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La position de la Commission européenne sur les biocarburants

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 198 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 27/03/2019
    • de VRANCKEN André
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    La Commission européenne a statué récemment sur l’avenir des biocarburants les plus polluants. Selon Oxfam, Inter-Environnement Wallonie, FIAN, le CETRI et le CNCD-11.11.11, la proposition présentée par la Commission est pourtant loin d’apporter une réponse satisfaisante face aux enjeux climatiques, même si elle permet aux États membres d’être plus ambitieux.

    Selon ces associations, la Belgique doit prendre ses responsabilités et exclure les biocarburants produits à partir de nourriture comme le préconisent les rapports internationaux, car si la Commission confirme que certaines cultures, comme l’huile de palme, sont problématiques en raison de la déforestation à grande échelle qu’elles impliquent, cette proposition autorise une série d’échappatoires qui permettront, dans les faits, aux huiles de palme et de soja de continuer à être utilisées comme biocarburants en Europe.

    Par ailleurs, le Plan national Energie-Climat de la Belgique prévoit lui une augmentation du volume des biocarburants à 14 % d’ici 2030, et ce sans références à la protection de droits humains pour éviter l’accaparement des terres et préserver, entre autres, le droit à l’habitat et à l’alimentation.

    Que répond Monsieur le Ministre aux craintes des associations quant aux problèmes liés aux biocarburants ? Quelle est la position de la Wallonie à cet égard ? Comment la Wallonie s’inscrit-elle dans le Plan national Energie-Climat de la Belgique en matière d’utilisation des biocarburants ?
  • Réponse du 19/04/2019
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Concernant le cadre européen, la Commission européenne a décidé le 13 mars dernier que l'huile de palme ne pouvait être considérée comme un carburant vert et, à ce titre, ne devrait plus être promue, en raison notamment de la déforestation qu’elle entraîne. L’utilisation de l’huile de palme dans le diesel, qui repose sur les objectifs de l’Union européenne en matière d’énergies renouvelables, sera progressivement réduite à partir de 2023 et devrait atteindre le niveau zéro en 2030, bien que des exemptions demeurent. L’étiquetage non durable de l’huile de palme est une étape importante dans la lutte pour la reconnaissance de l’impact sur le climat de la transformation des aliments en énergie.

    Cependant, dans le but d’apaiser des pays producteurs d'huile de palme tels que la Malaisie, l'Indonésie et la Colombie, la Commission a introduit un certain nombre de dérogations (Les dérogations introduites par la Commission permettraient d'encore qualifier de verte une production supplémentaire d'huile de palme résultant d'une augmentation des rendements ou produite sur des terres dites non utilisées. Souvent, de telles terres « non utilisées » sont effectivement utilisées par les communautés locales pour subvenir à leurs besoins, notamment à des fins alimentaires. Le texte prévoit également une dérogation pour l'huile de palme produite par les petits agriculteurs, alors que la taille d'une plantation n’a pas de rapport avec le risque de déforestation ou les modifications de l'utilisation des terres. Une analyse indépendante a montré que de telles dérogations ne sont pas justifiables sur le plan environnemental. Le volume de ces dérogations ne peut pas être quantifié à ce stade, mais dépendra de la manière dont le suivi et la mise en œuvre de ces dispositions seront assurés.). Ces échappatoires signifient que l’huile de palme pourrait encore être promue comme carburant « vert ». Par ailleurs, la Commission a également omis de classer le soja, qui contribue largement à la déforestation dans le monde, comme non durable.

    Il reste par conséquent des étapes importantes avant de pouvoir garantir la durabilité effective des biocarburants. Rappelons que la principale industrie wallonne active dans les biocarburants, à savoir Biowanze, si elle est critiquée par certains, n’en reste pas moins un bel exemple en matière de durabilité avec son autosuffisance énergétique. L’unité de Biowanze produit du bioéthanol et d’autres coproduits à haute valeur ajoutée. Son process innovant permet également l’extraction de protéines animales et de gluten pour le secteur agro-alimentaire ainsi que des fertilisants utilisés en Wallonie. Cette approche intégrée permet de maximiser la valorisation des produits tels que le blé (origine exclusivement européenne) ainsi que les coproduits de la betterave ou de la chicorée (origine belge ou allemande). La compétition avec une utilisation alimentaire n’est donc pas un élément critique comme dans le cas de l’huile de palme. Ensuite, il s’agit d’exploiter des ressources locales (issues en partie d’une reconversion de l’activité agricole) ce qui n’entraîne pas de déforestation comme dans le cas de l’huile de palme. En 2017, seulement 4 % des récoltes de blé européennes ont été converties en éthanol et en aliments Food & Feed. Par ailleurs, l’Europe reste exportatrice de blé sur le marché mondial avec des prix n’assurant pas une viabilité pour l’agriculteur wallon.

    Si je ne peux que déplorer le développement des biocarburants lorsqu’ils entraînent des conséquences environnementales et sociales dénoncées par de nombreuses associations, je suis également attentif à ce que les politiques wallonne, belge et européenne ne mettent pas en péril les outils industriels intégrés dont nous disposons lorsqu’ils répondent aux enjeux de durabilité. À cet effet, je plaide pour un cadre plus restrictif quant à « l’éligibilité » des biocarburants qualifiés de « durables ». Je souscris par conséquent aux préoccupations de l’honorable membre et souhaite que l’Europe veille à octroyer le moins de dérogations possible à l’huile de palme afin que celle-ci ne soit plus reconnue comme étant verte le plus rapidement possible.

    Concernant le PNEC, je rappelle que le taux d’incorporation effectif des biocarburants dans les produits pétroliers et la qualité de ceux-ci est une compétence exclusivement fédérale et que la demande spécifique d’un taux de 14 % repris dans le Plan national Energie-Climat (PNEC) émane au départ de la Région flamande où les intérêts en la matière sont plus importants.

    Le PNEC précise que :

    « Les fournisseurs de diesel et/ou d’essence sont tenus de démontrer que, sur une base annuelle, les volumes proposés à la consommation contiennent un volume nominal de biocarburants durables. Depuis le 1er janvier 2017, la proportion obligatoire de biocarburants durables pour l’essence est de 8,5 % vol. et pour le diesel de 6 % vol. (5,5-5,6 % si exprimée en valeur énergétique sur l’ensemble de l’essence et du diesel). Cette proportion obligatoire sera portée à 8,5 % (énergie) en 2020 pour l’ensemble du diesel et de l’essence, exprimée en valeur énergétique, conformément à la loi du 13 juillet 2013. L’arrêté royal portant à 8,5 % la proportion obligatoire de biocarburants durables, exprimée en valeur énergétique, entrera en vigueur le 1er janvier 2020. »

    « Durant la période 2021 à 2030, le taux d’incorporation des biocarburants de 1re génération est maintenu à 7 %. Le développement de la part des biocarburants avancés sera conforme avec la RED II et suivra le scénario suivant (en réel) en termes de taux d’incorporation : de 2021 à 2024 : 2 % ; de 2025 à 2029 : 5 % ; 2030 : 7 % ».

    Dans sa partie régionale du PNEC approuvée en juillet 2018, la Wallonie avait inscrit 10 % de biocarburant à l’horizon 2030 (taux d’incorporation officieusement convenu avec le fédéral), alors que la Flandre en demandait 14 % (nécessaire pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES). Or s’agissant d’une compétence fédérale, le taux doit être identique sur le territoire belge. La Wallonie a accepté de l’augmenter en obtenant que

    « Tous les deux ans, une étude sera réalisée afin d’évaluer : la faisabilité technique du taux d’incorporation ; la disponibilité de la ressource, l’intégrité environnementale et les potentiels conflits d’usage ; la disponibilité des carburants avancés sur le marché européen ; le coût généré pour le consommateur. 
    Cette étude interfédérale sera réalisée la première fois au premier semestre 2020. Si cela est nécessaire, le taux d’incorporation sera revu sur base des résultats de l’étude. Dans ce cas des politiques et mesures internes alternatives fédérales qui garantissent un même niveau de réduction des émissions de GES seront prises.
    À cet effet, un Plan d’action interfédéral pourrait être envisagé afin, par exemple entre autres alternatives, d’engager les flottes publiques et privées à contribuer à la réalisation de ces objectifs. La faisabilité technique et la disponibilité de la ressource relativement à cet objectif de l'Union européenne seront des points d'attention lors des discussions avec la Commission européenne. »

    La probabilité que le taux soit revu à la baisse est élevée, ce qui conviendrait à la Wallonie.

    Par rapport au taux d’incorporation des biocarburants de 1re génération, nous avons jusqu’ici laissé le Fédéral gérer la problématique considérant qu’il s’agissait de leur compétence. Je pense personnellement que nous devrions plaider pour que l’Europe garantisse un suivi scrupuleux de la mise en œuvre de ce nouveau cadre traitant de l’huile de palme afin que les dérogations restent marginales.