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L'évaluation économique d'une politique ambitieuse en matière de mobilité à vélo

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 291 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 06/03/2020
    • de HEYVAERT Laurent
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    La Déclaration de politique régionale est ambitieuse sur le plan de la mobilité active. On peut citer les 20 euros/habitants pour le vélo, l'adoption d'un plan global « Wallonie cyclable 2030 » d'ici mi-2021, la mise en œuvre des « autoroutes à vélo », la mise en œuvre de la systématisation de la prise en compte du vélo à l'occasion des travaux d'aménagement, de réfection ou d'entretien des voiries ou de l'espace public, en vue d'offrir des aménagements cyclables de qualité. Tout cela demande des investissements publics.

    En économie, quand on parle d'investissements, on doit aussi parler de retour sur investissement. Quand on parle d'investissements publics, on doit parler de gains pour la société.

    Dans le cadre des investissements du Gouvernement wallon, Monsieur le Ministre peut-il nous expliquer les gains attendus pour la société ? Quels seront les gains pour les ménages ? Quels seront les gains pour l'économie wallonne ?

    Quel effet sociétal est attendu ?
  • Réponse du 09/04/2020
    • de HENRY Philippe, HENRY Philippe
    Lorsqu’on parle d’investissements publics, il est effectivement important de mesurer les gains globaux pour la société qui peuvent ne pas toujours être d’ordre financier, mais bien social ou environnemental. L'Europe préconise d’ailleurs le recours aux modes actifs pour relever les défis climatiques et environnementaux.

    En 2014, le SPW a commandé une étude relative à l'impact du vélo en Wallonie (Transport & Mobility Leuven, 05/2014). Il faut noter que cette étude suppose une part modale du vélo de 10 % à l'horizon 2030 (contre 1 % en 2012), soit deux fois plus importante que la part modale que vise la stratégie FAST reprise dans la DPR.

    Cette étude identifie les impacts, tant du seul point de vue économique que du point de vue sociétal. Le gain sociétal est principalement lié à la santé : le développement de la pratique du vélo a un impact sur la société wallonne dans son ensemble : la population est en meilleure santé, la pollution de l’air se réduit.

    Sur le plan strictement économique, cet impact sur la santé de la pratique du vélo reviendrait à une économie de près de 1 milliard d’euros. En effet, la Wallonie connaîtrait chaque année presque 350 décès en moins (pour 30 en 2012). L’économie pour la collectivité peut donc être évaluée à presque 700 millions d’euros (suivant une méthodologie de l’Organisation Mondiale de la Santé). Une estimation très prudente estime par ailleurs les autres effets sur la santé (moins d’affections chroniques, moins d’hospitalisations, etc.) à encore presque 300 millions d’euros.

    Du côté des transports publics, l’augmentation du nombre de cyclistes dans le futur réduira l’augmentation de la fréquentation. Les transports en commun pourront ainsi maintenir un niveau de service identique sans coûts d’exploitation supplémentaires. En 2030, plus de 80 000 cyclistes navetteurs permettront une réduction des coûts d’exploitation de 50 millions d’euros ; 30 millions de ce montant correspondant aux économies pour la Région subsidiant ce transport public.

    Pour ce qui concerne les ménages, l'étude note que la possibilité d’utiliser facilement son vélo va influencer 15 % des cyclistes à se séparer d’une voiture. Ce sera un gain direct qui se répercutera dans le budget des ménages, pouvant atteindre, suivant les cas, 3 000 euros par an.

    Enfin, l'étude souligne également que l'augmentation de la pratique du vélo est aussi créatrice d'emplois, via l’achat et l’entretien du vélo. On estime actuellement à 400 emplois, répartis dans les 183 commerces de vente ou de réparation, l’activité liée aux cycles en Wallonie, pour un chiffre d’affaires approchant les 100 millions d’euros.

    Aujourd'hui, de plus en plus de chercheurs de toutes disciplines se sont penchés sur la question des coûts et bénéfices de l’utilisation du vélo. Les avantages pour la santé ou pour le climat ne sont donc plus à démontrer. Précisons globalement que :
    - les cyclistes ne sont évidemment pas les seuls bénéficiaires en termes de santé (réduction de la morbidité), mais que c’est l’ensemble de la population, en particulier en milieu urbain, qui bénéficie de la réduction de la pollution atmosphérique directement liée au développement des modes actifs ;
    - en offrant une alternative pertinente à la voiture pour de nombreux trajets, le vélo apporte une contribution significative à la réduction des émissions de CO2, contribution plus que nécessaire compte tenu des ambitions affichées en termes de transition écologique.

    Selon une étude suédoise des coûts et bénéfices de l’utilisation du vélo (Lund University, Transport transitions in Copenhagen : Comparing the cost of cars and bicycles, 2015), l’analyse coût/bénéfice pour la société d’un kilomètre parcouru en voiture révèle un coût de 15 centimes, alors que dans le même temps le vélo en ferait gagner 16. Le retour sur investissement des politiques publiques est donc conséquent. Chaque euro investi en rapporterait de 5 à 12 euros suivant l’importance des effets sur la santé et la sécurité routière pris en compte.

    Par ailleurs, le vélo est également un levier pour le développement économique local. Cette affirmation est la conclusion d'une synthèse de 29 études et rapports publiée par Transport for London (TFL), l'autorité publique en charge de l'organisation des transports dans la capitale anglaise (Economic benefits of walking and cycling, TFL, 2018).

    La publication de TFL commence par montrer comment cyclistes et piétons revitalisent les rues commerçantes. Par exemple, on apprend qu'un mètre carré de stationnement vélo rapporte 5 fois plus qu'un mètre carré de stationnement auto. De manière générale, le réaménagement des rues commerçantes au profit des mobilités actives (piétons et cyclistes) permet jusqu'à 30 % d'augmentation des ventes pour les commerçants.

    En conclusion, ces études démontrent toutes que les gains liés à la pratique du vélo (et des modes actifs) sont à la fois économiques, sociétaux et touchent, directement ou indirectement, l'ensemble des ménages.

    L’objectif prévu par le Gouvernement wallon de dépenser minimum 20 euros/habitant/an (soit au minimum 10x plus que sur la période de 2005 à 2012) et d’attribuer une enveloppe supplémentaire annuelle de 80 millions en partie destinée aux modes actifs contribuera donc activement aux objectifs de réduction de GES de -55 %, à la prospérité économique et à une meilleure santé publique.