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L'autoconsommation d'électricité

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 193 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 27/03/2019
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    Tout le monde est d’accord pour dire que la pratique de l'autoconsommation est à encourager, car elle permet de réduire les échanges avec le réseau.

    Cela permet de réduire les investissements à consentir pour intégrer le renouvelable et donc réduire le coût à charge de la collectivité. Mais il n’y a pas d’incitant à autoconsommer.

    Si la production a lieu en journée et la consommation le soir, le compteur tourne à l’envers la journée et enregistre un solde négatif de 20 kWh. Et le soir la consommation des 20 kWh va remettre le compteur à son index initial.

    Résultat, le stockage domestique perd tout intérêt.

    Le réseau joue ce rôle de batterie et permet aux "prosumers" de stocker leur électricité gratuitement.
    Si l’on veut pousser à l’autoconsommation, il faudra pousser à la consommation et au stockage quand l’énergie est abondante.

    Est-ce qu’un tarif multihoraire créant des incitants à l’autoconsommation et au stockage n’est pas une solution à retenir en même temps qu’un tarif "prosumer" différencié rendant l’injection plus chère quand le tarif à l’achat est incitatif ?
  • Réponse du 18/04/2019
    • de CRUCKE Jean-Luc
    L’autoconsommation d’électricité est effectivement un comportement à encourager puisqu’une plus grande synchronisation entre la consommation et la production permet de limiter les échanges avec le réseau et, par conséquent, les investissements dans celui-ci. Cette simultanéité facilite également l’intégration des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable. C’est donc un élément important dans le cadre de la transition énergétique. Ce comportement est par ailleurs encouragé par l’Europe dans sa nouvelle directive n° 20108/2001 relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

    En ce qui concerne, tout d’abord, la réflexion quant aux tarifs multihoraires :
    Actuellement en Région wallonne, nous ne connaissons que le tarif simple ou le tarif bihoraire en fonction du compteur installé. Cette différence de tarif constitue un des outils permettant au gestionnaire de réseau de distribution de mieux gérer son réseau. Le tarif plus élevé pendant les heures de pointe incite, en effet, les clients à déplacer leurs consommations pendant les heures de moindre consommation.

    À l’avenir, grâce au déploiement des compteurs intelligents dotés de plusieurs registres horaires et permettant de connaître les consommations et les injections sur le réseau avec une précision quart-horaire, une tarification dynamique sera envisageable. Ces compteurs permettront donc d’inciter au déplacement de charges et à la consommation d’électricité aux moments les plus opportuns pour le réseau et la collectivité.

    Cette question fait ensuite implicitement écho à une récente étude, financée par la Région wallonne (Synthèse publiée dans le numéro 145 de mars 2019 de la revue « Regards économiques », A.Gauthier et J.Jacqmin) , analysant les relations entre la tarification des réseaux et les comportements des consommateurs (plus spécifiquement les prosumers) dans le cadre de la transition énergétique. Les conclusions de cette étude incitent effectivement à revoir la structure tarifaire actuelle qui n’encourage pas les comportements vertueux.

    Dans ce cadre, j'informe que j’ai mis en place un groupe de travail composé des représentants des gestionnaires de réseaux de distribution, de l’Administration, de la CWaPE et de mon Cabinet chargé de réfléchir sur l’avenir des tarifs d’électricité et de gaz en Wallonie. Il s’agit, d’une part, d’entamer une réflexion à brève échéance visant à garantir que les tarifs soient les plus efficients et que les surcharges et taxes restent maîtrisées et, d’autre part, d’entamer une réflexion à long terme visant à réformer le décret tarifaire du 19 janvier 2017 en vue de doter la Wallonie d’une politique tarifaire tenant compte des nouveaux défis en lien avec les objectifs climatiques.

    Je tiens toutefois à préciser que la marge du Gouvernement en la matière est limitée. Il ne peut, en effet, émettre que des lignes directrices de politique générale puisque la CWaPE en tant que régulateur indépendant est exclusivement compétente en matière tarifaire.

    Comme déjà indiqué, j’insiste sur le fait qu’une tarification créant des incitants à l’autoconsommation et au stockage va cependant de pair avec le déploiement des compteurs intelligents.

    En ce qui concerne ensuite le tarif prosumer :
    Sans rentrer dans le détail de la controverse relative à l’application ou non de ce tarif pour les prosumers existants (décret en cours d’adoption), j’attire l'attention sur le fait que le tarif prosumer qu'évoque l'honorable membre est différent de celui élaboré par la CWaPE. En effet, la tarification prosumers déterminée par la CWaPE vise à faire contribuer les prosumers au financement du réseau à hauteur de l’utilisation qu’ils en font. Celui-ci est donc basé uniquement sur l’utilisation du réseau et non sur le moment de cette utilisation. Le prosumer peut toujours injecter de l’électricité gratuitement dans le réseau ; par contre, il participera aux frais du réseau lorsqu’il prélèvera de l’électricité qu’il n’a pas produite au même instant. Cette tarification incitera donc à l’autoconsommation individuelle, car le tarif réseau ne sera pas dû sur l’électricité consommée simultanément à sa production.

    En ce qui concerne, enfin, le mécanisme du compteur qui tourne à l’envers :
    L’étude économique précitée démontre que ce mécanisme ne crée aucun incitant financier à l’autoconsommation d’électricité puisque la compensation se trouve, dans ce cas, globalisée annuellement. La portée de ce mécanisme sera cependant prochainement atténuée :
    - d’une part parce que ce principe est incompatible avec la participation à une communauté d’énergie renouvelable telle que prévue à l’article 22 de la directive 2018/2001 susmentionnée. Cette incompatibilité transparait clairement dans le projet de décret encadrant l’autoconsommation collective d’électricité actuellement en cours d’examen par le Parlement ;
    - d’autre part, l’article 15.4 de la nouvelle directive concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (dont le processus d’adoption en est voie de finalisation) interdit expressément ce mécanisme à partir de 2023, tout en maintenant cette compensation pour les prosumers en disposant avant cette date.

    En guise de conclusion, il est clair que la tarification de l’électricité et du gaz a un rôle à jouer dans le cadre de la transition énergétique. Cette évolution de la tarification ne pourra toutefois s’effectuer que dans le respect du cadre strict du partage des compétences entre le régulateur et le pouvoir politique et devra veiller à garantir le périlleux équilibre entre l’incitation à une société en transition et la mise à disposition d’un bien de première nécessité. Enfin, n’oublions pas que cette importante réforme ne pourra sortir pleinement ses effets que si elle respecte les principes de transparence et d’information du consommateur.