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Les conséquences de la renégociation de l'accord "Panel Hormones"

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 148 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 20/01/2020
    • de BOTIN Frederick
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le 28 novembre dernier, le Parlement européen s'est prononcé en faveur de la révision du traité « Panel Hormones » qui permet désormais aux États-Unis d'exporter davantage de viandes bovines dites de « haute qualité » (sans hormones) en Europe.

    Initialement le Mémorandum d'entente (MOU), qui court depuis 2009, établissait un contingent tarifaire à droits nuls de 45 000 tonnes de viandes bovines pour tous les pays étrangers fournisseurs de boeufs tels que le Canada, l'Argentine, les États-Unis ou encore l'Australie. Ce quota étant ouvert à tous les pays, la seule règle d'usage était « premier arrivé, premier servi ».

    La part du contingent récemment renégociée avec les États-Unis, et qui leur sera attribuée progressivement sur une période de 7 ans, n'a pas été divulguée par la Commission européenne. Certains affirment néanmoins que cette part, réservée exclusivement aux États-Unis, avoisinerait les 35 000 tonnes ; à savoir plus du double de la quantité qui est importée jusqu'à présent en provenance des États-Unis.

    Dès lors, ne faut-il pas craindre des demandes de compensations de la part des autres pays du panel ?

    En Belgique, le secteur de la viande bovine de « qualité supérieure » constitue un marché essentiel. Or les pays étrangers exportateurs de viandes dites de « haute qualité » tendent à viser le même segment de marché en Belgique que les éleveurs wallons, tels que notamment les éleveurs de blanc-bleu belge (BBB).

    Quelle lecture Monsieur le Ministre fait-il des possibles conséquences engendrées par l'augmentation du quota d'importation de viande américaine sur la filière wallonne de viande bovine ?

    Ces viandes importées dites de « haute qualité » devront-elles obligatoirement répondre aux normes européennes en vigueur pour l'alimentation des bovins ?

    Quels contrôles seront mis en œuvre à ce niveau ?
  • Réponse du 07/02/2020
    • de BORSUS Willy
    Le Memorandum d’entente révisé avec les États-Unis concernant les importations de bœufs non traités aux hormones est la conséquence d’un différend porté devant l’OMC et a pour objectif de mettre fin à la procédure contentieuse. Il a été négocié avec les États-Unis sur la base d’un mandat octroyé par le Conseil le 18 octobre 2018. L’accord obtenu avec les États-Unis a pour objectif de compléter et parfois remplacer certaines dispositions du Memorandum of Understanding existant entre l’UE et les États-Unis datant du 21 octobre 2013. Le but de la négociation, à la demande des États-Unis, était de transformer une partie du contingent « erga omnes » ouvert à tous, en « country allocated » réservé pour les États-Unis. Ainsi, le nouvel accord prévoit que 35 000 T métriques du contingent de 45 000 T pour le bœuf de haute qualité seront octroyés aux États-Unis, avec un phasing out de 7 ans (art. 1 et 2).

    Conformément au mandat du Conseil, le volume total du contingent tarifaire n’a pas augmenté. La gestion du contingent tarifaire par l’UE à l’égard des États-Unis continuera à se faire sur une base « first-come, first-served » (art. 3). À l’égard des autres pays exportateurs (Australie, Argentine, Uruguay, et cetera), la Commission conserve la possibilité d’appliquer le même principe ou de mettre en place un système de licences via un règlement de mise en œuvre. Le mandat prévoyait que l’accord devait permettre de clôturer la dispute à l’OMC et donc impliquer le renoncement par les États-Unis à leurs menaces de représailles.

    L’accord prévoit que les États-Unis s’engagent, pendant au moins 7 ans, à ne pas demander de révision du panel et ne pas introduire de sanction commerciale. L’accord prévoit par ailleurs que le fonctionnement du contingent pourra être revu au plus tard 10 ans après l’entrée en vigueur de l’accord, et qu’une décision de notifier la fin du différend à l’OMC devra être prise au maximum 11 ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Il permet ainsi une paix commerciale pendant toute la période de mise en œuvre de l’accord, soit environ 11 ans. En effet, les États-Unis ne pourront plus imposer de sanctions en vertu de la section 306(c) du Trade Act ou porter le différend devant un nouveau panel de l’OMC (art. 4). Si aucun consensus ne peut être trouvé sur la fin du différend après les 11 ans de mise en œuvre, le statu quo continuera de s’appliquer. Les Parties conservent toutefois la possibilité de se retirer unilatéralement de l’accord moyennent un préavis de 6 mois, mais la Commission souligne que ni l’UE, ni les États-Unis n’y auraient intérêt puisque le contingent tarifaire au bénéfice des États-Unis disparaîtrait entièrement (article 6). La Commission précise par ailleurs qu’un retrait de cet accord n’entraînerait pas de retrait du MoU de 2014, tandis qu’un retrait du MoU de 2014 aurait également pour conséquence un retrait du nouvel accord. L’accord prévoit un nouveau droit pour l’UE de procéder à un audit (« on-the-spot check ») sur le territoire américain, permettant ainsi aux spécifications UE d’être respectées (article 5). Les données techniques liées à la définition de « bœuf sans hormone » n’ont pas été discutées, conformément au mandat. Conformément à l’article XIV du GATT, les trois autres fournisseurs substantiels (Argentine, Australie et Uruguay) ont dû être consultés et ont marqué leur non-opposition à cet accord. Les arguments mis en avant par la Commission furent le phasing out de 7 ans qui adoucira considérablement les effets sur leurs économies et surtout les négociations en parallèle d’accords commerciaux entre l’UE et ces pays.

    Au niveau des demandes de compensation qui auraient pu être introduites en retour, ces pays ont été dûment contactés préalablement en amont de la décision et mis au fait par les services de la Commission européenne. Ils ont ainsi pu appréhender l’enjeu et accepter de ne pas solliciter de telles demandes au titre des dispositions du GATT.

    S’agissant d’un accord international, le texte devait être approuvé par le Conseil et par le Parlement européen. Du côté américain, un décret du Congrès a dû être adopté. L’accord est entré en vigueur le 1er janvier 2020.

    Le segment de marché des produits de viande bovine de haute qualité est effectivement un objectif ciblé par une série de pays tiers. Ce qui accentue la pression sur le marché interne de l’Union européenne, les prix offerts pour les produits européens et aussi, dans un deuxième temps, des animaux vivants, accroissant d’autant la crise que vit le secteur agricole.

    Mais la réservation des 35 000 tonnes pour les États-Unis n’a aucun effet direct sur le volume total qui est importé au titre de la révision de ce mémorandum de compréhension et des réglementations européennes correspondantes.

    L’AWEx, en tandem avec l’APAQ-W et en synergie avec FEVIA, a lancé en 2019 une campagne de promotion de la viande bovine couvrant 2020 dans le cadre de sa participation à une vingtaine de grands salons internationaux de l’alimentation en Europe, en Asie et sur le continent américain. De plus, une enquête est en cours impliquant l’ensemble des postes CEC AWEx à l’étranger afin de définir des marchés et/ou niches potentiels pour nos abattoirs dans le cadre du Groupe de Travail Viandes constitué fin 2016 à l’initiative du Gouvernement wallon.

    Par rapport aux normes européennes, le respect des normes sanitaires européennes est un prérequis à l’importation et les règlements européens définissent explicitement les modalités et normes. Celles-ci sont appliquées chez nous par les services de l’AFSCA et des Douanes.

    Que l’honorable membre soit assuré que le nouveau Gouvernement wallon suit et continuera à suivre ce dossier de manière minutieuse afin de limiter les effets néfastes pour l’économie de notre Région.