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L'impact du Brexit sur la Wallonie

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 19 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 11/10/2019
    • de GROVONIUS Gwenaëlle
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Alors que la date du 31 octobre approche et, avec elle, l’échéance de la dernière prolongation concernant la décision de Brexit avec ou sans « deal », les dernières déclarations et propositions de Boris Johnson semblent toutes aller vers un « no deal ».

    Notre économie pourra-t-elle absorber le choc annoncé du Brexit sans accord de sortie ?

    Comment se préparent nos entreprises ?

    Certains secteurs sont-ils menacés plus que d'autres ?

    D'une manière globale, combien d'emplois sont-ils menacés ?

    Monsieur le Ministre pourrait-il faire le point sur les enjeux pour la Wallonie ?

    J’imagine que cette question a fait l’objet d’une attention particulière au sein des services diplomatiques et économiques. Monsieur le Ministre peut-il livrer les éléments les plus pertinents relevés dans ce cadre ?

    Par ailleurs, peut-il nous informer des conséquences pressenties d’un Brexit sans accord pour la Wallonie ?

    Quelles mesures sont, le cas échéant, prévues pour répondre aux conséquences négatives identifiées ?
  • Réponse du 29/10/2019
    • de BORSUS Willy
    L’IWEPS a réalisé en septembre 2018 une étude sur les répercussions économiques potentielles d’un « Brexit dur » à moyen terme sur l’économie wallonne. Cette étude est toujours d’actualité. Les estimations de l’IWEPS révèlent que, dans le cas d’un éventuel « Brexit dur », la Wallonie serait moins affectée que la Flandre. Au total, la Flandre perdrait 0,7 % de sa valeur ajoutée et accuserait un recul de 0,8 % de l’emploi, soit un peu plus de 20 000 postes de travail perdus. La Wallonie accuserait, en termes relatifs, des pertes à peu près moitié moindre que la Flandre, à hauteur de 0,4 % tant de sa valeur ajoutée que de son niveau d’emploi (soit l’équivalent d’un peu plus de 5 000 postes perdus).

    Ce résultat peut s’expliquer en partie par l’ampleur des flux commerciaux entretenus avec le Royaume-Uni, ceux-ci étant relativement plus élevés dans le cas de la Flandre que pour la Wallonie, mais il tient aussi en partie à la nature différente de ces flux au niveau régional. En effet, les principaux flux d’exportation de la Wallonie concernent des produits pharmaceutiques et apparentés (matériel médical) ainsi que des produits chimiques, pour lesquels les niveaux moyens de tarif sont relativement faibles à l’échelle mondiale.

    En cas de « no-deal », certains secteurs économiques wallons seront plus durement touchés. Il s’agit notamment des ventes wallonnes de certains sous-secteurs de l’industrie alimentaire sur le marché britannique (produits laitiers, sucres, cacao et confiseries ou encore les boissons), ainsi que l’industrie de l’habillement.

    Concernant la demande de l’honorable membre sur les effets des droits d’importations, notons qu’une estimation de l’impact d’une sortie sans accord a été réalisée par le service Évaluation et Stratégie de l’AWEx. Il en ressort :
    - pour les exportations wallonnes de marchandises vers le Royaume-Uni : le montant total que les importateurs britanniques auraient en théorie dû payer en 2018 si le Royaume-Uni avait appliqué des droits d’importation sur les produits importés depuis la Wallonie est de 83,9 millions d’euros ;
    - pour les importations wallonnes de marchandises depuis le Royaume-Uni : le montant total que les importateurs wallons auraient en théorie dû payer en 2018 si des droits d’importation avaient été prélevés sur les marchandises provenant du Royaume-Uni est de 40,5 millions d’euros.

    Les relations commerciales entre la Belgique et le Royaume-Uni ne s’arrêteront pas, mais nos entreprises devront s’adapter à la nouvelle situation du marché. Afin de les inciter à anticiper les effets potentiels du Brexit, de nombreuses mesures d’information (séminaires, newsletters, Guide pratique,) sont menées par l’AWEx et ses partenaires tels que l’AGD&A (Administration générale des Douanes et Accises - SPF Finance), depuis des mois.

    Une grande campagne a été réalisée par l’Administration générale des Douanes et Accises pour que les 25 000 entreprises belges qui commerçaient avec le RUoyaume-Uni t qui n’avaient pas encore de numéro EORI (Un numéro EORI (Economic Operator Registration and Identification) est utilisé pour l'identification des opérateurs économiques et d'autres personnes dans leurs relations avec les autorités douanières) en demandent un. Après la sensibilisation et la validation des numéros attribués d’office par l’AGD&A, celle-ci nous a communiqué fin juin 2019 qu’au total 10 000 EORI ont été créés en 18 mois dans le cadre du Brexit. Il reste dès lors 15 000 entreprises qui n’ont pas effectué les démarches bien qu’elles aient reçu un courrier d’information. On peut dire que la majorité des entreprises significatives sont désormais en ordre, mais il n’y a pas de chiffre disponible spécifiquement pour la Wallonie.

    En matière d’attractivité d’investissements étrangers, les campagnes de prospection d’entreprises britanniques et d’entreprises étrangères implantées au Royaume-Uni ont été intensifiées par l’AWEx pour revêtir un caractère encore davantage systématique, régulier et offensif. Depuis l’annonce du Brexit, les actions prises par l’AWEx visant à promouvoir la visibilité et le positionnement de la Wallonie comme terre d’investissements étrangers sont nombreuses :
    - l’organisation de séminaires d’information et de sensibilisation, de VIP Investment Lunchs et de Roadshows au Royaume-Uni ;
    - l’organisation d’une mission au Royaume-Uni avec le Ministre de tutelle au dernier trimestre 2018 ;
    - l’organisation d’actions spécifiques dirigées vers certains secteurs industriels plus touchés par la problématique : entités R&D, HQ de sociétés étrangères, sites de production risquant d’être touchés par les taxes à l’importation sur les matières premières ;
    - l’organisation d’actions et de rencontres de conviction auprès de milieux d’affaires de grandes économies hors UE (Japon, Chine, USA, Inde et Australie) ;
    - une veille économique accrue visant à repérer les messages de délocalisation.

    Plus de 150 contacts qualifiés ont eu lieu au cours de ces diverses manifestations sur les atouts de la Wallonie. Ces actions de conviction ont mené indéniablement à une augmentation de l’activité invest spécifique à notre stratégie consacrée au Brexit :
    - depuis juin 2016, plus de 70 nouvelles entités, avec un actionnariat britannique, ont été créées en Wallonie, c’est bien plus du double qu’au cours de la même période préréférendum ;
    - en date de septembre 2019, le nombre de dossiers d’investissements étrangers gérés par l’AWEx qui sont liés au Brexit est de 39.

    La mise en place d’un nouveau fonds d’urgence de l’UE en cas de retrait sans accord n’est pas actuellement d’actualité, cependant, en plus des programmes et instruments existants qui pourront, selon les règles régissant leur fonctionnement, être mobilisés. Le 4 septembre dernier, la Commission européenne a déclaré être prête à mobiliser 780 millions d'euros d'assistance financière d'urgence sous certaines conditions pour les États membres les plus touchés par les retombées économiques d'un éventuel Brexit sans accord. L'essentiel - près de 600 millions d'euros - doit provenir du Fonds de solidarité de l'UE, destiné aux pays membres victimes de catastrophes naturelles. Le reste proviendra du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, qui vient en aide aux travailleurs licenciés.

    En ce qui concerne une éventuelle aide financière wallonne aux entreprises touchées par le Brexit, il faut souligner que lorsque le Royaume-Uni aura quitté l’UE, certains incitants financiers de l’AWEx qui ne s’appliquaient pas encore à ce marché seront disponibles, à savoir l’intervention dans les frais de voyage de prospection, d’invitation de prospects et d’ouverture d’un bureau commercial.

    Finalement, il me semble opportun d’informer l’honorable membre qu’une rencontre a été organisée ce 14 octobre dernier entre le Commissaire à l’Agriculture, le Ministre fédéral de l’Agriculture, la représentante de la Région flamande et moi-même afin de discuter de l’impact d’un éventuel « Hard Brexit » sur le secteur agricole belge.

    À la suite des derniers rebondissements du week-end passé, je prends note de la nouvelle demande d’extension du Gouvernement du Royaume-Uni. Nous attendons à présent la réaction des Gouvernements des 27 États membres. Le pire scénario serait évidemment une situation de « no-deal » au-delà du 31 octobre.

    Que l’honorable membre soit assuré que le nouveau Gouvernement de la Région wallonne, dans la foulée du travail mené par son prédécesseur, suit et continuera à suivre ce dossier de manière minutieuse afin d’en limiter les effets pour l’économie de notre Région et pour nos concitoyens et d’en saisir les nouvelles opportunités.