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Les mesures prises contre le rejet des nitrates dans les cours d'eau

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 206 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 19/02/2020
    • de COURARD Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Comme Monsieur le Ministre le sait certainement, la Wallonie compte un peu plus de 500 exploitations porcines. Ces exploitations génèrent du lisier qui, la plupart du temps, est par la suite épandu sur les champs. Nos terres wallonnes, gorgées de lisier, récupèrent donc les différents nutriments.

    Certains d'entre eux finissent dans nos rivières et cours d'eau, c'est notamment le cas des nitrates. Lorsque ces nitrates dépassent un certain seuil, ils nourrissent les algues vertes. Plus la quantité est importante dans l'eau, plus celles-ci prolifèrent.

    En arrivant sur les berges des cours d'eau ou bien sur les plages dans d'autres régions d'Europe, ces algues vertes se décomposent et dégagent de l'hydrogène sulfuré. Ce gaz, très toxique, s'apparente au cyanure.

    Le risque de syncope pour les êtres vivants (humains et animaux) est élevé. De plus, une exposition trop longue à l'hydrogène sulfuré pourrait provoquer un arrêt cardiaque et/ou pulmonaire.

    Dès lors, Monsieur le Ministre peut-il me dire s'il existe des dispositions qui sont prises pour les exploitations porcines en Wallonie ?

    Des relevés sont-ils effectués dans les champs ?

    Existe-t-il un additif biologique qui réduit les quantités de nitrates dans les sols ?
  • Réponse du 11/03/2020
    • de BORSUS Willy
    L’honorable membre m’interpelle sur des questions de qualité des eaux qui relèvent en bonne partie des compétences de ma collègue, Madame Céline Tellier, et il évoque des conséquences inquiétantes pour la santé qui relèveraient plutôt des compétences de ma collègue, Madame Christie Morreale, mais je tiens à recontextualiser notre situation.

    L’élevage porcin génère, comme l’élevage bovin ou avicole, des lisiers et autres formes d’effluents d’élevage que l’on peut aussi qualifier d’engrais de ferme. À l’inverse de régions voisines comme la Flandre, les Pays-Bas ou la Bretagne, les engrais de ferme issus de l’élevage porcin ne représentent qu’une faible partie des « lisiers » wallons : à l’instar d’autres régions ou pays comme le Grand-Duché ou l’Irlande, plus de 80 % de notre cheptel, calculé en UGB ou Unités Gros Bétail, est constitué de bovins. Les porcs représentent une dizaine de pour cent et ont connu une nette régression ces dix dernières années.

    Le développement d’algues vertes est un symptôme de l’eutrophisation ou de l’enrichissement excessif en matières nutritives des eaux de surface, mais, contrairement aux idées reçues, le principal agent incriminé comme facteur limitant est plutôt le phosphore que le nitrate.

    Concernant l’hydrogène sulfuré, je tiens à le rassurer : il ne peut être produit en fortes quantités que lorsqu’il y a de fortes accumulations d’algues en décomposition et un apport de soufre sous la forme de sulfate. Ces conditions ne sont rencontrées et ne donnent lieu à des émissions significatives que dans le contexte de l’eau de mer et des côtes bretonnes.

    Si le nitrate et le phosphore se retrouvent dans nos cours d’eau, c’est qu’ils ne sont pas sur le champ et ne servent plus de fertilisants pour nos cultures. La première démarche que nous promotionnons dans ce que l’on qualifie aujourd’hui d’économie circulaire est donc bien de valoriser les engrais de ferme au mieux sur nos parcelles agricoles.

    Il existe bien entendu des dispositions réglementaires pour les exploitations porcines comme pour les autres. Les permis d’environnement ou permis uniques intègrent la mise en œuvre de conditions intégrales ou sectorielles et les épandages sont réglementés via le programme de gestion durable de l’azote en agriculture (PGDA), actuellement PGDA 3, transposition de la directive nitrate européenne. La déclaration gouvernementale prévoit l’évaluation de ce PGDA 3 et l’élaboration du PGDA 4.

    Dans le cadre de ce PGDA, le taux de liaison au sol de chaque exploitation est déterminé et, en cas de production de quantités d’effluents d’élevage supérieures à ce qui peut être valorisé sur les parcelles de l’exploitation, des contrats d’épandage sont établis avec d’autres agriculteurs. Des dates et conditions d’épandage sont fixées. De nombreux relevés sont réalisés et l’APL ou azote potentiellement lessivable est mesuré, avec régime de sanctions en cas de dépassement des seuils.

    En ce qui concerne les additifs biologiques, l’ASBL AGRA OST, financée par la Wallonie, a testé depuis des années la plupart des additifs proposés sur le marché pour les lisiers. Les conclusions sont univoques : les effets sont souvent nuls et parfois faibles, mais ils ne justifient jamais le coût du produit. Ces faibles effets peuvent être variés, mais en aucun cas, ils ne consistent en une réduction de l’azote contenu dans ces matières. Les seules réductions possibles de nitrate seraient d’émettre cet azote dans l’atmosphère sous la forme d’ammoniaque, et il n’est nullement souhaitable de combattre une éventuelle pollution de l’eau en générant une pollution de l’air.

    En tout état de cause, il serait dommage de se priver d’une telle matière fertilisante, et nous continuerons à œuvrer pour valoriser au mieux la ressource que constituent les engrais de ferme, pour l’environnement comme pour l’économie de notre agriculture.