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Les faillites des jeunes entreprises

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 127 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 07/01/2020
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le journal L'Avenir nous informait récemment que le nombre de jeunes indépendants était en augmentation de l'ordre de 26 % sur ces 10 dernières années. Il y a quelques semaines à peine, L'Écho titrait lui que le nombre de faillites accusait lui aussi une hausse inquiétante de quelque 11 %, voire même 16,9 % pour la Flandre et la Wallonie. Nous savons que c'est souvent lorsque l'entreprise est jeune qu'elle est la plus fragile et donc, plus potentiellement exposée à un risque de faillite.

    Quelles sont les tendances entre création d'entreprise et faillite des jeunes entreprises ?

    Les jeunes indépendants passent-ils le cap de la première et deuxième année d'existence et dans quelles proportions ?

    Quels accompagnements sont alors proposés à ceux-ci lorsqu'ils font face à des difficultés ?

    Les services d'aide et de soutien connus sont-ils utilisés ?

    Quels accompagnements sont à ce jour mis en place pour accompagner les faillis à faire face et à rebondir ?
  • Réponse du 22/01/2020 | Annexe [PDF]
    • de BORSUS Willy
    Avant toute chose, il faut être conscient que les données relatives aux indépendants sont assez limitées.

    Au sujet de la dynamique des défaillances de toutes les catégories d’entreprises, le journal L’Écho a en effet récemment commenté les données régulièrement publiées par le bureau Graydon. On constatait ainsi qu’au niveau régional et à travers le graphique 1 (voir annexe) de la publication d’octobre 2019 du Graydon, ces disparitions d’entreprises sont très élevées à Bruxelles avec un niveau très proche en 2019, après le sommet historique rencontré en 2018. Concernant la Flandre, 2019 est une mauvaise année, mais pas autant que 2013 et presque aussi mauvaise qu’en 2012 et 2014. Quant à la Wallonie, elle a connu des situations pires sur la période 2011-2015 si bien que l’épisode de 2019 est à relativiser. En vérité, cette hausse succède à des faillites à un minimum historique en 2018 ; on peut faire le même constat pour la Flandre. Cela signifie que si l’on fait une moyenne entre 2018 et 2019 on se situe au niveau moyen de faillite des 10 dernières années.

    Si l’on se tourne vers les entreprises les plus jeunes, ce que l’on peut dire en utilisant les données publiées par le bureau Graydon est que la part des faillites dues aux jeunes entreprises (4 ans et moins) est clairement la plus élevée. Ce phénomène illustre bien la fragilité que l’honorable membre évoque. Malgré cela, le graphique 2 (voir annexe) illustre qu’en Wallonie et en Flandre, cette part recule dans le temps. Ce n’est pas ici directement l’objet de sa question, mais il est tout à fait remarquable que ces mêmes données du bureau Graydon laissent apparaître un recul global de la part des faillites dans toutes les catégories d’âges tandis que la part de la catégorie d’âge la plus élevée - celles des entreprises de plus de 25 ans - augmente régulièrement depuis 10 ans si bien que celle-ci a plus que doublé en Flandre (de 9,5 % à 22 %) et presque triplé en Wallonie (de 6 % à 16 %). Une explication de ce phénomène demanderait une étude approfondie. Cependant, il est possible que les difficultés d’adaptation à l’environnement récent aient fragilisé les entreprises les plus anciennes qui, il fut un temps, étaient parmi les plus résilientes, mais ont désormais du mal à s’adapter aux changements rapides technologiques et conjoncturels. Les difficultés de transmission des entreprises peuvent aussi entrer en ligne de compte.

    Pour ce qui est des travailleurs indépendants que l’honorable membre évoque spécifiquement, on observe dans le temps une hausse du nombre d’entreprises sous le statut d’indépendant, toutes activités confondues (graphique 3 en annexe). Cela révèle que les créations dépassent le nombre de disparitions pour les trois régions du pays. La hausse du nombre d’indépendants entre 1999 et 2017 est ainsi de 40 % à Bruxelles, 12 % en Flandre et 4 % en Wallonie d’après les données régionales de la Banque Nationale.

    Les données de la Banque Carrefour des entreprises nous permettent en outre de détailler le constat en nous intéressant au nombre d’indépendants qui créent une entreprise (graphique 4 en annexe). On voit sans surprise que c’est la Flandre qui crée le plus d’entreprises sous cette forme juridique par an, mais c’est aussi cette région qui a connu la plus forte hausse entre 2010 et 2019 avec une croissance de 155 %, contre 142 % à Bruxelles et seulement 78 % en Wallonie.

    À notre connaissance, les données de la Banque Carrefour ne nous permettent pas de distinguer les cessations pour faillite des autres motifs. Néanmoins, on peut utiliser ces données pour connaître - pour chaque année de création - la part d’entreprises encore actives en janvier 2020 (graphique 5 en annexe). Ces informations nous permettent de constater que les taux de survie des indépendants wallons et flamands sont relativement proches avec environ 60 % des entreprises créées en 2016 qui existent toujours, 65 % des entreprises créées en 2017 et autour de 75 % des entreprises créées en 2018. Le taux de survie des indépendants à Bruxelles est moindre.

    Les données de l’INASTI fournissent également un éclairage sur l’âge des personnes qui ont une activité d’indépendant. Celles-ci semblent indiquer une très forte stabilité sur les 5 dernières années tant en termes d’âge moyen du début des activités qu’au niveau de la fin de ces activités. D’une part, l’indépendant commence son activité en moyenne à 34 ans, et ce dans les trois régions du pays (graphique 6 en annexe). D’autre part, l’indépendant met fin à ses activités - en moyenne et en 2018 - à 41 ans en Wallonie, 40 ans en Flandre et 37 ans à Bruxelles. Alors que l’âge moyen de fin d’activités est très stable en Wallonie et à Bruxelles, notons néanmoins une baisse en Flandre, étant donné que l’âge moyen de fin était de 42 ans en 2014 (graphique 7 en annexe).

    En termes d’accompagnement des entreprises qui font face à des difficultés, je me permets de présenter à l’honorable membre les différents mécanismes disponibles en Wallonie.

    Tout d’abord, il n’ignore pas que la SOGEPA est l’interlocutrice principale en Wallonie des entreprises en redéploiement. Elle offre un accompagnement de qualité et des solutions de financement diversifiées, en parallèle des banques et investisseurs privés, permettant le redéploiement d’entreprises actives en Wallonie. En particulier, elle propose depuis quelques années un dispositif « fast track » qui vise les PME de plus de 10 ETP pour toute demande de financement de moins de 1 M d’euros.

    Pour anticiper les phases de restructurations et accompagner davantage les entrepreneurs, la SOGEPA a réalisé une étude récente sur l’anticipation des restructurations d’entreprises. Dans ce cadre, elle a émis quatre recommandations principales qui pourraient renforcer les dispositifs existants :

    1. Connaître les entreprises par leur activité et leur positionnement dans les chaines de valeur.

    Relier les acteurs en contact avec les entreprises sous la bannière d’une politique d’intelligence stratégique, économique et territoriale en commençant par une mobilisation des données existantes - et pour l’heure fragmentées sur le territoire - qui décrivent l’activité des entreprises ainsi que leur positionnement dans la chaîne de valeur.

    2. Renouveler le positionnement du Conseil de l’industrie.

    En reconnaissant un Conseil de l’industrie, porteur d’un point de vue d’industriels par rapport à celui des fédérations sectorielles ou des entreprises en général, on peut ainsi créer les conditions d’un échange direct et de confiance entre les entreprises stratégiques et la Région.

    3. Mettre en place un Comité d’alerte et d’expertise réunissant la SOGEPA et les représentants syndicaux et patronaux autour de deux missions :
    a. centraliser les alertes sur de potentielles difficultés rencontrées par une entreprise. Ce comité pourrait être saisi par les travailleurs via leurs représentants syndicaux, les dirigeants d’entreprises via leurs fédérations, les pouvoirs publics via la SOGEPA ;
    b. mobiliser des ressources d’analyses - économique, financière et stratégique - internes à la SOGEPA ou des experts externes habilités à traiter en toute neutralité les questions spécifiques à la situation rencontrée par l’entreprise et payés par la Région lorsque l’intérêt du territoire le justifie.

    4. Assurer des solutions d’accompagnement et de financement pour les entreprises en difficulté, quelle que soit leur taille.

    Il s’agit en particulier de combler l’absence de dispositifs financiers pour soutenir les TPE-PME en difficultés ; or, ces entreprises représentent la majeure partie de l’activité économique tant en termes d’emploi que de valeur ajoutée.

    Cette dernière recommandation répond spécifiquement à l’interrogation de l’honorable membre quant aux plus petites entreprises et peut être détaillée de la manière suivante :
    a. développer un outil d’auto-diagnostic sur des facteurs de risques internes (gestion financière, capacité d’innovation …) et externes (nouvelles technologies, dépendance à des clients, marchés …) qui servent l’anticipation pour les entreprises de tous types et de toutes tailles.
    Il s’appuierait sur l’outil et l’expérience « Early Warning Scan » qui permet à un chef d’entreprise de tester la santé de son entreprise au travers d’un questionnaire regroupant les grandes thématiques de la gestion d’entreprise. L’entrepreneur est dès lors apte à détecter certains points de vigilance dans la gestion de son entreprise et de se faire accompagner par les conseillers du projet « Rebond » ;
    b. renforcer les dispositifs d’accompagnement pour la relance d’activités à destination des indépendants et TPE et assurer la coordination de l’offre entre les outils financiers et les opérateurs de l’animation économique.
    c. mettre en place un dispositif de financement spécifique aux indépendants et TPE en retournement. La décision d’intervention serait accélérée par la simplification et l’uniformisation des conditions de financement. Par ailleurs, la coordination avec les processus d’accompagnement serait grandement bénéfique.

    L’intégration récente du projet « Entreprise en rebond » (ex. Centre d’entreprises en difficultés) à la SOGEPA permet de répondre en grande partie aux recommandations et d’apporter des réponses multiples aux indépendants et TPE. Ce projet mené en collaboration avec les CCI a permis d’accompagner 2 247 dossiers entre 2013 et le 30 septembre 2019 avec 3 conseillers qui couvrent l’ensemble du territoire wallon.

    Pendant le 1er trimestre 2019, une évaluation du dispositif a été réalisée afin d’examiner les mesures à prendre pour :
    - permettre une meilleure accessibilité et assurer l’intégration du dispositif dans la chaîne de valeur de la SOGEPA ;
    - renforcer la chaîne de valeur du soutien au retournement et à l’anticipation des entreprises de toute taille ;
    - faire bénéficier les indépendants et les plus petites entreprises de l’expertise et du métier de la SOGEPA.