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Les entreprises wallonnes touchées par le Brexit

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 31 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 22/10/2019
    • de BLANCHART Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Il est évident que si le Brexit s'effectue sans accord, cela aura un impact non négligeable sur nos entreprises belges et wallonnes. En effet, avec des droits de douane qui rendront les produits belges plus chers, avec la suppression de la règle européenne prévoyant l'exemption de TVA lors d'un achat entre deux pays de l'Union européenne, des délais de livraison plus importants à cause d'un travail administratif plus imposant affectant ainsi le bien-être du consommateur belge, une limitation des produits américains en Europe, car le Royaume-Uni en est la porte d'entrée, trop d'entreprises ne sont pas prêtes au Brexit. D'ailleurs, récemment, la Commission européenne a publié un aide-mémoire pour les entreprises concernées par le Brexit afin de vérifier si elles ont des relations commerciales avec le Royaume-Uni ou si elles font transiter des marchandises par celui-ci.

    Monsieur le Ministre a-t-il les chiffres du nombre d’entreprises touchées pour la Wallonie en cas de Brexit sans accord ?

    Certains secteurs ou régions seront-ils plus touchés que d’autres ?

    Quelle stratégie compte-t-il mettre en place pour aider ces entreprises ?
  • Réponse du 07/11/2019
    • de BORSUS Willy
    L’IWEPS a réalisé en septembre 2018 une étude sur les répercussions économiques potentielles d’un « Brexit dur » à moyen terme sur l’économie wallonne. Cette étude est toujours d’actualité. C’est le scénario du « no deal » selon lequel le Royaume-Uni n’aurait plus automatiquement accès au marché intérieur européen et où les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union européenne s’effectueraient sur base des règles de l’Organisation mondiale du commerce. Dans ce scénario, les marchandises importées dans l’Union européenne depuis le Royaume-Uni seraient soumises à des droits d’importation. En retour, le Royaume-Uni introduirait des droits d’importation d’un niveau équivalent sur les marchandises en provenance de l’Union européenne.

    L’IWEPS a pris comme base de travail le niveau des droits d’importation actuellement en vigueur dans l’Union européenne vis-à-vis des pays tiers par grands groupes de produits. Il s’agit des tarifs moyens à l’importation pour les produits en provenance de pays tiers avec lesquels il n’existe pas d’accord de libre-échange (soit les tarifs dits « Most Favoured Nations »).

    Les estimations de l’IWEPS révèlent que, dans le cas d’un éventuel « Brexit dur », la Wallonie serait moins affectée que la Flandre. Au total, la Flandre perdrait 0,7 % de sa valeur ajoutée et accuserait un recul de 0,8 % de l’emploi, soit un peu plus de 20 000 postes de travail perdus. La Wallonie accuserait, en termes relatifs, des pertes à peu près moitié moindre que la Flandre, à hauteur de 0,4 % tant de sa valeur ajoutée que de son niveau d’emploi (soit l’équivalent d’un peu plus de 5 000 postes perdus).

    Ce résultat peut s’expliquer en partie par l’ampleur des flux commerciaux entretenus avec le Royaume-Uni, ceux-ci étant relativement plus élevés dans le cas de la Flandre que pour la Wallonie. Mais il tient aussi en partie à la nature différente de ces flux au niveau régional. En effet, les principaux flux d’exportation de la Wallonie concernent des produits pharmaceutiques et apparentés (matériel médical), ainsi que des produits chimiques pour lesquels les niveaux moyens de tarif sont relativement faibles à l’échelle mondiale.

    À l’inverse, les exportations de la Flandre concernent davantage de produits tels que les équipements de transport, les produits de la transformation alimentaire ou encore le textile, qui sont des catégories pour lesquelles les tarifs moyens à l’importation sont plus élevés.

    Par contre, cela signifie qu’en cas de « no deal », les ventes wallonnes de certains sous-secteurs de l’industrie alimentaire sur le marché britannique risquent d’être frappées par des niveaux de tarif relativement élevé (produits laitiers, sucres, cacao et confiseries ou encore les boissons), ainsi que l’industrie de l’habillement.

    En réalité, les tarifs douaniers qui seront appliqués à l’importation au Royaume-Uni (en cas de sortie sans accord) ne sont pas encore connus avec certitude. Le gouvernement britannique a annoncé son intention d’introduire pour un maximum de 12 mois, 469 tarifs (13 % des biens). Les biens qui ne sont pas repris dans cette liste (87 %) en seraient exemptés. Une majorité de tarifs seraient identiques aux tarifs européens alors que les autres seraient inférieurs (allant en fonction du produit de 82 % à 13 % du tarif que l’Union européenne impose aux pays tiers). L’objectif du Royaume-Uni étant notamment de protéger certaines industries considérées essentielles (construction automobile, viande de mouton, textiles et vêtements).

    Les relations commerciales entre la Belgique et le Royaume-Uni ne s’arrêteront pas, mais nos entreprises devront s’adapter à la nouvelle situation du marché. Afin de les inciter à anticiper les effets potentiels du Brexit, de nombreuses mesures d’information (séminaires, newsletters, Guide pratique…) sont menées par l’AWEx et ses partenaires tels que l’Administration générale des Douanes et Accises (AGD&A) depuis des mois. Une grande campagne a été réalisée par l’AGD&A pour que les 25 000 entreprises belges qui commerçaient avec le Royaume-Uni et qui n’avaient pas encore de numéro EORI (Un numéro EORI (Economic Operator Registration and Identification) est utilisé pour l'identification des opérateurs économiques et d'autres personnes dans leurs relations avec les autorités douanières) en demandent un.

    Après la sensibilisation et la validation des numéros attribués d’office par l’AGD&A, celle-ci nous a communiqué fin juin 2019 qu’au total 10 000 EORI ont été créés en 18 mois dans le cadre du Brexit. Il reste environ 15 000 numéros de TVA qui avaient réalisé au moins une transaction intracommunautaire avec le Royaume-Uni en 2017 et qui ne l’ont pas demandé ni validé. Tous avaient reçu un courrier et certains ont décidé en connaissance de cause de ne pas le créer. On peut dire que la majorité des entreprises significatives sont désormais en ordre, mais il n’y a pas de chiffre disponible spécifiquement pour la Wallonie.

    La banque de données « entreprises » de l’AWEx indique que près de 1 200 entreprises wallonnes déclarent exporter vers le Royaume-Uni. Certaines seront plus impactées que d’autres en fonction de la nature des produits qu’elles fabriquent, en fonction des droits à l’importation qui seront fixés par le Royaume-Uni sur lesdits produits et, enfin, en fonction la part que représente le Royaume-Uni dans leur chiffre d’affaires. En outre, les effets collatéraux sont difficiles à évaluer. En effet, à des degrés divers, le Brexit aura des répercussions sur les économies de tous les pays de l’Union européenne ; y compris et plus particulièrement sur celles de nos plus proches voisins (Flandre en tête) qui constituent les principaux clients de la Wallonie. Le montant annuel des exportations des pays de l’Union européenne vers le Royaume-Uni s’élève à plus de 300 milliards d’euros...

    Le site Brexit de l’AWEx a été actualisé dans le but d’informer concrètement nos entreprises sur les moyens de se préparer à une sortie sans accord. Il renvoie notamment aux sites des Douanes, de l’AFSCA et de la FEVIA pour le secteur agroalimentaire, ainsi que vers les fiches sectorielles « preparedness » de la Commission européenne et du Gouvernement britannique.

    Concernant l’état des lieux des négociations, je prends note du nouveau report de la date sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne au 31 janvier 2020. L’évolution du dossier est indéniablement liée aux élections anticipées au Royaume-Uni qui devraient avoir lieu en décembre prochain.

    Que l’honorable membre soit assuré que le nouveau Gouvernement de la Région wallonne, dans la foulée du travail mené par son prédécesseur, suit et continuera à suivre ce dossier de manière minutieuse afin de limiter les effets du Brexit pour l’économie de notre Région et de saisir de nouvelles opportunités.