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L'effet pervers des panneaux solaires

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 196 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 27/03/2019
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    Une étude de l'ULG démontre que le comportement de certains "prosumers" est contraire au bon sens. En effet, 20 % des détenteurs de panneaux phtovoltaïques consomment plus d'électricité qu'avant. Se pose la question d'une modification de la tarification.

    Monsieur le Ministre partage-t-il ces constats ?

    Quelle est son analyse ?
  • Réponse du 18/04/2019
    • de CRUCKE Jean-Luc
    J’ai pris acte de cette étude réalisée par l’ULg sous la houlette du Professeur Axel Gautier. Spécifiquement, celle-ci est une recherche appelée « TECR – Transition Energétique, Consommateurs et Réseaux » financée par le SPW Territoire, Logement, Patrimoine, Energie (anciennement nommée DGO4) qui a commencé le premier janvier 2016 et se terminera le 30 juin de cette année-ci. Cette recherche a trois objectifs principaux : comprendre le comportement des consommateurs, analyser et repenser la tarification des réseaux de distribution, et déterminer les interactions possibles entre les consommateurs et les réseaux à destination des autorités publiques et de l’administration.

    Cette recherche traite donc de l’avenir de la tarification de l’électricité en vue de favoriser la transition énergétique et ne traite pas uniquement du phénomène de consommation des prosumers photovoltaïques.

    Les acteurs de la recherche ont fait un sondage en novembre et décembre 2017 auprès d’un échantillon représentatif de 2 500 ménages wallons possédant des panneaux solaires photovoltaïques. Le sondage comptait quarante questions. Il y avait des questions sur le profil socio-économique des répondants, sur les caractéristiques de l’installation photovoltaïque, sur les motivations financières et environnementales dans la décision d’investir dans une installation PV, et enfin sur le comportement après la mise en service de l’installation. Environ 800 personnes ont fourni des réponses exploitables dans le cadre de cette enquête.

    Actuellement, la Wallonie applique le principe de la compensation, appelé « net metering » par les auteurs de la recherche, également « compteur qui tourne à l’envers ». Cette méthode de tarification, basée quasi exclusivement sur l’électricité consommée, considère que l’électricité a la même valeur à tout moment. L’électricité importée par le consommateur un soir de novembre froid et pluvieux lors du pic de consommation a la même valeur que celle qu’il exporte un dimanche d’été ensoleillé, quand il n’y a presque pas de consommation, couplée à un surplus d’électricité produite sur la ligne locale. Pour le prosumer, le réseau agit comment élément de stockage, stockage parfois inter-saisonnier.

    18 % des ménages sondés déclarent avoir une consommation électrique plus importante après avoir installé les panneaux photovoltaïques. Cette proportion monte à 26 % pour ceux qui déclarent avoir une installation dont la production est supérieure à leur consommation historique. Le vecteur privilégié pour augmenter sa consommation est l’utilisation d’un chauffage électrique. « En effet, pourquoi payer pour alimenter une chaudière au mazout ou au gaz alors que l’électricité est disponible gratuitement pour alimenter un chauffage électrique d’appoint ? » comme l’écrivent les chercheurs. Le comportement de ces prosumers est donc logique si le consommateur tient uniquement compte que de son portefeuille. De plus, dans le sondage, 28 % des prosumers ont également changé de compteur lors de l’installation de panneaux PV, la plupart ayant changé leur compteur bihoraire pour un compteur monohoraire.

    Il est intéressant de noter qu’il y a une différence de comportement entre ceux qui avaient sous-dimensionné leur installation par rapport à leur consommation historique et ceux qui l’avaient surdimensionnée. En moyenne, ceux qui l’ont sous-dimensionnée ont réduit leur consommation de 4 %, et ceux qui l’ont surdimensionnée ont augmenté leur consommation d’en moyenne 38 %.

    Le sondage a montré aussi que 40 % des sondés essayent de synchroniser leur consommation avec leur production, principalement en déplaçant la consommation de l’électroménager vers les périodes ensoleillées. Le déplacement de charge se fait manuellement ou à l’aide de la programmation des appareils.

    La tarification mise en place pour promouvoir l’installation des panneaux photovoltaïques lors des débuts n’est plus adéquate maintenant. Les auteurs de la recherche ont d’ailleurs recensé les différentes tarifications qui existent dans de nombreux pays. Ces tarifications varient considérablement, en passant d’une tarification 100 % capacitaire (coût de la connexion au réseau qui peut être un forfait ou varier en fonction de la puissance) à uniquement volumétrique (coût de l’électricité consommée). Je félicite les équipes académiques pour ce travail de qualité qui esquisse l’avenir de la tarification et sans doute une prochaine réforme du décret « tarifaire » de janvier 2017 en vue de nous préparer au mieux à la période tarifaire de 2024 à 2028.

    Concernant mon analyse, je me dois également de prendre en compte que la fin de la compensation en 2023 est aujourd’hui proposée par l’Europe. D’autre part, concernant les installations actuelles, je reste un fervent partisan de la théorie des droits acquis et qu’il convient d’éviter de « revenir sur la parole donnée ». Je suis d’ailleurs d’avis que le tarif prosumer va exacerber encore plus le risque d’« effet pervers » tel que décrit dans l’étude de l’ULg. En effet, ce n’est pas ce nouveau tarif à charge des prosumers qui dissuaderont ceux-ci d’utiliser le principe de compensation et de récupérer leur énergie injectée sur le réseau.