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La centrale de biométhanisation de la Commune d'Aiseau-Presles

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 172 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 06/03/2019
    • de KNAEPEN Philippe
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    Comme le souligne un article sur le site de la RTBF en date du 4 février, en 2015, Aiseau-Presles est devenue la première (et aujourd’hui encore la seule) commune wallonne à posséder sa propre centrale de biométhanisation. Cette centrale, s’inscrivant dans une dynamique de développement durable, reçoit les effluents d'élevage de 11 agriculteurs locaux qui sont ensuite transformés en terreau liquide. Le biogaz ainsi produit subvient aux besoins en énergies électrique et thermique des bâtiments communaux alors que le surplus est réinjecté dans le réseau.

    Cette installation a demandé un investissement de 3,5 millions d’euros (subsidié à 50 % par la Région et à 40 % par l’Europe). Un peu plus de trois ans après son inauguration, Monsieur le Ministre a-t-il eu un retour de ce modèle énergétique communal ?

    Quels sont les avantages et les inconvénients d’un tel modèle ?

    Des initiatives similaires ont-elles été prises par d’autres communes et/ou autres structures publiques ?

    Le rapport coût/mobilisation/rentabilité est-il intéressant pour tous les acteurs du processus ?
  • Réponse du 01/04/2019
    • de CRUCKE Jean-Luc
    L’unité de biométhanisation d’Aiseau-Presles (190 kWél) est entièrement portée et gérée par la commune. Les agriculteurs (14, tous à moins de 10 km) apportent leurs effluents d’élevage, et récupèrent le digestat (la commune prend en charge les frais de déplacement). Au niveau des intrants, outre les effluents d’élevage majoritaires, l’unité fonctionne avec un peu d’issues de céréales et un peu de maïs.

    De nombreuses externalités positives sont présentes. D’une part, l’objectif consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre de la commune, ainsi que de maîtriser les coûts de l’énergie et de viser l’autonomie énergétique. Le modèle de la cogénération prend son sens : la commune utilise l’énergie qu’elle produit, tant la chaleur (ex. : chauffage de bâtiments communaux) que l’électricité (bâtiments et véhicules électriques communaux). L’unité jouxte les bâtiments communaux alimentés, permettant de valoriser la chaleur en limitant les pertes. La commune vend également le surplus d’électricité de la biométhanisation sur le réseau de distribution.

    D’autre part, les effluents d’élevage sont valorisés, captant les émissions de gaz à effet de serre s’échappant sinon lors du stockage de ceux-ci. Il y a donc un échange local : les agriculteurs bénéficient en retour d’un digestat comme amendement agricole et d’un défraiement pour le transport de la matière et ne doivent pas s’investir dans le développement de biométhanisations individuelles, alors que la commune fait les investissements sur ses terrains, s’occupe de la gestion du site avec du personnel communal et en tire l’énergie. De plus la commune, participant à la convention des maires et POLLEC, réalise 70 % de ses objectifs (d’engagement volontaire pour l'amélioration de l'efficacité énergétique et l'augmentation de l'usage des sources d'énergie renouvelable au sein de ses territoires) grâce à cette biométhanisation communale.

    La commune a en effet bénéficié de soutiens publics importants. Nonante pour cent de l’investissement a été fourni via un fond FEDER exceptionnel, mais ce n’est à l’heure actuelle plus reproductible. Il s’agissait d’une précédente programmation, visant à soutenir un projet pilote. Aujourd’hui, il est essentiel que de tels projets puissent voir le jour avec des niveaux d’intervention réduits afin de démontrer leur intérêt socio-économique. Depuis le démarrage de l’installation, d’autres agriculteurs se sont joints à la dynamique ce qui semble témoigner d’un intérêt. Le nombre d’heures de fonctionnement et l’utilisation de la chaleur pourraient possiblement être optimisés.

    Pour l’instant, il n’y a pas encore assez de recul pour estimer la rentabilité de ce modèle communal.

    Remarquons qu’une unité utilisant majoritairement des effluents demande un investissement plus important qu’avec d’autres matières (de type coproduits de cultures, déchets agro-alimentaires, cultures dédiées, et cetera). En effet, les effluents ont un contenu énergétique faible nécessitant par exemple d’investir dans des cuves de grand volume (et donc plus coûteuses) pour une même énergie fournie (CAPEX élevés). Par contre, au niveau du fonctionnement, les coûts pour ces matières sont actuellement faibles et stables (OPEX plus faibles).

    Aiseau-Presles est le seul exemple wallon communal qui fonctionne de cette manière.

    Par ailleurs, les intercommunales sont également actives. IDELUX-AIVE, en collaboration avec le BEP et INTRADEL, valorisent des déchets organiques ménagers via l’unité de biométhanisation de Tenneville. De même, INTRADEL est en train de mettre en route une unité à Herstal. Concernant les stations d’épuration, plusieurs sont équipées de digesteurs, afin de valoriser les boues, permettant ainsi de produire de l’énergie nécessaire au fonctionnement de ces STEP.

    À côté de cela, plusieurs autres unités collaborent avec les communes. Par exemple, plusieurs unités acceptent de reprendre les tontes de pelouses des riverains. Ou encore, l’unité de Cinergie possède un réseau chaleur à destination d’une école.

    Plusieurs communes s’intéressent au développement de la biométhanisation sur leur territoire (contacts avec environ 10 communes en 2018 et début 2019 via le Facilitateur Bioénergies). Pour cela, différents moyens sont mis en œuvre. Certaines font réaliser des études de gisement de biomasse sur leur territoire, ainsi que des séances d’information, permettant de stimuler les vocations chez les agriculteurs. D’autres collaborent avec des entreprises, qui viennent installer une unité sur leur territoire, comme l’a fait récemment la Commune de Thuin.

    Cependant, il est difficile pour une commune de porter ce type de projet, en raison des montants engagés (plusieurs millions d’euros) et des nombreuses étapes du montage et de gestion du projet. Contrairement aux entreprises, il n’existe pas d’aides à l’investissement en Wallonie à destination des communes, permettant de soutenir le développement de telles unités. C’est pourquoi les communes préfèrent accompagner les projets, sans nécessairement y prendre part.

    Un projet de biométhanisation ne fait pas que produire de l’énergie : il offre un ensemble de services (énergie, agriculture, environnement, emploi…). Afin qu’un projet de biométhanisation voie le jour, il est nécessaire que l’ensemble des parties prenantes y trouvent un intérêt. Pour les agriculteurs participant à un projet, ce sera la possibilité de vendre certaines matières à un prix défini et de pouvoir utiliser le digestat, un amendement agricole intéressant. Pour les communes, c’est permettre de produire de l’énergie sur son territoire (et pouvoir, le cas échéant, avancer dans les réalisations pour POLLEC et/ou la Convention des Maires). Cela peut également être l’intérêt de récupérer de l’énergie à prix fixé.

    Un projet de biométhanisation est un projet d’économie circulaire, intégré au tissu rural, permettant la création d’emplois et la valorisation de déchets/matières locaux, afin de produire à la fois de l’énergie et un fertilisant de qualité. Les communes ont donc de l’intérêt à promouvoir la biométhanisation sur leur territoire.