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La présomption irréfragable de conformité urbanistique

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 630 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 06/03/2019
    • de CULOT Fabian
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de la Transition écologique, de l'Aménagement du Territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings
    L’article D.VII.1erbis du Code du développement territorial stipule que « les actes et travaux réalisés ou érigés avant le 1er mars 1998 sont irréfragablement présumés conformes au droit de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme ».

    Il semblerait que des problèmes d’interprétation existent quant à la charge de la preuve, certains créanciers hypothécaires s’en inquiètent d’ailleurs. En effet, la valeur d’un bien peut être grevée en raison d’une infraction urbanistique de par la difficulté de le revendre, notamment s’il y avait une contestation après la signature de l’acte de vente. Cette valeur représentant la garantie d’un prêt octroyé, l’inquiétude se comprend mieux.

    Les vendeurs d’un bien fournissent des éléments permettant de prouver que les actes et travaux ont bien été réalisés avant le 1er mars 1998. Parfois, ces éléments (plans d’architecte, factures datées, et cetera) sont immédiatement probants. Néanmoins, dans ce qui serait la plupart des cas, les éléments fournis ne sont que de vagues photos des lieux dont la date reste incertaine, des témoignages d’un voisin ou d’un membre de la famille, et cetera. Bref, dans ce dernier cas, la solidité des preuves apparaît plus faible ; ce qui rend le bénéfice de la présomption irréfragable plus difficile et maintient donc la possibilité d’être confronté à un procès-verbal d’infraction urbanistique.

    Si des litiges relatifs à l’infraction urbanistique devaient avoir lieu, la question de la charge de la preuve devient alors centrale. Lorsque l’on consulte les travaux parlementaires, on y lit deux propos qui semblent antagonistes : l’un spécifiant que c’est à l’autorité publique de prouver l’infraction invoquée, l’autre, celui de Monsieur le Ministre, mentionnant que c’est au demandeur d’amener les preuves auprès de l’autorité compétente.

    Face à cette incertitude, il serait sans doute intéressant d’étudier la possibilité d’obliger les communes à étudier chaque dossier dans un délai raisonnable lors d’une vente, de telle manière à déterminer définitivement la légalité ou non des parties potentiellement en infraction et ainsi, à rassurer le nouveau propriétaire et le créancier hypothécaire.

    Est-ce au propriétaire ou à l’autorité publique compétente de prouver l’application ou le refus d’application de la présomption de conformité ?

    Ne faudrait-il pas prévoir l’obligation pour les communes d’examiner les dossiers dans un délai raisonnable pour déterminer définitivement la légalité ou non des parties potentiellement en infraction ?
  • Réponse du 28/03/2019
    • de DI ANTONIO Carlo
    Les actes et travaux qui entrent dans le champ d’application de l’amnistie ont été automatiquement régularisés dès l’entrée en vigueur du décret du 16 novembre 2017, soit le 17 décembre 2017, sans aucune démarche administrative à réaliser par le propriétaire.

    En effet, le législateur n’a pas retenu la mise en place d’une procédure de demande de certificat de conformité urbanistique ou d’attestation à adresser à l’autorité compétente (commune ou fonctionnaire délégué) par le propriétaire, comme cela avait été envisagé dans une première version de la proposition de décret (Proposition de décret, Parl. wal., doc. 289 (2014-2015), n° 1).

    En matière de charge de la preuve, il convient de préciser les hypothèses suivantes.

    Dans le cadre de la constatation des infractions urbanistiques, il revient aux agents constateurs, aux officiers de police judiciaire et au ministère public de réunir les éléments établissant que les actes et travaux réalisés sont constitutifs d’infraction et dès lors que l’amnistie ne leurs est pas applicable. L’exposé des motifs du décret du 16 novembre 2017 précise que : en cas de litige, il appartient à l’autorité publique qui invoque une infraction de prouver, par toute voie de droit, que les actes et travaux litigieux ne peuvent bénéficier de la présomption, en établissant, par exemple, la date de réalisation desdits travaux. En matière pénale, il revient en effet à la partie poursuivante (administration, ministère public) de rapporter la preuve de l’infraction.

    En cas de demande de permis de régularisation pour des actes et travaux potentiellement « amnistiés », l’autorité compétente doit se faire une opinion sur la légalité de ces actes et travaux pour pouvoir déclarer la demande sans objet pour les travaux amnistiés. Le Conseil d’État renverse la charge de la preuve lorsqu’il s’agit d’une demande de permis : si le demandeur se prévaut de l’« amnistie », ce sera à lui de compléter sa demande avec les preuves dont il dispose (vieilles photos, factures, extrait cadastral, acte notarié, etc.). Il faut voir en ce sens l’arrêt du Conseil d’État n° 240 095 du 5 décembre 2017.

    En cas de transfert d’un bien, il convient de se référer aux articles D.IV.99 et D.IV.100 du CoDT. Le décret du 16 novembre 2017 a ainsi complété l’article D.IV.99, §1er par un point 5° qui dispose comme suit :
    Dans tout acte entre vifs, sous seing privé ou authentique, de cession (...), relatif à un immeuble bâti ou non bâti, il est fait mention :
    (…)
    4° que le ou les cédants ont, ou n’ont pas, réalisé des actes et travaux constitutifs d’une infraction en vertu de l’article D.VII.1, §1er, 1°, 2° ou 7°, et le cas échéant qu’un procès-verbal a été dressé.
    5° sur la base de la déclaration du cédant, de la date de réalisation des derniers travaux soumis à permis et relatifs au bien concerné.

    Il n’est donc pas prévu que soit mentionné dans l’acte que des actes et travaux réalisés en infraction sur le bien concerné sont « amnistiés ».

    Par ailleurs, l’article D.IV.100 dispose que : l’obligation de mention incombe au titulaire du droit cédé, à son mandataire ou à l’officier instrumentant. Si les informations à mentionner ne peuvent être fournies par ceux-ci, elles sont demandées aux administrations intéressées conformément aux règles établies en exécution de l’article D.IV.105. (...).

    Pour les mentions prescrites, l’apport de l’information incombe donc d’abord au titulaire du droit cédé (le cédant), à son mandataire ou le cas échéant à l’officier instrumentant (le notaire dans la majorité des cas). Le cédant sait quels travaux il a effectués sans permis et l’officier instrumentant peut le renseigner, éventuellement avec l’aide de l’administration, quant à la nécessité d’un permis pour ces travaux.

    Toutefois, les déclarations du cédant reprises dans l’acte ne doivent pas être contrôlées par l’administration, pas plus qu’elle ne doit fournir une appréciation écrite sur le caractère « amnistié » d’une infraction. Des affirmations erronées ou mensongères ne pourront pas empêcher qu’il soit dressé un procès-verbal.

    Ceci étant, je me charge de relayer les inquiétudes soulevées par l'honorable membre à la task-force en charge du monitoring de la réforme du CoDT. Je souhaite en effet pouvoir objectiver les problèmes du terrain en vue d’apporter une réponse circonstanciée.