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La préparation de la Wallonie aux conséquences du Brexit

  • Session : 2018-2019
  • Année : 2019
  • N° : 43 (2018-2019) 1

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  • Question écrite du 03/04/2019
    • de PREVOT Patrick
    • à BORSUS Willy, Ministre-Président du Gouvernement wallon
    Suite au refus du Parlement britannique d’adopter l’accord négocié par la Première Ministre Theresa May, les dirigeants européens ont accordé un report de la date du Brexit au Royaume-Uni, conditionné à un vote par le Parlement britannique. Le Brexit pourrait donc se produire le 12 avril, le 22 mai, voire ultérieurement, dans le cas d’une demande de report à long terme.

    Tous les cas de figure sont encore envisageables, et une sortie brutale du Royaume-Uni sans accord aurait des conséquences désastreuses sur les emplois et la croissance économique européenne, belge et wallonne.

    La Région wallonne est-elle préparée à toutes les éventualités ?

    Quels mécanismes la Wallonie a-t-elle déjà mis en place pour contrer les effets néfastes du Brexit ?

    Monsieur le Ministre-Président dispose-t-il déjà d’une estimation des conséquences économiques et sociales d’un Brexit sans accord ?
    Le cas échéant, peut-il nous la communiquer ?
  • Réponse du 23/04/2019
    • de BORSUS Willy
    Comme l’honorable membre l’a déjà lu et entendu dans la presse, les Chefs d’État et de Gouvernement, après de longues heures de discussion, ont convenu le 10 avril dernier d’une prolongation du délai prévu à l’article 50 jusqu’au 31 octobre 2019. Le caractère flexible de la prolongation, tel que proposé par le Président du Conseil, Donald Tusk, prévoit que si l’accord est ratifié avant cette date, le retrait interviendra le premier jour du mois suivant.

    Le Royaume-Uni reste tenu d’organiser les élections européennes s’il est encore membre de l’Union européenne entre le 23 et le 26 mai (période d’élection) et s’il n’a pas ratifié l’accord de retrait à la date du 22 mai ; s’il ne le fait pas, le retrait sera effectif au 1er juin 2019. À noter que sur ce point, la Première Ministre, Theresa May, a rappelé sa volonté d’aboutir avant le 22 mai pour éviter la tenue d’élections européennes sur son territoire.

    Le Conseil européen a prévu de faire le point de la situation lors de sa session de juin.

    Entre les tenants d’une prolongation longue, avec en tête l’Allemagne qui plaidait en faveur du 31 décembre 2019 et ceux d’une prolongation courte, avec en tête la France, les Chefs de Gouvernement ont opté pour le moyen terme ; ces 6 mois de « rallonge » devraient permettre au Royaume-Uni d’une part de sortir de l’impasse politique interne si le dialogue entre les formations politiques réussit et, d’autre part, de formuler des propositions relatives à la future relation (union douanière, ce que soutient le parti Labour).

    A. En chiffres, les relations entre le Royaume-Uni et la Wallonie

    Il me semble opportun de rappeler certains chiffres liant la Wallonie au Royaume-Uni :
    - concernant les citoyens britanniques vivant en Belgique, le Service public fédéral intérieur nous a transmis un rapport indiquant qu’au 1er janvier 2018, le nombre de personnes de nationalité britannique disposant d'une carte ou d'un document de séjour valide en Belgique était de 19 456 unités, dont 3 295 personnes en Région wallonne ;
    - concernant les échanges commerciaux, le Royaume-Uni constitue le cinquième pays d’exportation pour la Wallonie avec une valeur d’exportation s’élevant à 2,6 milliards d’euros en 2017. Cela représente ainsi 6,35 % du total des exportations wallonnes.

    À ce stade, établir une estimation fiable compte tenu des évènements en cours est un exercice très hasardeux. Lors des négociations de l’accord, il y a quelques mois maintenant, nos services s’étaient penchés sur cette question sans toutefois définir avec précision les contours de ces impacts. En effet, les conditions de la séparation sont déterminantes dans cet exercice. Voici quelques-unes de ces estimations, à prendre avec beaucoup de précautions toutefois :
    - l’IWEPS avait estimé que, globalement, 1,6 % de la valeur ajoutée wallonne dépendrait des exportations à destination du marché britannique. Pour information, la dépendance de la valeur ajoutée de la Flandre aux exportations vers le Royaume-Uni s’élève à 2,5 % ;
    - en termes d’emploi, les exportations de la Wallonie vers le Royaume-Uni génèrent un peu moins de 15 000 emplois dans notre région environ, tandis que 5 000 postes de travail supplémentaires en Wallonie dépendent des exportations de Bruxelles et de la Flandre vers le Royaume-Uni ;

    En tenant compte au mieux des relations interrégionales, il avait été estimé qu’environ 20 000 emplois (pour 72 000 pour la Flandre) dépendent de la demande commerciale britannique. Comme dit plus haut, il est cependant très compliqué d’évaluer précisément les impacts qu’aura le Brexit sur ces chiffres.

    B. La préparation de l’Union européenne, du Gouvernement fédéral et de la Wallonie au non-accord

    Le travail de préparation au « no-deal » est le fruit d’une concertation à plusieurs niveaux :
    - au niveau européen, le Conseil a adopté le 19 mars dernier une série de mesures d'urgence en vue d'un scénario de sortie sans accord. Ces actes visent à limiter les dommages les plus graves qu'une sortie désordonnée du Royaume-Uni causerait dans des secteurs spécifiques, où elle entraînerait des perturbations majeures pour les citoyens et les entreprises. Ils viennent s'ajouter à d'autres mesures, telles que celles sur les droits des citoyens, adoptées par les États membres dans le cadre de leurs préparatifs en vue d'un scénario de sortie sans accord. Ces règlements européens incluent notamment :
    - programmes Erasmus+ : l'UE souhaite également faire en sorte que les jeunes qui participent au programme Erasmus+ puissent achever leurs études et continuer à recevoir les financements ou subventions concernés en cas d'absence d'accord ;
    - transports : l'UE a pris des mesures temporaires pour garantir une connectivité de base du transport aérien, ainsi que du transport routier de marchandises et de passagers, dans le cas d'un Brexit sans accord ;
    - biens à double usage : le texte prévoit une modification du règlement pour l'exportation de certains biens à double usage afin d'inclure le Royaume-Uni dans la liste des pays tiers à faible risque visés par les autorisations générales d'exportation de l'UE ;
    - pêche : le nouveau règlement permettra aux pêcheurs de recevoir une compensation au titre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche pour l'arrêt temporaire de leurs activités en cas de fermeture soudaine des eaux britanniques aux navires de pêche de l'UE.

    Au niveau fédéral, le Parlement fédéral a adopté le 28 mars dernier une loi « Brexit » qui ne concerne que les domaines couverts par les compétences fédérales (modification des lois sur l’accès au territoire, le droit de séjour, la sécurité sociale, sur la fiscalité…). Par ailleurs, le Gouvernement fédéral a indiqué son intention de recruter du personnel au sein des services douaniers, la police fédérale, l’agence des médicaments, l’AFSCA. Le Brexit va également entraîner une augmentation de la surveillance et du contrôle de la migration de transit.

    Au niveau wallon, le groupe de travail Brexit du 21 novembre 2018 a permis de procéder à un premier examen de la situation en cas de Brexit « dur ». Par l’intermédiaire du Secrétariat général, le Gouvernement wallon a ensuite sollicité les services du Service public de Wallonie et certaines UAP tels que l’AWEx pour qu’ils formulent des recommandations (de nature administrative, législative, organisationnelle, budgétaire…). Les contributions ont été actées au Gouvernement wallon du 6 février dernier. À titre d’exemple :
    - concernant les fonds structurels, l’administration recommande une attention particulière à l’éventuelle nécessité de se ménager des marges pour compenser d’éventuels défauts de payement de la part du Royaume-Uni ;
    - pour le secteur aérien, la SOWAER recommande de suivre les recommandations de la Commission européenne et d’éviter toute approche sectorielle ;
    - pour le secteur agricole, la DGO3 recommande une information des enjeux et conséquences d’un Brexit sans deal auprès des différents acteurs et opérateurs agricoles concernés et des gestionnaires de projets cofinancés par l’UE.

    Le Gouvernement wallon a chargé les Ministres fonctionnels en charge de leurs matières respectives d’effectuer le suivi de ces recommandations.

    C. Démarches de la Région wallonne concernant l’extension des droits des citoyens

    Face à l’incertitude créée par ce vote et l’instabilité politique à Londres, le Parlement de Wallonie a adopté le 3 avril dernier deux décrets étendant les droits des citoyens britanniques en Région wallonne jusqu’au 31 décembre 2020 sous réserve de réciprocité, en cas de Brexit sans accord. Cela concerne les matières suivantes : droit social incluant les allocations familiales, la fiscalité, le permis de travail et cartes professionnelles et le parcours d’intégration. L’objectif est donc de considérer les Britanniques comme faisant partie de l’UE pour une durée limitée en cas de « Brexit dur ».

    Ces projets sont le fruit d’une concertation avec le Fédéral et les autres entités fédérées afin de s’assurer d’une harmonisation parfaite de l’extension des droits des Britanniques dans le Royaume de Belgique. L’honorable membre peut d’ailleurs constater que nos deux textes sont une copie miroir du décret mis en place par la Région flamande.

    Les décrets prévoient une délégation au Gouvernement. En effet, il est nécessaire de prévoir que le Gouvernement wallon puisse mettre fin à l'application du décret à une date autre que le 31 décembre 2020. Cette délégation permettra au Gouvernement wallon de limiter ou éventuellement de prolonger la durée de validité de chaque disposition individuelle si le Royaume-Uni ne prévoit pas de mesures transitoires équivalentes pour la Belgique.

    Ces informations ont été communiquées à l’Ambassade du Royaume-Uni en Belgique.

    Au niveau de la communication auprès des entreprises et des citoyens :
    - le Fédéral a prévu un site Internet qui reprend les liens des différentes entités de Belgique : https://www.belgium.be/fr/brexit ;
    - de la même manière, à la demande du Gouvernement wallon, le Secrétariat général du SPW a préparé un site internet sur le Brexit à destination des entreprises et citoyens sur le lien suivant : https://www.wallonie.be/fr/brexit. Selon les services du Secrétariat juridique, le site wallon Brexit a été consulté près de 600 fois au 10 avril dernier. Je rappelle également que le numéro 1718 reste à disposition pour un contact téléphonique (1719 pour les Germanophones) ;
    - concernant nos entreprises, l’AWEx a publié en novembre 2018 un guide « Brexit » qui présente les risques potentiels qui pourraient être rencontrés en cas d’accord et de non-accord (fluctuation des devises, chaîne logistique, financement, nécessité de disposer un numéro EORI pour exporter / importer au Royaume-Uni, et cetera). Le Guide a fait l’objet d’un mailing auprès des 6 880 sociétés de la base de données de l’AWEx. Par ailleurs, l’AWEx a organisé plusieurs séminaires (Tournai, Louvain-La-Neuve, Namur, Libramont, Liège, Eupen et Charleroi) destinés à nos entreprises entre novembre 2018 et mars 2019, en collaboration avec le SPF Économie, l’Administration générale des Douanes et Accises, et les Chambres de Commerce et d’Industrie.

    Que l’honorable membre soit assuré que le Gouvernement wallon suit et continuera à suivre ce dossier de manière minutieuse afin limiter les effets néfastes pour les citoyens et l’économie de notre Région.