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La directive (EU) 2019 /1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la restructuration et l'insolvabilité

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 153 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 22/01/2020
    • de TZANETATOS Nicolas
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La directive européenne sur la restructuration et l'insolvabilité (directive (EU) 2019 /1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019) a pour objectifs :
    - d'offrir aux entreprises viables et aux entrepreneurs en difficulté, l'accès à des cadres de restructuration préventive efficaces au niveau national, ce qui leur permettrait de poursuivre leurs activités ;
    - de permettre aux entrepreneurs honnêtes insolvables, le bénéfice d'une remise de dettes totale au terme d'un délai raisonnable, ce qui leur offrirait une seconde chance ;
    - une plus grande efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, notamment afin d'en raccourcir leur durée.

    La PRJ que nous connaissons en Belgique va dans ce sens et le travail actuel de la SOGEPA démontre sa réussite en accompagnant les entreprises en retournement. Ces mécanismes permettent de protéger les travailleurs et de conserver l'emploi.

    La directive européenne met l'accent sur l'alerte précoce et l'accès aux informations, notamment par le recours aux technologies informatiques. Cela permettrait aux débiteurs de pouvoir bénéficier de mécanismes d'alerte qui leur permettront de détecter une probable insolvabilité et de pouvoir réagir.

    Monsieur le Ministre peut-il m'indiquer l'avenir de la transposition de cette directive au niveau régional ?

    En Flandre, il existe un système a priori qui permet, comme son nom l'indique, d'anticiper les problèmes que pourrait rencontrer une entreprise.

    Ne serait-il pas judicieux d'étudier la mise en place d'un tel système en Wallonie ?

    En effet, lorsqu'une entreprise demande de l'aide, c'est qu'un problème est déjà présent. Un mécanisme de prévention serait dès lors davantage judicieux.

    La Déclaration de politique régionale entend mettre fin à la stigmatisation des entrepreneurs, entreprises et indépendants faillis de bonne foi en travaillant sur la perception des acteurs économiques et sur le soutien post-échec à leur apporter.

    Ne serait-il pas également important de ne pas les aider seulement a posteriori ?
  • Réponse du 10/02/2020
    • de BORSUS Willy
    La directive 2019/1023 prévoit une harmonisation minimale des cadres de restructuration préventive. Elle vise à fournir au débiteur des outils lui permettant d'entamer des démarches de restructuration lorsqu'il existe un risque d'insolvabilité et prévoit des règles relatives aux secondes chances accordées aux entrepreneurs-personne physique (comme la remise de dettes) tout en améliorant l'efficacité des procédures d'insolvabilité.

    Concrètement, la directive prévoit que les États membres doivent :
    - mettre en place un cadre de restructuration préventive ;
    - veiller à ce que le débiteur conserve le contrôle, au moins partiel, de ses actifs et de la gestion quotidienne de son entreprise ;
    - s'assurer que les poursuites individuelles à l'encontre du débiteur puissent être suspendues ;
    - mettre en place une procédure permettant aux entrepreneurs-personne physiques insolvables de bénéficier d'une remise de leurs dettes ;
    - améliorer le traitement électronique des procédures et approfondir la mise en place d'un système permettant aux praticiens ainsi qu'aux autorités judiciaires et administratives d'effectuer certaines actions via des communications électroniques.

    Dès lors :

    1. Qu’en est-il de la transposition de cette directive en Région wallonne ?
    La directive 2019/23 est entrée en vigueur le 16 juillet 2019 et doit être transposée pour le 17 juillet 2021 au plus tard.
    La matière de l’insolvabilité et de la discontinuité est une matière fédérale, d’ailleurs actuellement encadrée par le Code de Droit économique (CDE), livre XX.
    Ces mesures seront probablement adaptées/approfondies pour le 17 juillet 2021 afin de rendre le cadre actuel conforme aux nouveautés européennes.
    Il est toutefois envisageable que des aspects spécifiques de la directive nécessitent une adaptation de certains mécanismes régionaux (par exemple, un approfondissement des mesures d’aides et de soutien aux entreprises …).

    Les mesures préventives actuellement en vigueur :

    En ce qui concerne le système actuellement en vigueur, le Code de Droit économique prévoit diverses mesures préventives, soit des mesures qui permettent d’identifier les problèmes rencontrés par les entreprises et d’assister celles-ci dans leur redressement, antérieurement à l’introduction d’une procédure de discontinuité (faillite, liquidation, procédure de réorganisation judiciaire(PRJ)) : il s’agit du but visé par la directive 2019/1023.

    Il est donc opportun de souligner brièvement ces mécanismes existants, qui contribuent déjà sensiblement à la mise en place d’un système de prévention :
    - Les chambres des entreprises en difficulté : ces chambres sont instituées au sein des tribunaux de l’entreprise. Les juges consulaires qui les composent disposent de diverses informations financières relatives aux entreprises (via les institutionnels - ex : retards de paiement ONSS, … / via la BNB - ex : non-dépôt des comptes / via les avis de saisies, les retraits d’enregistrement d’un entrepreneur …). La mission principale de ces chambres est de contribuer à assurer la continuité des entreprises en difficultés lorsque celle-ci n’est pas irrémédiablement compromise. Il arrive toutefois que ce soit via ces chambres que le Parquet (section ECOFIN) procède à des citations en faillite ou à des transferts forcés de certaines entreprises, s’il s’avère que ces entités ne disposent pas de perspectives de redressement ou qu’elles soient sans activité régulière : cela permet d’éviter l’accroissement du passif de ces entités et la dissipation de leurs actifs.
    - La nomination d’un mandataire de justice, d’un médiateur d’entreprise, d’un administrateur provisoire, ou d’un administrateur au dessaisissement provisoire : ces désignations peuvent intervenir, en fonction des cas, à la requête de tout tiers (dont l’entreprise) ou du parquet. Ces acteurs ont des missions différentes, mais, globalement, il s’agit de permettre à l’entité en difficulté de se relever grâce à l’aide et au soutien apportés par ces professionnels, hors le cadre d’une procédure de discontinuité. De manière générale, ces mesures n’entraînent pas une dépossession totale du contrôle de l’entreprise par son dirigeant, et impliquent plutôt une collaboration entre celui-ci et le mandataire/administrateur, collaboration visant à implémenter des mesures entraînant son redressement.
    - L’accord amiable extra procédural : il s’agit d’un accord amiable qui est élaboré entre l’entreprise et ses créanciers (au moins deux) en toute discrétion, hors de toute procédure judiciaire dont l’écho médiatique peut nuire au crédit de l’entreprise. Cet accord permet un redressement négocié avec les créanciers concernés, ceux-ci préférant souvent consentir volontairement à des réductions de créances ou à des plans d’apurement plutôt que d’être placés devant le fait accompli via, par exemple, une PRJ. Cet accord peut être homologué par le Tribunal.

    Au-delà de ces mesures préventives, qui s’inscrivent dans une optique de redressement indépendante de toute procédure de discontinuité, il convient de relever que des procédures de discontinuité sont aussi prévues par le CDE. La Procédure de Réorganisation Judiciaire, comme on le sait, a pour but de préserver la continuité de tout ou partie de l’entreprise sous le contrôle du Juge tout en permettant au débiteur de bénéficier d’une période de sursis durant laquelle l’exigibilité des dettes ouvertes au jour de l’entrée en PRJ est suspendue. Précisons qu’un administrateur provisoire peut également être désigné pour épauler une entreprise en PRJ.

    En ce qui concerne la remise de dette :

    La directive insiste sur l’importance de la remise de dette, qui permet à l’entrepreneur de reprendre une activité économique sans un passif disproportionné.

    À cet égard, la procédure d’effacement des dettes du failli-personne physique a été instaurée par le CDE, en remplacement du régime de l’excusabilité. D’autres mesures peuvent, indirectement, entraîner une situation de remise de dette ; une PRJ par transfert d’actifs, un accord amiable qui vise un abattement des créances …

    En ce qui concerne l’informatisation du système :

    Au niveau électronique, la base de données REGSOL et le registre des gages permettent maintenant aux créanciers de disposer d’informations importantes concernant l’état économique et financier de leur débiteur. Via le REGSOL, les mandataires peuvent publier toute une série d’informations importante concernant la PRJ ou la faillite. Le créancier peut notamment déposer sa déclaration de créance en ligne (qu’il soit face à une faillite ou à une PRJ) et avoir accès aux autres déclarations de créances et à la requête en ouverture de PRJ, ce qui lui permet de disposer d’une bonne vue sur la crédibilité de la procédure de discontinuité de son débiteur et ses possibilités de désintéressement. N’oublions en outre pas les bases de données classiques qui permettent d’avoir un accès aux données relatives aux sociétés : BCE, BNB, FINACTUM, et cetera.

    2. De manière globale ne serait-il pas judicieux d’aider les Entrepreneurs plus anticipativement ?
    Les diverses mesures reprises au point 1 démontrent que le cadre légal actuel prévoit déjà un certain accompagnement de l’entrepreneur « avant » que celui-ci ne soit clairement en discontinuité. Un pas plus important avait été fait par les parlementaires avec le « prépack », mais ce projet n’a pas été finalisé.

    En ce qui concerne plus précisément la SOGEPA, celle-ci apporte une véritable expertise (via les conseillers qui siègent aux CA, en tant qu’observateur ou administrateur) dans l’accompagnement quotidien des affaires des sociétés au sein desquelles elle intervient, ce qui permet à celles-ci d’éviter de rencontrer (le cas échéant, à nouveau) des schémas de discontinuité.

    Par ailleurs, par ses nombreux contacts avec les acteurs financiers, mais également les professionnels du chiffre et du Conseil, la SOGEPA cherche à développer un véritable « réflexe SOGEPA » pour inciter les entreprises en difficulté ou en risque de crise de prendre contact le plus tôt possible avec la SOGEPA.

    Pour anticiper les phases de restructurations et accompagner davantage les entrepreneurs, la SOGEPA a développé une cellule d’analyse économique et stratégique. Son but est de développer une véritable expertise sur le tissu économique wallon et mieux anticiper les changements et les restructurations sectorielles.