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La réforme relative à l'habitat léger

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 6 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 03/10/2019
    • de BOTIN Frederick
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Le 30 avril 2019, un décret initié par le prédécesseur de Monsieur le Ministre a été voté au Parlement wallon. Il définit et reconnaît juridiquement les habitations légères - yourtes, cabanes, roulottes et autres "tiny houses" - mais cela concerne également les personnes qui habitent dans des zones de loisirs et les gens du voyage.

    Suite à la commande d’une étude juridique sur l’habitat léger, un arrêté devrait voir le jour afin de définir les normes de sécurité, de salubrité et de surpeuplement des habitations légères, une manière d’éviter les dérives en matière de location et l’apparition de marchands de sommeil.

    Où en est cette étude et quand Monsieur le Ministre pense-t-il que cet arrêté verra le jour ?

    L’habitat léger est également possible en ville, en atteste le quartier de la Baraque à Louvain-la-Neuve.
    Ce type de quartier existe-t-il ailleurs en Belgique ?

    Monsieur le Ministre est-il favorable à la multiplication de zones d’habitat léger en ville ?
  • Réponse du 21/10/2019
    • de DERMAGNE Pierre-Yves
    Tel que l’honorable membre l’indique, le décret du 2 mai 2019 a inséré dans le Code désormais appelé « de l’Habitation durable » la notion d’« habitation légère ».

    L’élaboration de la définition de l’« habitation légère » est effectivement le fruit d’une étude juridique commandée par mon prédécesseur. La fixation de critères minimaux de salubrité propres aux habitations légères ne faisait pas partie du champ d’investigation de cette étude — d’ailleurs clôturée depuis plusieurs mois déjà — mais il est vrai qu’un groupe de travail représentant les occupants d’habitations légères s’est penché sur le sujet et apporté sa contribution à la réflexion. Une modification de l’arrêté de 30 août 2007 fixant les critères minimaux de salubrité a été adoptée en première lecture par le Gouvernement, le 16 mai 2019. Le projet d’arrêté fixe des normes de surpeuplement identiques que l’habitation légère soit occupée par son propriétaire ou qu’elle soit donnée en location.

    La note au Gouvernement invitait toutefois à mener une réflexion à ce sujet, dans un paragraphe libellé en ces termes : « en vue du passage du projet d’arrêté en deuxième lecture, il conviendra d’analyser la possibilité de fixer des critères de configuration et de surpeuplement des habitations légères plus sévères en ce qui concerne les habitations mises en location, et ce, afin de prévenir les risques d’abus et de spéculations locatives ».

    En sa séance du 20 août 2019, à la suite de l’examen de ce projet d’arrêté, le pôle Logement du Conseil économique, social et environnemental de Wallonie a rendu l’avis suivant : « il en ressort que le pôle demande que les critères de configuration et de surpeuplement des habitations légères plus sévères en ce qui concerne les habitations mises en location lui soient soumis avant leur adoption définitive par le Gouvernement wallon ».

    Dans sa question, l’honorable membre parle « d’éviter les dérives en matière de location ». Force est hélas de constater qu’il ne s’agit pas d’un « risque » d’abus, mais bien d’une réalité : dans les zones d’habitat permanent, des caravanes résidentielles loin d’être neuves sont louées depuis des années à des prix qui peuvent s’élever à 300 ou 400 euros par mois, soit un montant similaire à ce qui serait payé pour un petit logement. Le profit abusif est donc déjà bel et bien présent.

    Face à ce constat, mon administration propose, depuis le début des discussions sur le sujet, que les habitations légères données en location soient soumises aux mêmes règles de configuration et de surpeuplement que les logements, s’agissant, pour elle, d’un « socle minimal » qu’il ne convient en aucune manière d’affaiblir.
    Par ailleurs, le groupe de travail regroupant des habitants du léger, cité plus haut, me remettra bientôt une proposition sur le même sujet. J’examinerai alors les deux points de vue, prendrai position et renverrai ma proposition vers le pôle Logement du CESE afin qu’il puisse prendre définitivement attitude.

    L’honorable membre fait également référence à l’expérience du « Quartier de la Baraque » à Louvain-la-Neuve comme une illustration d’un habitat léger « à la ville ». Je dois toutefois rappeler que l’installation d’un habitat léger dans ce quartier remonte à l’arrivée de l’Université catholique de Louvain sur le site de Louvain-la-Neuve, soit au début des années 1970. Ce quartier était alors un hameau villageois, à l’habitat extrêmement dispersé, et n’avait rien d’une ville. Force est de constater que ce quartier a conservé en grande partie ce caractère rural et ne présente, à l’heure actuelle, aucune caractéristique du tissu urbain. Avec l’extension continue de Louvain-la-Neuve, il est toutefois vrai que la ville est à présent aux portes du quartier de la Baraque, sans pour autant l’avoir assimilé.

    Je me permets d’ailleurs de rappeler à l’honorable membre que la reconnaissance de l’habitation légère dans le Code wallon de l’habitation durable ne dispense pas, pour autant, toute personne souhaitant implanter une habitation de ce type de se soumettre aux règles relatives à l’urbanisme. Elle doit, dès lors, solliciter la délivrance d’un permis d’urbanisme.

    En ce sens, la situation du quartier de la Baraque est tout à fait singulière. Le sol, comme partout ailleurs à Louvain-la-Neuve, appartient à l’Université qui, en son temps, a laissé avec bienveillance les premiers habitants légers s’y installer. Il s’agissait essentiellement d’étudiants en architecture qui souhaitaient expérimenter de nouvelles formes d’habitat et de nouveaux modes de vie, notamment dans l’esprit des suites de mai 1968. L’Université n’a donc jamais demandé aux habitants de redevance pour l’occupation du sol, ce qui est, en soi, un fait particulier. L’installation des habitats légers s’est réalisée de manière spontanée, sans coordination, de manière autonome et sans consignes de la part de l’Université.

    Au milieu des années 1980, un plan particulier d’aménagement a consacré la singularité du lieu en le qualifiant de « zone d’habitat alternatif ». Néanmoins, aucun permis d’urbanisme n’a été exigé pour les constructions et installations, bien que certaines constructions n’aient rien en commun avec des habitations légères et sont même de véritables immeubles. Il n’existe d’ailleurs aucun parcellaire pour le site.

    Aujourd’hui, un important travail de régularisation est en cours, réunissant la Ville, l’Université et les habitants, qui ont d’ailleurs dû, à cet effet, se regrouper en ASBL. Le chemin qui reste à parcourir à ce niveau semble encore long.

    Comme l’honorable membre l’aura compris, cette expérience unique n’est en aucune manière transposable.

    En matière de politique d’aménagement du territoire, il appartient à chaque ville et commune de développer une politique locale, au travers des divers outils à sa disposition. Via l’utilisation de ces derniers, il appartient aux autorités locales, si elles le souhaitent, d’encourager éventuellement l’habitat léger, au travers, par exemple, de la réservation d’espaces pour ce type d’habitat.

    Récemment, dans sa déclaration de politique du logement, la Ville de Charleroi s’est dite ouverte à l’implantation d’habitations légères sur son territoire. Il lui reste donc à opérationnaliser cette volonté. D’autres villes et communes peuvent évidemment faire de même.

    Je soutiendrai ces initiatives, tout en rappelant que l’habitat léger est un instrument parmi d’autres pour développer et diversifier l’offre de logements. Je tiens aussi à rappeler, en ma qualité de ministre responsable de la coordination du plan « Habitat permanent », qu’il me paraît nécessaire d’éviter de recréer des « zones » dans lesquelles on ne retrouverait que des publics connaissant une certaine précarité. Je pense que l’habitat léger ne doit pas être un palliatif, mais une alternative.

    Cela signifie que la crise du logement doit tout d’abord se résoudre par la lutte contre le logement inoccupé, la requalification du bâti, la politique de rénovation du logement et la politique de construction de logements.