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L'article 13ter du Code wallon du logement et de l'habitat durable

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 98 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 04/02/2020
    • de SAHLI Mourad
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Comme Monsieur le Ministre le sait, la lutte contre la location de logements ne respectant pas les critères minimaux de salubrité et de sécurité s'est fort intensifiée au cours de ces dernières années, ce qui constitue une excellente chose.

    Pour ce faire, le Code wallon du logement et de l'habitat durable (CWLHD), ainsi que ses arrêtés d'exécution, dotent les instances locales et régionales de multiples outils tendant à endiguer ce phénomène affectant principalement les plus démunis.

    Parmi ces outils figure notamment l'interdiction d'occuper que peut prononcer un bourgmestre à l'encontre d'un logement jugé inhabitable au terme d'une enquête de salubrité.

    Pour assurer le respect d'une telle interdiction, l'article 13ter du CWLHD prévoit la possibilité pour l'administration régionale d'infliger une amende administrative au bailleur qui loue un logement « dès que celui-ci est frappé d'un arrêté d'interdiction d'occuper par le bourgmestre ou le Gouvernement ».

    L'intervention conjointe des instances locales et régionales dans l'application de cette disposition peut toutefois poser problème en pratique, notamment lorsque l'arrêté d'interdiction d'occuper accorde un délai au locataire pour quitter le logement.

    En effet, au regard des manquements relevés lors de l'enquête de salubrité, un bourgmestre accorde bien souvent à l'occupant du logement incriminé un délai pouvant s'étendre sur plusieurs mois, afin de lui permettre de se reloger.

    Toutefois, le prescrit de l'article 13ter laisse penser qu'une amende peut être infligée au bailleur dès le premier jour de l'arrêté d'interdiction, soit au cours de cette période transitoire dont pourrait bénéficier le locataire expulsé.

    Il n'est d'ailleurs pas rare que l'administration régionale fasse application de cette disposition en raison d'une occupation qui se poursuit durant cette période de transition.

    Or, une application trop stricte du texte pourrait avoir pour effet de priver un locataire de tout ou partie du délai qui lui serait accordé par le bourgmestre, de sorte qu'il se retrouverait du jour au lendemain expulsé, sans solution de relogement.

    Plus grave encore, cette disposition ainsi interprétée semble pouvoir servir d'alibi à un propriétaire défaillant - menacé d'une amende administrative - pour expulser un locataire sans aucun respect du délai qui lui serait accordé pour se reloger dans des conditions conformes à la dignité.

    À cet égard, si des solutions de relogement doivent être proposées par les communes dans le cadre d'une telle expulsion, il apparaît qu'en pratique elles ne soient souvent pas en mesure de trouver une alternative à aussi brève échéance.
    Dès lors, la commune et le locataire se retrouveraient tous les deux pénalisés par l'application stricte de la sanction prévue à l'article 13ter du CWLHD.

    Tenant compte de ces éléments, Monsieur le Ministre pourrait-il préciser le champ d'application de cette disposition ? Doit-elle s'entendre comme étant applicable dès la prise de l'arrêté d'interdiction d'occuper, malgré le délai accordé au locataire pour se reloger ou, à l'inverse, doit-elle être considérée comme étant applicable à compter du départ du locataire, dans le respect de ce délai ?
  • Réponse du 28/02/2020
    • de DERMAGNE Pierre-Yves
    Je confirme que la lutte contre la location de logements ne respectant pas les critères minimaux de sécurité, salubrité et d’habitabilité est bien une priorité pour mon administration, et ce, depuis plusieurs années.

    Le Code de l’habitation durable prévoit, après la fixation des critères minimaux de sécurité, salubrité et d’habitabilité, la procédure à suivre pour mener des enquêtes dans les logements critiques. C’est en collaboration avec les communes que les enquêteurs régionaux - mais aussi communaux - réalisent des visites, souvent à l’initiative des locataires eux-mêmes. À l’issue de celles-ci, les enquêteurs adressent leur rapport sur l’état du bien à l’occupant, au titulaire du droit réel sur le logement, mais également au bourgmestre, lequel statue sur les mesures à prendre en fonction du résultat des investigations. Ainsi, il arrive que les bourgmestres soient amenés à prendre, dans les trois mois du rapport, une décision déclarant le logement inhabitable et ordonnant aux locataires de quitter les lieux dans un certain délai, le plus souvent trois mois à dater de l’arrêté.

    Comme indiqué dans la question, l’article 13ter du Code de l’habitation durable permet d’infliger une amende administrative au bailleur qui loue une habitation, dès que celle-ci est frappée d’un arrêté d’interdiction d’occuper.

    L’inquiétude quant à une application trop stricte du texte, qui pourrait avoir pour conséquence de priver un locataire de tout ou partie du délai qui lui serait accordé par le bourgmestre pour quitter son logement, est parfaitement légitime.

    Il est donc important de préciser que le but de la disposition est de sanctionner le bailleur qui loue un logement qui ne respecte pas les critères minimaux de sécurité, de salubrité et d’habitabilité, à un point tel qu’il existe un risque pour la santé ou la sécurité des occupants. C’est la raison pour laquelle, après avoir mis les intérêts de chacun en présence, le bourgmestre décide de prononcer un arrêté d’inhabitabilité.

    Dans de tels cas, la volonté du législateur est bien de sanctionner le bailleur dès la prise de l’arrêté d’inhabitabilité. Il faut savoir qu’à cette date, le logement a fait l’objet d’une visite, bien souvent quelques semaines au préalable ; que l’occupant et le bailleur ont pu être entendus quant aux conditions d’occupation et de relogement, pour l’un, et quant aux mesures prises ou qui vont être prises, pour l’autre. C’est à l’issue de cette audition que le bourgmestre décide de prendre son arrêté.

    L’infraction existe dès la prise de celui-ci et n’est en rien liée à une éventuelle poursuite de l’occupation, fût-ce durant la période laissée aux locataires pour trouver à se reloger.

    Ce qui est reproché au bailleur, c’est d’avoir procédé à la mise en location d’un logement qui n’est pas salubre et dont il est responsable de l’état. Dès lors, on ne comprendrait pas pourquoi le bailleur ne serait sanctionné qu’à l’issue du délai donné aux locataires pour trouver un autre logement. Ce délai supplémentaire, au regard de l’infraction consommée, ne ferait que lui permettre d’éviter l’amende.

    En ce qui concerne le délai accordé par le bourgmestre au locataire pour quitter les lieux, celui-ci a pour but de lui permettre de trouver un autre logement n’entraînant plus de danger pour lui et sa famille ; il ne modifie pas les obligations du bailleur vis-à-vis de son locataire. Nous nous trouvons ici dans le cadre des obligations conventionnelles entre les deux parties, par lesquelles le locataire, privé de la jouissance du bien loué, peut réclamer réparation auprès du juge de paix, si le fait générateur de l’interdiction d’occuper résulte de la responsabilité du bailleur.

    Dans l’examen des dossiers relatifs à l’application de l’article 13ter du Code de l’habitation durable, mon administration veille, dès lors, à vérifier que le bailleur a entrepris les mesures destinées à réhabiliter le logement dès qu’il a eu connaissance des manquements, plutôt que d’expulser un locataire afin d’éviter l’amende administrative.

    La prise en compte de la date de l’arrêté plutôt que du délai accordé aux locataires pour quitter les lieux permet justement d’éviter des expulsions immédiates dès la prise de l’arrêté, l’infraction étant déjà consommée.

    Par ailleurs, un bailleur peu scrupuleux qui remettrait son logement en location sans avoir obtenu la levée de l’arrêté ou poursuivrait la mise en location du bien loué malgré l’arrêté (200bis, § 1er 1°) peut également faire l’objet d’une amende administrative, laquelle est doublée par rapport à celle prévue à l’article 13ter.