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La gestion des dégâts causés par les blaireaux

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 73 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 26/11/2019
    • de COURARD Philippe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le blaireau est une espèce protégée qui a failli disparaître dans les années 1980. Heureusement, son statut d’espèce protégée lui a permis de continuer à habiter nos campagnes.

    Dispose-t-on de chiffres précis sur l’état de la population de blaireaux présente en Wallonie ?

    L’augmentation du nombre d’effectifs et l’augmentation des surfaces cultivées de maïs ont engendré une augmentation des dégâts aux cultures et des indemnisations.

    Madame la Ministre dispose-t-elle de chiffres précis sur les dégâts et les indemnisations que la Wallonie a payées au cours des cinq dernières années ?

    Quelles sont les mesures préventives que les agriculteurs peuvent mettre en place pour limiter l’impact des dégâts à leurs cultures ?

    Une fois les dégâts constatés, quelles sont les procédures à mener pour bénéficier d’une indemnisation de la part de la Wallonie ?

    Quelle est la durée de ce genre de procédure ?

    Précisément, dans quel délai l’agriculteur peut-il être indemnisé ?

    Existe-t-il des réflexions en vue afin de modifier le statut de protection de l’espèce blaireau ?
  • Réponse du 10/02/2020
    • de TELLIER Céline
    L’évolution de la population de blaireaux a été suivie régulièrement depuis les années 1980. Ceci a permis de documenter efficacement le statut de cette espèce depuis sa quasi-disparition, que l’honorable membre évoque, et qui fut liée à la prophylaxie antirabique par gazage des terriers jusqu’en 1982. Cette pratique a heureusement été interdite, ce qui a permis le redéploiement progressif de la population de blaireaux.

    Au cours des cinq dernières années, le suivi de cette espèce a mis en évidence une relative stabilité de la population wallonne de blaireaux avec des groupes sociaux d’environ quatre blaireaux par domaine vital et une population globale estimée à environ 4 500 à 6 000 blaireaux. Il n’y a donc pas d’explosion démographique, ce qui s’explique par la faible dynamique démographique de cette espèce qui compte en moyenne, par an, une reproduction dans seulement un terrier sur trois. Une recolonisation naturelle s’opère progressivement dans le Hainaut et le Brabant wallon, mais celle-ci est freinée par la mortalité routière (qui touche environ 20 % des individus) due à la fragmentation importante des habitats.

    Concernant les dommages dus au blaireau dans les cultures, l’explosion des indemnisations de dommages de blaireaux, enregistrée en 2012 (environ 400 000 euros), a montré à quel point des confusions existaient dans l’identification des déprédateurs impactant les cultures. Il s’est avéré que des dommages d’une telle ampleur étaient biologiquement impossibles compte tenu de la capacité d’ingestion de cet animal, et qu’une grande partie des dégâts étaient erronément imputés aux blaireaux en raison de la confusion possible avec des dommages de sangliers.

    Depuis, mon administration étudie de près ce phénomène avec l’appui de l’ULiège ainsi que de l’ASBL « Fourrages Mieux ». Une méthode standardisée de comptage a été développée et a été diffusée aux experts et agents du Département de la Nature et des Forêts (DNF). Ces efforts ont permis une réduction très importante des indemnisations de dommages de blaireaux dans les cultures, qui montent à environ 45 000 euros par an en moyenne entre 2013 et 2018, soit presque 10 fois moins qu’en 2012. Le nombre de dossiers indemnisés a également diminué au cours des dernières années.

    Les travaux susvisés ont aussi permis d’établir que le dommage moyen dû aux blaireaux par parcelle de maïs d’environ 3 à 4 ha est de 2,5 à 2,7 ares (moyenne établie entre 2013 et 2018 sur 268 parcelles étudiées), ce qui représente une perte moyenne de 40 à 90 euros par parcelle. Faire investir les agriculteurs pour la protection de leur maïs dans un tel contexte semble donc relativement superflu. Si la possibilité de déroger à la protection du blaireau pour un motif de dommages importants est prévue par la loi sur la conservation de la nature, aucune dérogation n’a jusqu’à présent été accordée pour ce motif, le dommage n’étant pas significatif. Les quelques cas où des effarouchements de blaireau ont été opérés concernaient des terriers mal situés et ont été résolus sans destruction d’individus.

    Concernant la procédure d’indemnisation, dès que l’exploitant agricole constate dans ses cultures des dommages de blaireaux significatifs, il peut introduire une demande d’indemnisation. Le DNF doit alors vérifier que les dommages sont directs, attribuables aux blaireaux avec certitude, et atteignent un seuil de 125 euros pour l’ensemble des parcelles concernées par la demande. Si le seuil de dommages est atteint ou risque d’être atteint, une expertise est alors programmée, en général juste avant la récolte, pour une estimation des dégâts la plus correcte possible. L’expert procède à une évaluation de la superficie des dommages attribuables aux blaireaux, ainsi qu’une évaluation du rendement de la culture, pour calculer l’indemnisation à laquelle l’agriculteur peut prétendre. En cas de désaccord sur le résultat ou en cas de dommages très importants imputés aux blaireaux, le SPW peut décider d’organiser une expertise complémentaire avant de statuer sur la demande. L’expertise validée par les services extérieurs du DNF est ensuite transmise pour paiement au service comptabilité du SPW. Le paiement effectif peut encore nécessiter plusieurs semaines de délai.

    Au vu des chiffres évoqués ci-dessus, l’honorable membre comprendra qu’il ne semble pas actuellement approprié de modifier le statut de protection du blaireau étant donné que sa population n’est pas excessive, et que son impact est nettement plus limité que certains le laissent entendre. En outre, en cas de problème important, une possibilité de dérogation est offerte par la loi sur la conservation de la nature.

    Pour plus de détails sur ces questions, je l’invite à consulter l’article rédigé par l’ULiège intitulé « Dégâts de blaireau en culture de maïs sur pied en Wallonie : un « épi- » phénomène ? » récemment paru dans le magazine Forêt Nature n° 151 d’avril à juin 2019 (p. 37 à 45).