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La situation humanitaire en Colombie

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 49 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 19/02/2020
    • de GROVONIUS Gwenaëlle
    • à DI RUPO Elio, Ministre-Président du Gouvernement wallon
    Il y a quelques jours, le parti/mouvement Colombia Humana nous faisait parvenir un communiqué de presse sur la situation humanitaire en Colombie, ainsi que les noms et activités des personnes assassinées au mois de janvier 2020.

    On y apprenait que, le 30 janvier dernier, Jhonatan Borja Perez et Ivan Giraldo Fuqueme ont été assassinés à Palmira, dans le département de Valle del Cauca. Les deux hommes, militants politiques de gauche (convergence Colombia Humana, Union Patriotica, Polo Democratico), dénonçaient des faits de corruption dans leur municipalité, Candelaria, liant le pouvoir politique local aux intérêts économiques de la région, notamment ceux de la culture de canne à sucre.

    On y apprend également que le mois de janvier 2020 est le plus sanglant depuis la signature des Accords de paix en 2016 ; chaque jour, un leader social ou politique, un ex-guérillero des FARC ou un membre de sa famille est assassiné. Depuis l'arrivée au pouvoir de la droite dure du Président Duque, la violence semble s'être accrue contre toutes celles et ceux qui portent une alternative, défendent leur territoire ou dénoncent la corruption.

    La Colombia Humana, en particulier sa section belge, lance donc un appel aux autorités belges et européennes afin de prendre des mesures immédiates pour faire cesser ce massacre. Selon elle, le levier le plus puissant à leur disposition est la suspension de l'accord de libre-échange entre l'UE et la Colombie qui prévoit une clause de droits humains susceptible d'être activée.

    En Wallonie, l'accord UE-Colombie a été ratifié par une courte majorité en juillet 2018. Nous ne pouvons donc plus agir à ce niveau-là.

    Les informations relayées par Colombia Humana sont-elles exactes?

    Que peut répondre Monsieur le Ministre-Président à leur appel à la suspension de l'accord de libre-échange?
  • Réponse du 15/06/2020
    • de DI RUPO Elio
    L’accord commercial global entre l’Union européenne, la Colombie, le Pérou et l’Équateur est entré en vigueur de manière provisoire en 2013 pour le Pérou et la Colombie et en 2017 pour l’Équateur.

    La Belgique est le seul État membre de l’Union européenne à ne pas encore avoir ratifié cet accord.

    La Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région de Bruxelles-Capitale ne l’ont en effet pas encore ratifié.

    En ce qui concerne la plainte contre le Pérou, elle vise le non-respect de ses engagements en matière de droit du travail et de l’environnement dans le cadre du chapitre « commerce et développement durable » de l’accord commercial.
    Sous la précédente législature, la Commissaire en charge du commerce, Mme Malmstrom, a adressé un courrier aux autorités péruviennes. Une mission d’enquête a été dépêchée au Pérou en 2018.

    Cette pression sur les autorités péruviennes a amené ces dernières à établir un plan d’action pour mettre en œuvre les engagements contractés. Ce plan a été exposé lors d’une réunion du comité «commerce et développement durable».

    Le comité « commerce et le développement durable » a mis en place un monitoring pour s’assurer du suivi réel des engagements pris par Lima.

    Sa dernière évaluation établit que le Pérou fait, certes, preuve d’engagements, mais qu’il y a encore des progrès à réaliser.

    Dans le domaine des droits du travail, l’inspection du travail serait renforcée et un plan national de lutte contre le travail informel aurait été mis en place. Le comité constate également des efforts pour lutter contre le travail des enfants, mais un des points sensibles reste l’implication de la société civile.

    Ce comité « commerce et le développement durable » est un élément essentiel de suivi des engagements pris dans le domaine du développement durable. Il a été créé dans le cadre de cet accord et il se réunit tous les ans.

    La dernière réunion a eu lieu à Bogota en octobre 2019. La prochaine doit se tenir cette année à Bruxelles.

    Ces réunions sont couplées à la tenue d’un forum de la société civile créé aussi par l’accord.

    Le rôle de ces deux organes est, notamment, de contrôler le respect des engagements pris dans le cadre du chapitre « commerce et développement durable ».

    Dans ce cadre, ils constatent que la mise en œuvre des engagements pris progresserait dans les trois pays, mais pas sur tous les plans.

    Si des améliorations sont constatées dans les domaines du droit du travail, il en va autrement en ce qui concerne les droits humains et la liberté syndicale. On enregistre des violences contre les syndicats en Colombie et des problèmes importants quant aux conditions de travail dans le secteur bananier en Équateur, par exemple.

    L’Union européenne a tenté d’intervenir. Elle soutient avec l’Organisation internationale du Travail des projets concrets dans les trois pays, tels qu’un projet sur l’inspection du travail en Équateur ou sur l’organisation d’une table ronde avec l’OIT au Pérou.

    Le chapitre « commerce et développement durable » de l’accord prévoit le déclenchement d’un mécanisme spécifique de règlement des différends en cas de violation des engagements contractés par les Parties.
    Après l’examen de la plainte contre le Pérou, la Commission a cependant conclu qu’il n’y avait pas de fondement juridique suffisant pour activer un tel mécanisme.

    La voie du dialogue et de la coopération basée sur des projets a été privilégiée par la Commission.

    En ce qui concerne le monitoring renforcé et régulier mentionné par l’accord, il est en cours.

    Un état des lieux en a été dressé lors de la dernière réunion du Comité « Commerce et développement durable » en octobre dernier.

    S’agissant de l’évaluation ex post de cet accord de libre-échange, la Commission a indiqué que les termes de référence seront finalisés et publiés prochainement et que l’évaluation pourra ensuite débuter. Je n’ai pas davantage d’informations à ce stade.

    En ce qui concerne la concertation intrabelge, l’accord a été abordé dans le cadre d’un état des lieux de la Commission européenne sur les avancées des chapitres « commerce et développement durable » des différents accords.

    La Wallonie n’a pas encore pris de position sur une demande de suspension de l’accord entre l’Union européenne, la Colombie, le Pérou et l’Équateur.

    Les derniers développements entre la Commission et la Corée du Sud pourraient faire penser que la Commission européenne actuelle se montre plus volontariste que la précédente en cas de non-respect des engagements liés au chapitre « développement durable » des accords commerciaux.

    En effet, la Commission a décidé, pour la première fois, d’enclencher la deuxième phase du mécanisme de règlement des différends du chapitre développement durable.

    Cette décision s’est concrétisée par la mise sur pied d’un groupe spécial d’experts chargés d’examiner les plaintes quant aux violations des droits syndicaux en Corée du Sud.

    Il s’agit donc d’un premier vrai « test case » pour la Commission.

    Pour la Wallonie, la ligne est claire : le respect des normes sociales, environnementales et des droits humains doit être un aspect crucial de tous les accords commerciaux.

    C’est pourquoi, il faut un mécanisme contraignant de règlement des différends y compris pour le volet « commerce et développement durable » et qu’il soit assorti de véritables sanctions dans tous les cas.