/

L'incertitude sur le Brexit et son impact sur l'économie et l'emploi en Wallonie

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 3 (2019-2020) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 18/09/2019
    • de DESQUESNES François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le 24 juillet dernier, Boris Johnson a succédé à Theresa May à la fonction de Premier ministre du Royaume-Uni. Dès sa prise de fonction, il promettait de négocier un nouvel accord de sortie ou, à défaut, de quitter l'Union européenne sans accord, le 31 octobre 2019. L’hypothèse funeste d’une sortie sans accord (« no deal ») est donc de plus en plus envisageable… Mais à deux mois de la date théorique du Brexit, les Européens ne savent toujours pas quelle forme il prendra, ni même s’il sera à nouveau reporté. Or, on le sait, l’économie n’aime pas l’incertitude politique qui n’aide pas nos entreprises à se préparer au futur.

    L’économie wallonne est-elle fin prête pour le Brexit, y compris « dur », c’est-à-dire sans accord de sortie ?

    Combien d’entreprises se disent prêtes, et inversement ? Combien d’emplois sont menacés ? Quels sont les secteurs qui demeureraient les plus affectés ?

    Comment Monsieur le Ministre évalue-t-il l’impact possible des droits d’importation sur nos entreprises wallonnes ?

    Combien d’entreprises wallonnes ont-elles entamé les démarches pour un numéro EORI britannique ?

    Lors du référendum britannique sur le Brexit en juin 2016, l’administratrice générale de l’AWEx estimait que le Brexit pouvait être l’opportunité d’attirer des investisseurs du Royaume-Uni qui chercheraient à poser un pied à terre sur le continent européen après le divorce. « Nous avons une carte à jouer, il faudra saisir rapidement les opportunités qui pourraient se présenter », avait-elle déclaré.

    Plus de trois ans plus tard, Monsieur le Ministre pourrait-il dresser le bilan des conséquences de l’annonce d’un Brexit sur l’économie et l’emploi en Wallonie ?

    Qu’en est-il des investissements britanniques en Wallonie ? Des établissements ont-ils déplacé leur siège européen vers la Wallonie ?
    Combien d’entités économiques britanniques sont venues s’installer en Wallonie ? Pour combien d’emplois créés ?

    De son côté, le Gouvernement britannique aurait établi une liste des principales entreprises qui pourraient nécessiter une aide financière si Londres met à exécution sa menace de quitter l’Union européenne sans accord. Michael Gove, Ministre en charge des préparatifs pour un Brexit sans accord, a confirmé qu’un package de sauvetage était élaboré pour les entreprises qui pourraient manquer de cash. Surnommé « Operation Kingfisher », ce plan est prévu pour aider les entreprises qui seraient « temporairement affectées » par une sortie sans accord à survivre à la transition.

    Monsieur le Ministre a-t-il préparé une liste similaire pour la Wallonie ?

    Le Gouvernement wallon, la Belgique et/ou l’Union européenne prévoient-ils une aide financière pour nos entreprises en vue du Brexit, en particulier sans accord ?

    On parlait il y a quelques mois d’un fonds d’urgence de l’Union européenne pour le Brexit : qu’en est-il aujourd’hui ?

    Et si ce fonds est constitué, le sera-t-il aux dépens d’autres programmes européens ? Lesquels ? Quelle est sa position à cet égard ?
  • Réponse du 08/10/2019
    • de BORSUS Willy
    L’économie wallonne est-elle fin prête pour le Brexit, y compris « dur », c’est-à-dire sans accord de sortie ? Combien d’entreprises se disent prêtes et inversement ? Combien d’emplois sont menacés ? Quels sont les secteurs qui demeureraient les plus affectés ? Comment Monsieur le Ministre évalue-t-il l’impact possible des droits d’importation sur nos entreprises wallonnes ? Combien d’entreprises wallonnes ont entamé les démarches pour un numéro EORI britannique ?

    L’IWEPS a réalisé en septembre 2018 une étude sur les répercussions économiques potentielles d’un « Brexit dur » à moyen terme sur l’économie wallonne. Cette étude est toujours d’actualité.
    C’est le scénario du « no deal » selon lequel le Royaume-Uni n’aurait plus automatiquement accès au marché intérieur européen et où les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union européenne s’effectueraient sur base des règles de l’Organisation mondiale du commerce. Dans ce scénario, les marchandises importées dans l’Union européenne depuis le Royaume-Uni seraient soumises à des droits d’importation. En retour, le Royaume-Uni introduirait des droits d’importation d’un niveau équivalent sur les marchandises en provenance de l’Union européenne.

    L’IWEPS a pris comme base de travail le niveau des droits d’importation actuellement en vigueur dans l’Union européenne vis-à-vis des pays tiers par grands groupes de produits. Il s’agit des tarifs moyens à l’importation pour les produits en provenance de pays tiers avec lesquels il n’existe pas d’accord de libre-échange (soit les tarifs dits « Most Favoured Nations »).

    Les estimations de l’IWEPS révèlent que, dans le cas d’un éventuel « Brexit dur », la Wallonie serait moins affectée que la Flandre. Au total, la Flandre perdrait 0,7 % de sa valeur ajoutée et accuserait un recul de 0,8 % de l’emploi, soit un peu plus de 20 000 postes de travail perdus. La Wallonie accuserait, en termes relatifs, des pertes à peu près moitié moindres que la Flandre, à hauteur de 0,4 % tant de sa valeur ajoutée que de son niveau d’emploi (soit l’équivalent d’un peu plus de 5 000 postes perdus).

    Ce résultat peut s’expliquer en partie par l’ampleur des flux commerciaux entretenus avec le Royaume-Uni, ceux-ci étant relativement plus élevés dans le cas de la Flandre que pour la Wallonie. Mais il tient aussi en partie à la nature différente de ces flux au niveau régional. En effet, les principaux flux d’exportation de la Wallonie concernent des produits pharmaceutiques et apparentés (matériel médical), ainsi que des produits chimiques, pour lesquels les niveaux moyens de tarif sont relativement faibles à l’échelle mondiale.

    À l’inverse, les exportations de la Flandre concernent davantage de produits tels que les équipements de transport, les produits de la transformation alimentaire ou encore le textile, qui sont des catégories pour lesquelles les tarifs moyens à l’importation sont plus élevés.

    Par contre, cela signifie qu’en cas de « no deal », les ventes wallonnes de certains sous-secteurs de l’industrie alimentaire sur le marché britannique risquent d’être frappées par des niveaux de tarif relativement élevé (produits laitiers, sucres, cacao et confiseries ou encore les boissons), ainsi que l’industrie de l’habillement.

    Notons qu’une estimation de l’impact d’une sortie sans accord a été réalisée par le service Évaluation et Stratégie de l’AWEx, en appliquant les droits d’importation moyens aux exportations et importations wallonnes de marchandises vers et depuis le Royaume-Uni de l’année 2018. Cette méthode fournissait au final deux montants :
    - pour les exportations wallonnes de marchandises vers le Royaume-Uni : le montant total que les importateurs britanniques auraient en théorie dû payer en 2018 si le Royaume-Uni avait appliqué des droits d’importation sur les produits importés depuis la Wallonie est de 83,9 millions d’euros. Cela correspond à 2,8 % du total des exportations wallonnes vers le Royaume-Uni ;
    - pour les importations wallonnes de marchandises depuis le Royaume-Uni : le montant total que les importateurs wallons auraient en théorie dû payer en 2018 si des droits d’importation avaient été prélevés sur les marchandises provenant du Royaume-Uni est de 40,5 millions d’euros. Cela correspond à 3,3 % du total des importations wallonnes en provenance du Royaume-Uni.

    En réalité, les tarifs douaniers qui seront appliqués à l’importation au Royaume-Uni (en cas de sortie sans accord) ne sont pas encore connus avec certitude. En mars dernier, l’ambassade de Belgique à Londres nous informait qu’en cas de « no deal », le Gouvernement britannique introduirait pour un maximum de 12 mois, 469 tarifs (13 % des biens). Les biens qui ne seraient pas repris dans cette liste (87 %) en seraient exemptés. Une majorité de tarifs seraient identiques aux tarifs européens, alors que les autres seraient inférieurs (allant en fonction du produit de 82 % à 13 % du tarif que l’Union européenne impose aux pays tiers). L’objectif du Royaume-Uni étant notamment de protéger certaines industries considérées essentielles (construction automobile, viande de mouton, textiles et vêtements).

    Les relations commerciales entre la Belgique et le Royaume-Uni ne s’arrêteront pas, mais nos entreprises devront s’adapter à la nouvelle situation du marché. Afin de les inciter à anticiper les effets potentiels du Brexit, de nombreuses mesures d’information (séminaires, newsletters, Guide pratique…) sont menées par l’AWEx et ses partenaires tels que l’AGD&A, depuis des mois.
    Une grande campagne a été réalisée par l’AGD&A pour que les 25 000 entreprises belges qui commerçaient avec le Royaume-Uni et qui n’avaient pas encore de numéro EORI en demandent un. Après la sensibilisation et la validation des numéros attribués d’office par l’AGD&A, celle-ci nous a communiqué fin juin 2019 qu’au total 10 000 EORI ont été créés en 18 mois dans le cadre du Brexit. Il reste environ 15 000 numéros de TVA qui avaient réalisé au moins une transaction intracommunautaire avec le Royaume-Uni en 2017 et qui ne l’ont pas demandé ou validé. Tous avaient reçu un courrier et certains ont décidé en connaissance de cause de ne pas le créer. On peut dire que la majorité des entreprises significatives sont désormais en ordre, mais il n’y a pas de chiffre disponible spécifiquement pour la Wallonie.

    Le numéro EORI UK, lui, ne sera nécessaire après le Brexit que pour les sociétés belges qui se chargeraient elles-mêmes du dédouanement (à l’entrée ou la sortie du Royaume-Uni) directement avec les douanes britanniques. En ce qui concerne une éventuelle aide financière aux entreprises touchées par le Brexit, il faut souligner que lorsque le Royaume-Uni aura quitté l’Union européenne par hypothèse, certains incitants financiers de l’AWEx qui ne s’appliquaient pas encore à ce marché seront disponibles, à savoir l’intervention dans les frais de voyage de prospection, d’invitation de prospects et d’ouverture d’un bureau commercial.

    Qu’en est-il des investissements britanniques en Wallonie ? Des établissements ont-ils déplacé leur siège européen vers la Wallonie ? Combien d’entités économiques sont venues s’installer en Wallonie ? Pour combien d’emplois créés ?

    En matière d’attractivité d’investissements étrangers, les campagnes de prospection d’entreprises britanniques et d’entreprises étrangères implantées au Royaume-Uni ont été intensifiées par l’AWEx pour revêtir un caractère encore davantage systématique, régulier et offensif. Depuis l’annonce du Brexit, les actions prises par l’AWEx visant à promouvoir la visibilité et le positionnement de la Wallonie comme terre d’investissements étrangers sont nombreuses :
    - l’organisation de séminaires d’information et de sensibilisation, de VIP Investment Lunchs et de Roadshows au Royaume-Uni ;
    - l’organisation d’une mission au Royaume-Uni avec le Ministre de tutelle au dernier trimestre 2018 ;
    - l’organisation d’actions spécifiques dirigées vers certains secteurs industriels plus touchés par la problématique : entités R&D, HQ de sociétés étrangères, sites de production risquant d’être touchés par les taxes à l’importation sur les matières premières ;
    - l’organisation d’actions et de rencontres de conviction auprès de milieux d’affaires de grandes économies hors UE (Japon, Chine, USA, Inde et Australie) ;
    - une veille économique accrue visant à repérer les messages de délocalisation.

    Plus de 150 contacts qualifiés ont eu lieu au cours de ces diverses manifestations sur les atouts de la Wallonie. Ces actions de conviction ont mené indéniablement à une augmentation de l’activité « invest » spécifique à notre stratégie consacrée au Brexit :
    - depuis juin 2016, plus de 70 nouvelles entités, avec un actionnariat britannique, ont été créées en Wallonie, c’est bien plus du double qu’au cours de la même période préréférendum ;
    - en date de septembre 2019, le nombre de dossiers d’investissements étrangers gérés par l’AWEx qui sont liés au Brexit est de 39.

    En ce qui concerne les établissements officiels qui ont déplacé leur siège de Londres vers un autre pays européen, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a pris la décision de déménager à Amsterdam et l’Autorité bancaire européenne (ABE) trouvera refuge à Paris. L’AWEx a soumis un excellent dossier pour l’EMA, comme bon nombre de régions d’Europe, mais n’a pas été retenue. Une des raisons est peut-être que la Belgique est déjà bien servie avec la Commission européenne et le Parlement européen à Bruxelles.

    Le Gouvernement wallon, la Belgique ou l’Union européenne prévoient-ils une aide financière pour nos entreprises en vue du Brexit, en particulier sans accord ? On parlait il y a quelques mois d’un fonds d’urgence de l’Union européenne pour le Brexit : qu’en est-il aujourd’hui ?

    La mise en place d’un nouveau fonds d’urgence de l’Union européenne en cas de retrait sans accord n’est pas actuellement d’actualité.

    Cependant, en plus des programmes et instruments existants qui pourront, selon les règles régissant leur fonctionnement, être mobilisés. Le 4 septembre dernier, la Commission européenne a déclaré est prête à mobiliser 780 millions d'euros d'assistance financière d'urgence sous certaines conditions pour les États membres les plus touchés par les retombées économiques d'un éventuel Brexit sans accord. L'essentiel - près de 600 millions d'euros - doit provenir du Fonds de solidarité de l'Union européenne, destiné aux pays membres victimes de catastrophes naturelles. Le reste proviendra du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, qui vient en aide aux travailleurs licenciés.

    En ce qui concerne une éventuelle aide financière wallonne aux entreprises touchées par le Brexit, il faut souligner que lorsque le Royaume-Uni aura quitté l’Union européenne, certains incitants financiers de l’AWEx qui ne s’appliquaient pas encore à ce marché seront disponibles, à savoir l’intervention dans les frais de voyage de prospection, d’invitation de prospects et d’ouverture d’un bureau commercial.

    Que l’honorable membre soit assuré que le nouveau Gouvernement de la Région wallonne, dans la foulée du travail mené par son prédécesseur, suit et continuera à suivre ce dossier de manière minutieuse afin d’en limiter les effets pour l’économie de notre Région et de saisir de nouvelles opportunités.