public de soins à participer à une collaboration hospitalière, dotée ou non de la personnalité juridique, avec un ou plusieurs autres pouvoirs publics et/ou avec des personnes morales en vue de rationaliser l’offre de soins - puisque, dans l’état actuel des textes, la législation wallonne n’autorise pas expressément les pouvoirs subordonnés à s’associer avec une personne morale de droit privé - et ce, afin de mener ensemble un projet d’harmonisation de l’offre de soins. En pratique, pourtant, de telles collaborations existent. La sécurité juridique assurée, les institutions publiques de soins auraient la confirmation de ce que des collaborations mixtes sont envisageables.

    Le régime proposé par les textes entend donc garantir non seulement la sécurité juridique en autorisant expressément les collaborations mixtes, mais aussi la liberté d’association des institutions de soins.

    Ces collaborations sont par ailleurs encadrées de manière à garantir la réalisation par les pouvoirs publics subordonnés des missions exercées par le biais de la participation à une institution publique de soins, tout en permettant aux acteurs de santé de disposer de la liberté d’organiser leur offre de soins.

    Les textes sont en ce sens organiques puisqu’ils régissent l’organisation de ces pouvoirs publics subordonnés. Ce sont donc bien les questions de la composition, de l’organisation, de la compétence et du fonctionnement des pouvoirs subordonnés qui étaient concernés, et non la politique de santé. Il s’agit donc bien de régir la manière dont ces pouvoirs subordonnés allaient participer à des collaborations et non de régir la collaboration elle-même en ses aspects qui relèvent de l’offre de soins.

    Ainsi, sauf en cas d’accord de tous les partenaires de la collaboration sur une autre forme juridique, la collaboration hospitalière dotée de la personnalité juridique doit être constituée en association sans but lucratif de droit privé conformément à la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les fondations, les partis politiques européens et les fondations politiques européennes.

    Ces avant-projets de décret répondent à une nécessité puisque, dès le 1er janvier 2020, les hôpitaux devront rejoindre un réseau. Dans ce cadre, j’ai souhaité être particulièrement attentive à la préservation des partenaires publics en formalisant le partenariat.

    Dès lors, le caractère « public » de la structure ne devait aucunement être « éclipsé » du paysage hospitalier dans ce type de rapprochement.

    En ce qui concerne le personnel, les aspects relatifs au personnel sous statut public n’étaient pas abordés. Comme cela a été précisé lors d’une réponse que j’ai apportée durant la séance publique de la Commission des pouvoirs locaux, du logement et des infrastructures sportives, du mardi 18 décembre 2018 suite à une question orale posée par Madame Tillieux (cfr. compte rendu intégral, session 2018-2019, Parlement wallon, pp. 60-61), « seules les questions organiques sont réglées par le présent texte ; celles relatives au personnel ne sont pas abordées dans la mesure où le texte en projet ne prévoit pas de transfert de personnel. Il n’y a donc pas d’interférence sur les statuts administratif et pécuniaire applicables au personnel des intercommunales ou associations Chapitre XII. La tutelle et le subventionnement sur ces dernières ne sont pas non plus modifiés ».

    Toutefois, les textes ne modifient en rien les règles relatives au statut du personnel et n’imposaient ni directement ni indirectement de recourir à un statut particulier.

    En effet, comme rappelé dans l’exposé des motifs, les décrets ne portaient pas atteinte à la liberté des partenaires à la collaboration quant au choix des modalités de cette collaboration pour ce qui n’est pas réglé dans le texte.

    La situation politique n’a pas permis le vote du projet de décret qui définissait ce cadre, garantissant ainsi une sécurité juridique aux collaborations et répondant aux appels du secteur. La Région wallonne est dès lors la seule à ne pas s’être dotée d’un arsenal juridique en la matière et c’est l’objectif des réseaux hospitaliers qui risque de ne pas être atteint.

    Je voudrais enfin attirer l’attention de l’honorable membre sur la désolation du secteur qui déplore, tout comme moi, que ce texte n’ait été voté. Ainsi, le directeur général du Grand hôpital de Charleroi, dans L’Écho de ce 25 avril, relève que : « Sans ce texte wallon, tout ce qui a été imaginé à travers la réforme fédérale qui vise à avoir une couverture par bassin vole en éclats. On risque de retourner vers les piliers traditionnels ». Le Président de l’association belge des directeurs d’hôpitaux va même plus loin : « Sans ce texte, on est coincé. On ne peut pas faire de réseaux entre le public et le privé. Il n’y a pourtant pas un acteur qui pense qu’il ne faut pas faire ces réseaux par bassins. Entre acteurs, on se dit que c’est une catastrophe pour le patient (…) si l’on rentre dans une voie où les réseaux se forment par piliers, on rentre dans une scission de la Sécurité sociale. Entre la Flandre et la Wallonie, il y aurait deux modèles qui n’auraient plus rien en commun. Je me demande si l’on n’a pas lancé la scission de la Sécurité sociale en ne faisant pas passer ce texte ».

    L’honorable membre l’aura compris, l’enjeu est tel pour les patients et les institutions de soins que ce dossier devra être considéré comme prioritaire par le prochain Gouvernement.