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La surmortalité des abeilles

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 36 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 22/10/2019
    • de COURARD Philippe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Les années se suivent et se ressemblent. En effet, à l'instar des précédentes, 2018 a été une année meurtrière pour les abeilles. En effet, la mortalité hivernale chez les abeilles s’élevait à 23,8 % en 2018. Ce pourcentage dépasse de 10 % la mortalité hivernale que l’on considère comme normale et acceptable chez les abeilles mellifères. Ce pourcentage a baissé par rapport à l’année 2016-2017 (29,3 %), mais est bien plus important qu’en 2013-2014 (14,8 %).

    Hélas, ce phénomène n'est pas neuf et la prise de conscience non plus. En effet, il y a plus de 15 ans que notre Parlement a adopté une série de recommandations en la matière, mais force est de constater que tant d'années après, la situation ne s'est pas améliorée, pire, sur certains aspects, elle s'est dégradée.

    En 15 ans, une série de politiques publiques ont été mises en place pour lutter contre la surmortalité des insectes pollinisateurs en général et des abeilles en particulier. Ont-elles été évaluées ? Sont-elles suffisamment efficaces ? Doivent-elles être réorientées ?

    Comment Madame la Ministre entend-elle appréhender ce dossier très important pour la biodiversité, l'environnement et le vivant en général ? Quelles sont, selon elle, les meilleures pistes pour limiter la surmortalité des abeilles ?
  • Réponse du 06/12/2019
    • de TELLIER Céline
    Les abeilles sont effectivement essentielles en matière de biodiversité et, plus largement, de protection du vivant. Heureusement, les chiffres pour l’hiver 2018-2019 sont meilleurs que ceux qu'évoque l'honorable membre. L’enquête COLOSS - gérée pour la Wallonie par le CRA-W dans le cadre du projet BeeWallonie – montre un taux moyen de mortalité des abeilles de 10,8 % pour la Belgique et 10,6 % pour la Wallonie. Il faut savoir qu’une mortalité est considérée comme normale lorsqu’elle présente un taux de 10 %. La saison 2018/2019 peut donc être qualifiée de normale.

    Cette évolution positive n’a cependant pas de véritable explication : le facteur le plus variable, à savoir la météo, ne permet pas à lui seul d’expliquer la baisse de mortalité observée. L’analyse se poursuit et un article détaillé ainsi que des cartes interactives seront disponibles prochainement sur le site web de BeeWallonie.

    Il n’empêche : les taux de mortalité hivernale des colonies d’abeilles ont régulièrement largement dépassé les seuils acceptables ces 15 dernières années. Cela doit nous inquiéter et nous obliger à prendre des mesures fortes.

    Pour ce qui est de l’action publique, celle-ci a véritablement démarré en Wallonie en 2010 avec la mise en place du Plan Maya et le soutien de projets visant à déterminer les causes de la surmortalité des abeilles et à aider le secteur apicole. Il faut savoir que les facteurs intervenant dans le dépérissement des abeilles sont communément regroupés et classés dans 3 catégories :
    - sanitaire : le facteur n° 1 des dépérissements est clairement l’acarien Varroa destructor (qui est un parasite de l'abeille adulte ainsi que des larves et des nymphes. Originaire de l'Asie du Sud-Est, où il vit aux dépens de l'abeille asiatique Apis cerana qui résiste à ses attaques, contrairement à l'abeille domestique européenne Apis mellifera ;
    - environnementale : diminution des ressources et contamination de l’environnement par les pesticides ;
    - des pratiques apicoles parfois inadéquates.

    Le Plan Maya a permis de sensibiliser le citoyen et les acteurs publics à la cause de l’abeille. Cela se traduit concrètement par l’amélioration partout en Wallonie du cadre de vie des pollinisateurs : amélioration des ressources (en quantité et qualité) via notamment une meilleure gestion des espaces publics et privés et la diminution de l’utilisation de pesticides dans les espaces publics.

    Pour ce qui concerne les pesticides, l’Union européenne a interdit les 3 insecticides néonicotinoïdes les plus controversés. La Wallonie a, quant à elle, mis en place une législation de plus en plus contraignante pour l’utilisation des pesticides notamment dans les espaces publics.
    Pour ce qui est des projets soutenus par l’administration, citons :
    - la mise en place de la convention-cadre BeeWallonie ;
    - les projets de recherche des causes de dépérissements des colonies d’abeilles wallonnes (CRA-W, ULg, CARI) ;
    - la formation en apiculture (amélioration des pratiques) ;
    - la participation au Programme européen de soutien à l’apiculture ;
    - le projet wallon collaboratif pour l’élevage et la sélection d’abeilles résistantes à Varroa destructor. Ce projet prometteur place la Wallonie à la pointe de ce type de recherche.

    Mentionnons aussi les actions menées par des acteurs comme Natagriwal ou le Collège des Producteurs pour, par exemple, sensibiliser les agriculteurs au rôle des pollinisateurs.

    En matière agricole, citons enfin la mise en place de surfaces d’intérêt écologique (SIE) dans le cadre du paiement vert du premier pilier de la PAC, en particulier la mesure « jachère mellifère ». Pour l’avenir, toujours en matière agricole, la DPR prévoit notamment le développement de services de conseil agricole indépendant agrées en Wallonie, notamment concernant l’utilisation de pesticides et engrais chimiques, en distinguant les activités de conseil et de vente. Ceci facilitera l’adoption des innovations favorables à l’environnement et la durabilité́ de l’agriculture.

    Toutes ces actions permettent d’agir sur une multitude de facteurs en même temps, ce qui rend difficile l’évaluation précise de l’impact de chaque action. Mais comme je le disais, l’analyse des chiffres de mortalité des abeilles va se poursuivre et un plan stratégique pour l’apiculture wallonne est en cours d’élaboration. Il visera à améliorer les conditions de vie des pollinisateurs au sens large.