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Asbl communales - Détection des "fausses asbl" - Responsabilité des mandataires communaux.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 82 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 31/01/2006
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique


    Depuis un certain temps, l'administration de la Fiscalité des entreprises et des revenus est très active en matière de contrôles des asbl. Cela concerne aussi les asbl dites communales au sein desquelles les pouvoirs locaux détiennent, sinon la majorité, la quasi totalité des mandats et qui travaillent en remplacement de certains services communaux.

    Il résulte de renseignements qui ont été fournis par le Ministère des Finances qu'en matière d'impôts sur les revenus la mission de contrôle en matière de dossiers à l'impôt des personnes morales consiste, d'une part, à détecter les « fausses asbl » et soumettre celles-ci à l'impôt des sociétés et, d'autre part, à vérifier la base imposable.

    Selon les renseignements que j'ai pu recueillir, la première mission de contrôle doit être envisagée dans le cadre de la réforme budgétaire neutre de l'impôt des sociétés, par laquelle le Ministre des Finances a décidé de tendre vers une meilleure perception de l'impôt en soumettant les « fausses asbl » à l'impôt des sociétés plutôt qu'à l'impôt des personnes morales.

    Le Ministère des Finances a donc estimé qu'il convenait de vérifier si des personnes morales ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif ou ne sont pas exclues de l'impôt des sociétés en vertu des articles 181 et 182 du CIR 1992.

    La deuxième mission de contrôle du Ministère des Finances consiste à vérifier la base imposable des personnes morales. Il s'agit donc d'examiner si les précomptes nécessaires ont été versés et si les pièces justificatives ont été délivrées ou établies. Dans cette optique, l'agent taxateur du Ministère des Finances travaille sous un autre angle qui consiste en une vérification en vue de la taxation de tiers.

    Ainsi, selon le Ministère des Finances, il n'est pas exclu qu'une personne physique bénéficie d'avantages de toutes natures non déclarés de la part d'une asbl. De même, des cas de doubles imputations frauduleuses peuvent apparaître (une même dépense est déclarée par une asbl et par une personne physique revendiquant la déduction de frais réels).

    L'administration des Finances a attiré l'attention sur le fait que les directives générales sont applicables et doivent être rigoureusement respectées dans toutes les situations.



    En matière de TVA, les contrôles des asbl ont principalement pour but d'exercer une surveillance en ce qui concerne le régime particulier en matière d'exemption pour les petites entreprises et en ce qui concerne l'application des exemptions visées par le Code de la TVA.

    Par ailleurs, les asbl qui exercent une activité taxable sont contrôlées comme tout autre assujetti TVA, et ce, en vue du respect du principe de traitement égal de tous les assujettis.

    Tout cela m'amène à demander à Monsieur le Ministre quelles sont les responsabilités des mandataires communaux à l'égard des asbl communales ?

    Les asbl sont souvent créées par une décision du conseil communal, mais ce sont surtout les membres des collèges échevinaux qui exercent des missions d'administrateur.

    Monsieur le Ministre n'estime-t-il pas qu'il y a lieu d'attirer l'attention des mandataires communaux sur leurs responsabilités et, dans le cadre d'une bonne gouvernance qu'il souhaite, comme nous tous, permettre le développement des asbl qui se justifient en les aidant au maximum et en mettant fin aussi à certains détournements de pouvoir qui sont apparus au niveau de certaines communes ?

    Dans le cadre de ce qui précède, les mandataires communaux peuvent-ils agir pour dégager leurs responsabilités et assurer une plus grande transparence ?
  • Réponse du 22/02/2006
    • de COURARD Philippe

    La question posée par l'honorable Membre relative à la responsabilité des mandataires communaux à l'égard d'asbl communales a retenu ma meilleure attention.

    La doctrine s'entend généralement pour définir l'asbl communale comme une ASBL ayant pour objet un intérêt public local, dans laquelle les autorités communales interviennent en qualité de fondateurs ou d'adhérents, y demeurant partie prenante, directement ou indirectement, et sur laquelle le pouvoir communal exerce un contrôle régulier.

    L'asbl communale ne dispose d'aucun statut juridique particulier. Les autorités communales utilisent les possibilités offertes par la loi du 27 juin 1921 telle que modifiée par la loi du 2 mai 2002 sur les associations sans but lucratif et les associations internationales sans but lucratif.

    L'asbl communale comporte deux organes : une assemblée générale et un conseil d'administration. Conformément à l'article 13 de la loi du 27 juin 1921 modifiée, le conseil d'administration est composé de trois personnes au moins. Toutefois, si seules trois personnes sont membres de l'association, le conseil d'administration n'est composé que de deux personnes. Le nombre d'administrateurs doit en tout cas être inférieur au nombre de personnes membres de l'association.

    Les membres du conseil d'administration sont proposés à l'assemblée générale après désignation par le ou les conseil(s) communal(aux) de la ou des communes concernée(s).

    Le conseil d'administration a essentiellement pour mission de gérer les affaires de l'association et de la représenter dans tous les actes judiciaires et extrajudiciaires.

    A ce titre, les mandataires encourent le risque d'engager leur responsabilité, que ce soit leur responsabilité civile lorsque, par leur comportement fautif, ils ont causé un dommage, ou leur responsabilité pénale lorsqu'ils commettent un fait qualifié d'infraction.

    1) La responsabilité civile des mandataires communaux

    La doctrine et la jurisprudence admettent généralement que les échevins, les bourgmestres et les conseillers communaux revêtent la qualité d'organe, c'est-à-dire qu'ils sont considérés comme les représentants publics de l'autorité publique.

    En vertu de la théorie de l'organe, la faute de l'organe constitue en même temps une faute de l'autorité publique. Deux conditions sont toutefois nécessaires pour engager la responsabilité de l'autorité publique : l'organe doit avoir agi dans le cadre de l'exercice de sa fonction et il doit agir dans les limites de ses compétences.

    La Cour d'Appel de Mons, dans un arrêt du 26 mars 1975, a jugé que : « Seule la responsabilité de l'organe pourrait être engagée pour toutes les déviations ou tous les détournements dont il se rendrait l'auteur ». Ce raisonnement peut s'appliquer à l'hypothèse envisagée par l'honorable Membre.

    Pour éviter que l'action des mandataires communaux soit entravée par la crainte de mettre en cause leur responsabilité civile, et, par voie de conséquence, leur patrimoine personnel, différents mécanismes de garantie ont été mis en place, à l'exemple de l'appel en intervention (article L1241-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation), la responsabilité civile des amendes (article L1241-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation), l'assurance en responsabilité (article L1241-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation).

    En vertu de l'article L1241-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, le bourgmestre ou l'échevin, qui fait l'objet d'une action en dommages et intérêts devant la juridiction civile ou répressive, peut appeler à la cause l'Etat ou la commune. Cet article vaut donc pour les actions civiles.

    Conformément à l'article L1241-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, la commune est responsable des amendes que son mandataire subit, et ce, sans aucun plafond. Toutefois, la commune peut aussi se retourner contre lui pour récupérer ce qu'elle a dû débourser, mais uniquement en cas de dol, faute lourde ou faute légère habituelle. Cet article n'est d'application qu'au pénal.

    Selon l'article L1241-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, la commune doit souscrire, auprès d'une compagnie agréée, une police d'assurance destinée à couvrir la responsabilité civile, en ce compris l'assistance en justice, qui incombe personnellement aux bourgmestres et aux échevins, à la suite des dommages corporels, matériels ou immatériels, qu'ils occasionnent à des tiers dans l'exercice normal de leurs fonctions.

    Toutefois, l'élu qui détourne des fonds de l'argent public ou falsifie des documents sort de l'exercice normal de ses fonctions. Dans ce cas, les mécanismes de garantie énoncés ci-dessus ne sont bien entendu pas d'application.

    2) La responsabilité pénale des mandataires communaux

    Tout comme ils peuvent mettre leur responsabilité civile en jeu en tant qu'organe, les mandataires communaux peuvent également engager, dans bon nombre d'hypothèses, leur responsabilité pénale.

    Deux principes régissent cette matière : d'une part, la responsabilité pénale est exclusivement personnelle, d'autre part, elle doit impérativement trouver son fondement dans un texte de loi de stricte interprétation.

    Différentes incriminations peuvent concerner les mandataires communaux, à l'exemple de :

    - le faux en écritures : articles 193 à 195 du Code pénal ;
    - le détournement : article 240 du Code pénal ;
    - la destruction : article 241 du Code pénal ;
    - la concussion : article 243 du Code pénal ;
    - la corruption : articles 246 à 252 du Code pénal ;
    - l'infraction d'ingérence : article 245 du Code pénal.

    Le tribunal de Liège a jugé, dans un arrêt du 22 mars 1962, que « commettait l'infraction d'ingérence, le conseiller communal ou l'échevin qui percevait des avantages d'une asbl communale dont il a la gestion. »

    A côté de ces incriminations dites classiques, on trouve également deux incriminations plus spécifiques aux instruments paracommunaux (asbl, intercommunales, régies autonomes) : la corruption privée (article 504 bis du Code pénal) et l'abus de biens sociaux (article 492 bis du Code pénal).

    Se rend coupable de corruption privée, le mandataire qui a la qualité de gérant ou administrateur d'une asbl communale et qui sollicite ou accepte, directement ou par interposition de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature pour lui ou pour un tiers, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction, à l'insu et sans l'autorisation, selon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale.

    L'abus de biens sociaux consiste, dans le chef du mandataire, à user sciemment des biens ou du crédit de l'asbl dans laquelle il est dirigeant en droit ou en fait, et ce, de manière significative et préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de l'association comme à ceux de ses créanciers ou de ses associés.

    La condamnation pénale (emprisonnement ou amende) peut être assortie d'une autre sanction : la destitution (article 19 du Code pénal) ou l'interdiction d'exercer certains droits civils et politiques (article 31 à 34 du Code pénal).

    La destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics accompagne les condamnations graves telles que la réclusion à perpétuité, la détention à perpétuité, la réclusion à temps, la détention de vingt à trente ans ou de quinze à vingt ans.

    L'article 31 du Code pénal énonce, pour certaines peines, les droits civils et politiques qui peuvent être interdits à l'homme public condamné. Parmi ces droits figurent notamment : le droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, le droit d'éligibilité, le droit de porter une décoration ou un titre de noblesse. Tel est le cas par exemple pour le délit d'ingérence.

    A côté des sanctions pénales, l'échevin et le bourgmestre peuvent également faire l'objet d'une procédure disciplinaire en vertu des articles L1123-6 et L1123-14 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (suspension et révocation -inconduite notoire et négligence grave). Ces procédures ne s'appliquent pas aux conseillers communaux qui ne peuvent être ni suspendus, ni révoqués.

    Ceux-ci subiront les conséquences de l'article L1122-5 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation. En effet, les conseillers communaux qui pendant leur mandat sont soit privés du droit d'éligibilité par condamnation, soit sont condamnés du chef de l'une des infractions prévues aux articles 240, 241, 243, 245 et 248 du Code pénal, commises dans l'exercice des fonctions communales, sont déclarés inéligibles. A ce titre, ils sont déchus de leur mandat.

    Les mandataires communaux peuvent également bénéficier de toutes les causes qui, en droit pénal, « justifient » l'infraction : erreur invincible, état de nécessité et l'autorisation de la loi.

    Dans la circulaire budgétaire annuelle du 8 septembre 2005, j'attire l'attention des communes sur la nécessité de contrôler les dépenses facultatives. Le collège des bourgmestre et échevins doit, en effet, veiller à leur impact sur l'ensemble du budget ainsi qu'à fournir à tous les conseillers les moyens utiles et efficaces visant à leur permettre d'exercer toutes leurs prérogatives en la matière.

    Dans le cadre de la réforme sur la démocratie participative, j'attire également l'attention de l'honorable Membre sur mon intention de préciser un certain de règles relatives aux asbl communales.