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L’influence du bois scolyté sur l’industrie papetière wallonne

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 69 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 22/11/2019
    • de LENZINI Mauro
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    En raison des attaques de scolytes, le secteur du bois wallon est touché par l’effondrement du prix de revente du bois et particulièrement de l’épicéa.

    Ainsi, la valeur marchande de l’épicéa serait actuellement de 10 euros du m3 (contre 60 euros il y a quelques mois seulement) pour les épicéas malades. À l’heure actuelle, le marché chinois semble encore le seul intéressé par l’achat de bois scolyté. On estime ainsi que les exportations de bois vers l’Asie seraient 600 fois supérieures à 2018.

    Ce constat m’amène à une première série d’interrogations sur ces exportations vers l’Asie.
    Connaît-on la destination finale donnée au bois revendu en Asie ?
    Celui-ci est-il destiné à la production de papier et/ ou d’emballage carton ?
    Monsieur le Ministre dispose-t-il de données chiffrées sur les exportations de bois scolytés vers l’Asie ?

    Par ailleurs, dans un second aspect de ma question en ce qui concerne le marché wallon, l’industrie papetière wallonne utilise-t-elle du bois d’épicéa ? Le cas échéant ce bois scolyté est-il exploitable ?
    Si au contraire l’épicéa n’est pas utilisé en papeterie, existe-t-il des pistes de recherche et d’innovation en la matière ?

    En conclusion, est-il déjà possible de procéder à une évaluation de l’influence du bois scolyté sur l’industrie papetière wallonne et son éventuelle adaptation ?
  • Réponse du 13/12/2019
    • de BORSUS Willy
    En raison des attaques de scolytes, le secteur du bois wallon est touché par l’effondrement du prix de revente du bois et particulièrement de l’épicéa. Ainsi, la valeur marchande de l’épicéa serait actuellement parfois descendue jusqu’à 10 euros du m3 (contre 60 euros il y a quelques mois seulement) pour les épicéas malades.

    L’effondrement des prix du fait des scolytes porte exclusivement sur l’épicéa, essence phare de la production de bois en Wallonie. L’afflux d’épicéas scolytés mobilise cependant les énergies et conduit notamment à un désintérêt pour le pin, essence résineuse secondaire. Le douglas et le mélèze ne souffrent visiblement pas de cette situation. La valeur des beaux épicéas était de 75 euros/m³ en 2017, 60 euros/m³ en 2018 et tourne autour des 50 euros/m³ en 2019. Ces mêmes bois, lorsqu’ils sont scolytés, valent en effet de l’ordre de 10 à 15 euros/m³ voire un peu plus s’ils sont suffisamment frais, mais ils peuvent aussi atteindre des valeurs négatives dans le cas de petits lots et de bois trop dispersés (essentiellement chez les petits propriétaires privés).

    À l’heure actuelle, le marché chinois semble encore le seul intéressé par l’achat de bois scolyté. On estime ainsi que les exportations de bois vers l’Asie seraient 600 fois supérieures à 2018.

    Les scieurs, l’industrie du panneau (Unilin à Vielsalm et à Oostrozebeke) et l’industrie du papier (Sappi à Lanaken) achètent encore des résineux scolytés, mais les volumes sont trop importants pour être intégralement absorbés par eux. L’exportation, très importante, absorbe le solde de ce qui est récolté.

    L’exportation via Anvers a explosé (5 000 m³ en 2018 à 2 900 000 m³ en 2019), mais il s’agit dans une large mesure du transit de bois scolytés français et allemands. La part belge reste limitée, car l’évaluation des volumes scolytés était de 500 000 m³ en 2018 et serait de l’ordre de 800 à 1 000 000 m³ en 2019 dont la totalité n’est pas récoltée par manque de moyens humains et matériels, surtout dans les petites propriétés privées.

    Les caractéristiques des bois exportés (diamètre milieu de ± 25 cm, longueur fixe de 11,70 m à 11,80 m = longueur d’un container de 40 pieds) laissent à penser qu’ils se destinent au sciage. La Chine importe en effet de grandes quantités de pins maritimes en provenance de Nouvelle-Zélande dont l’usage papier est très vraisemblable. Cela dit, le sciage génère ± 50 % de produits connexes dont une grande partie peut servir à la production de papier (hors sciure et écorce), mais aussi à la production de panneaux agglomérés.

    Selon Eurostat, les exportations vers la Chine s’élèvent à 70 474 m³ pour l’année 2018 et à 206 660 m³ pour les deux premiers trimestres de 2019. Ces exportations correspondent aux codes NACE 440323 (bois brut de sapin ou d’épicéa de diamètre > 15 cm) et 440324 (bois bruts de sapin ou d’épicéa de diamètre < 15 cm). Il n’y a pas de distinction entre les bois sains et les bois scolytés, mais il est plus que probable que ces derniers constituent la grande majorité de ces exportations. Ces valeurs sont à mettre en regard avec les volumes scolytés détectés (500 000 en 2018 et 800 à 1 000 000 m³ en 2019 sachant cependant qu’ils ne sont pas encore tous récoltés).

    En ce qui concerne le marché wallon, l’industrie papetière wallonne n’utilise pas du bois d’épicéa. La seule papeterie wallonne, Burgo Ardennes, consomme exclusivement des bois feuillus ; environ 1 500 000 m³ par an. Cependant, l’épicéa scolyté peut être consommé par la papeterie Sappi à Lanaken. La part wallonne des approvisionnements de cette papeterie est de l’ordre de 25 à 30 000 m³ apparent (stère) de rondins et de 150 à 200 000 m³ apparent (MAP) de plaquettes. La part des scolytés n’est pas déterminée dans ces volumes, mais il est clair que les bois scolytés ne sont pas sans impact sur le process de fabrication du papier ; notamment sur la durée de conservation des plaquettes avant transformation et sur le blanchissement de la pâte. La conservation maximale de plaquettes saines est de l’ordre de 3 mois tandis que celle des plaquettes issues de bois scolytés est de moins de 2 mois. Le bleuissement des bois scolytés impose également un surcroît d’utilisation d’agent blanchissant pour obtenir une pâte de même qualité que celle issue de bois sains.

    L’épicéa scolyté peut être utilisé en papeterie et pour la production de panneaux jusqu’à un certain niveau de dégradation. Au-delà (bois trop sec, échauffé…), son usage ne peut s’orienter que vers le bois énergie. Une piste à investiguer serait celle de la chimie du bois, mais il est clair qu’une fois la crise des scolytes résorbée, l’industrie du bois wallonne va se trouver confrontée à un manque de matière, ce qui risque de l’ébranler sérieusement. Il n’y aura alors plus assez de bois pour satisfaire tout le monde.

    L’industrie papetière wallonne ne consomme pas de résineux et donc d’épicéas scolytés. Les scolytes n’ont en conséquence pas d’influence directe sur son activité. Par contre, il y a deux usines de panneaux dans le bassin d’approvisionnement de Burgo Ardennes (Unilin à F-Bazeilles et Kronospan à L-Sanem). Ces usines consomment chacune autour de 1 000 000 m³ par an, dont une grande partie de bois feuillus. Devant l’abondance de bois scolytés, meilleurs marchés, la part de résineux à tendance à augmenter dans leur process, ce qui libère de la matière feuillue dont bénéficie Burgo Ardennes d’où une influence indirecte.