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Le positionnement du Gouvernement wallon par rapport à la nouvelle Politique agricole commune (PAC)

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 200 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 10/02/2020
    • de COURARD Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Selon une récente enquête du New York Times, « la PAC est un système qui sape complètement les objectifs environnementaux de l'Union européenne » et donc de son « Green deal ».

    Sur les quelque 60 milliards d'euros que la politique agricole commune attribue aux exploitants des États membres sous forme de subventions, environ deux tiers seraient attribués aux exploitations en fonction de la taille de celles-ci, les incitant - toujours selon l'enquête - à s'agrandir constamment et donc à favoriser des systèmes plus industriels et moins respectueux de l'environnement.

    Ce modèle aurait donné lieu à la fermeture de nombreuses petites exploitations familiales au profit de modèles industriels. Ainsi, de 2003 à 2013, une ferme sur quatre aurait disparu en Europe. Si bien qu'aujourd'hui, 3 % des exploitations de l'Union européenne réunissent 52 % des terres !

    Loin de moi l'idée de vouloir dresser le bilan de la PAC ou de faire son procès. Néanmoins, je crois que comme moi, Monsieur le Ministre partage la volonté de soutenir et de développer une agriculture soutenable, diversifiée et de qualité ; comme moi, il veut soutenir les agriculteurs dans le rôle essentiel qu'ils jouent dans l'offre d'une alimentation saine et de saison.

    Dans ce cadre, quelle est la position de la Région wallonne par rapport aux objectifs qui seront fixés par la nouvelle PAC, notamment en vue de ne pas compromettre le « Green deal » ?

    Dans le même temps, comment compte-t-il concilier les aspects environnementaux wallons avec la nécessité de politiques communes au sein de l'Union européenne pour lutter contre les politiques chinoises, américaines ou encore brésiliennes ?

    Et donc somme toute, comment concilier le développement d'élevages locaux et du « manger local » avec les objectifs du « Green deal » et de la nouvelle PAC ?

    Quelle place la Wallonie entend-elle accorder au développement de surfaces agricoles biologiques ?
  • Réponse du 28/02/2020
    • de BORSUS Willy
    Comme l’honorable membre le mentionne, la Commission européenne a récemment présenté son « Green deal » (le Pacte Vert pour l’Europe). Il s’agit d’une nouvelle stratégie de croissance durable qui consiste en un ensemble de programmes et de mesures transversales en faveur d’une transition écologique, sociale et économique : réduction des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité en 2050, protection de la biodiversité, économie circulaire et sobre en ressources, investissements dans la recherche et l’innovation, soutien public aux secteurs et régions en difficulté... L’Union européenne veut se positionner en chef de file mondial dans ces domaines.

    Le Pacte Vert se décline en une série de politiques-clefs, dont l’une est la stratégie « farm to fork » (« F2F » : « de la fourche à la fourchette »). Cette stratégie, dont la publication est attendue pour fin mars, doit conduire l’Europe vers un nouveau système alimentaire, qui devra fournir des aliments sains, sûrs, abordables et en quantité suffisante, avec un impact réduit sur l’environnement, la biodiversité et le climat.

    Parmi les ambitions annoncées à ce jour, la stratégie F2F relèvera le niveau d’ambition de réduction de l’usage et des risques liés aux pesticides, aux fertilisants et aux antibiotiques. L’agriculture biologique sera mise en valeur. Des techniques agricoles comme l’agroforesterie ou la sélection végétale devraient être renforcées. La stratégie F2F contribuera à la mise en œuvre d’une économie circulaire et renforcera la lutte contre la fraude alimentaire. Enfin, elle explorera les moyens de mieux informer les consommateurs et de promouvoir une consommation durable et saine.

    Au vu de ces objectifs, il apparaît évident que les agriculteurs sont des acteurs-clefs dans la réalisation de cette transition. C’est pourquoi la réforme de la PAC, actuellement en cours, est étroitement liée à la stratégie F2F.

    La Wallonie soutient la transition prévue dans le Pacte Vert et la stratégie F2F. Cependant, nous restons attentifs à ce que les réalisations dans les domaines de la politique agricole, de la souveraineté alimentaire et de la santé publique ne soient pas compromises.

    Il y a donc besoin d’alternatives, de ressources, de recherche, d'innovation et d'une bonne évaluation des impacts avant de prendre des mesures.

    Beaucoup d'efforts sont demandés à l'agriculture alors qu'il subsiste beaucoup d’incertitudes : négociations du budget européen, période de transition, rédaction des plans stratégiques... Les efforts demandés aux agriculteurs européens ne pourront se faire qu’avec un soutien suffisant. La PAC est ici essentielle, mais d'autres instruments peuvent également être mobilisés, comme le programme de recherches Horizon Europe et la Banque européenne d'investissement.

    La Commission européenne a un rôle important à jouer pour maintenir une approche coordonnée et des conditions équitables. Il est notamment essentiel de savoir comment la Commission utilisera le Pacte Vert pour évaluer les plans stratégiques de la PAC.

    Les États membres assurent la mise en œuvre de la PAC. Il leur appartient de définir les mesures à prendre pour atteindre les ambitions. Nous estimons que la Wallonie doit miser sur ses atouts : l'agriculture de précision, les prairies permanentes, l'agriculture biologique sont, entre autres, des moyens efficaces de réduire les émissions de gaz à effet de serre et doivent être soutenus.

    Pour ce qui concerne l’agriculture biologique, rappelons qu’en 2013, la Wallonie s’est dotée d’un Plan stratégique bio, qui a été renforcé en 2017 et que nous avons défini dans la Déclaration de politique régionale un objectif de 30 % de surfaces bio en 2030. La Wallonie continuera à soutenir le bio, en axant ses actions sur la recherche, le développement, l’encadrement, la formation et la promotion, et ce en tenant compte des capacités du marché.

    Défendre le bio et le « manger local » passe aussi par une meilleure information des consommateurs, notamment en soutenant le développement des labels officiels tels que la certification pour la production biologique, les labels liés à l’origine et à la tradition (AOP, IGP, STG) et le label régional de qualité différenciée. Les circuits courts et la production de proximité sont soutenus via des structures d’accompagnement et grâce à la mise en place d’outils collectifs tels que les halls relais, les abattoirs de proximité, et cetera.

    Enfin, nous devons rester vigilants à la question du commerce international. Il faut garder à l’esprit qu’une politique trop restrictive peut entraîner une perte de compétitivité. La production agricole risquerait alors d’être réalisée hors de l'UE, à moins qu'elle ne soit compensée par des restrictions d'importation pertinentes.

    Il est donc important de conclure des accords commerciaux qui valorisent les efforts en matière de normes sanitaires, de climat, d'environnement et de biodiversité. Les accords commerciaux internationaux sont importants et il ne peut pas être question d'exporter hors UE les émissions, les pollutions et la pression sur l'environnement.

    Dans le même ordre d’idée, la traçabilité des produits importés doit être améliorée et l'UE doit prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les produits importés répondent aux exigences européennes.