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Les dégradations de locataires souffrant de troubles psychiatriques et cognitifs dans les logements publics

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 123 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 06/03/2020
    • de MAUEL Christine
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    J'ai récemment été interpellée par une directrice-gérante d'une société de logement de service public au sujet des limites des missions des SLSP.

    En effet, cette personne me fait part de plusieurs situations de défaut d'entretien émanant de locataires. Celles-ci s'élèvent à 10 % du parc de logement administré par la société du Home waremmien. De plus, dans cette proportion, une part croissante de dégradations de tout ordre telles que la dégradation du bâti, l'accumulation de déchets, l'absence de nettoyage et d'hygiène sont à déplorer. Les dégradations sont le plus souvent commises par des personnes fragilisées par un handicap et/ou souffrant de troubles mentaux comme des troubles psychiatriques et cognitifs, par exemple.

    La société me fait part de son impossibilité d'action. En effet, les services œuvrant dans le domaine du handicap et de la santé mentale sont confrontés au respect de leur déontologie et de leurs missions : sans accord de la personne, impossible de mettre en place des accompagnements.

    Si les baux sont à résilier dans de tels cas et des expulsions doivent être réalisées, cela ne constitue pas une solution, d'une part, au vu de la situation de personnes en question qui sont fragilisées, et d'autre part, au vu des conséquences telles que la mise à la rue. En outre, une expulsion dite classique ne se réalise pas manu militari.

    Des dispositions existent-elles au niveau de la SWL quant à ce domaine ?

    Serait-il possible que des acteurs du secteur de la santé mentale puissent être interpellés afin de trouver une solution adéquate au problème susmentionné ?
  • Réponse du 25/03/2020
    • de DERMAGNE Pierre-Yves
    Cette question me permet d’aborder le sujet délicat de l’accès aux soins de santé mentale et les difficultés de terrain auxquelles sont confrontés les acteurs de première ligne, dont les SLSP.

    Chez les personnes en grande souffrance, l’habitat est souvent le reflet de ce mal‑être. L’état des logements peut, dans certains cas extrêmes — qui restent marginaux — subir les conséquences de cette situation qui appelle des réponses multidimensionnelles, tant en termes de gestion du bâti que d’accompagnement.

    De manière générale, on constate, depuis de nombreuses années, que la précarité structurelle s’est accrue au niveau de la société, tous secteurs confondus.

    Les personnes en grande précarité sont aussi, très souvent, des personnes en grande souffrance mentale. Le vieillissement de la population et les affections qui y sont associées, ainsi que les situations de handicap influencent également les problématiques rencontrées.

    Les travailleurs sociaux sont donc, de plus en plus, confrontés à ces situations multifactorielles et aux problématiques enchevêtrées, qui demandent plus de temps et d’investissement.

    L’objectif est, dès lors, d’accompagner les besoins liés à l’activité locative, en liant la politique du logement à celles de la santé, de l’aide à la personne ou de l’insertion, en respectant les fonctions de chacun, afin de travailler sur des pistes de solution à long terme.

    Cela étant, l’accueil de la souffrance psychique, là où elle se développe, soulève toujours de nombreuses questions pour les proches et les acteurs de première ligne, notamment depuis la réforme de la santé mentale. Cette réforme vise, en effet, la fermeture de lits psychiatriques pour favoriser le travail en réseau dans le milieu de vie des personnes, afin de fournir une meilleure qualité de soins.

    Face à ces réalités, l’échange entre réseaux représente une piste essentielle. Les acteurs de terrain développent, dans ce cadre, une créativité, des interventions et des collaborations inédites, pour répondre notamment aux besoins psychiques de chacun. J’ai encore pu le constater récemment, lors d’une rencontre organisée au relais social de Charleroi.

    Au vu notamment de ces différents constats, le Gouvernement a renforcé la mission sociale des SLSP, en soutenant l’engagement de référents sociaux en leur sein.

    Néanmoins, la mission d’accompagnement social reste difficile. Nous faisons face à un manque de moyens en général pour renforcer le soutien et les contacts avec les professionnels, notamment de la santé mentale, ce qui engendre un sentiment d’impuissance face aux problématiques complexes rencontrées, comme pour faire face aux refus de soin. Dans ces cas, accompagner ces personnes met souvent en échec les efforts d’accompagnement. L’objectif est donc de construire une relation de confiance avec les personnes qui, a priori, ne veulent pas d’accompagnement mais qui, peuvent, avec le temps, accepter une aide.

    Les pistes qui existent et qu’il convient de continuer à soutenir concernent essentiellement le renforcement des réflexions et des actions d’accompagnement à mettre en œuvre en réseau.

    Très concrètement, on peut ainsi citer divers lieux de concertation reconnus :
    * Au sein de la Société wallonne du logement (SWL), avec l’appui du secteur du logement public et du réseau de partenaires publics ou associatifs :
    - l’organisation de platesformes de concertation des référents sociaux des SLSP pour stimuler les échanges d’expériences et aborder collectivement les problématiques du terrain. Des intervenants de la santé mentale sont d’ailleurs régulièrement invités pour partager leurs réflexions avec les référents sociaux ;
    - l’organisation de colloques régionaux annuels en matière sociale, pour harmoniser des pratiques communes au sein du secteur. Le thème de la santé mentale y sera traité prochainement ;
    - le développement, par la SWL, de pratiques interdisciplinaires concertées, notamment avec le secteur de la santé mentale et l’organisation de la formation continue pour soutenir l’expertise et les missions des référents sociaux. La dernière formation proposée abordait d’ailleurs l’hygiène dans le logement pour outiller les travailleurs sociaux ;
    - la sensibilisation en continu, par la SWL, des SLSP, dans le cadre d’une veille sociale. À cet égard, la dernière information communiquée au secteur concerne l’appel à participation à la semaine de la santé mentale, organisée chaque année en octobre.
    * On trouve, par ailleurs, d’autres espaces qui favorisent le travail en réseau auprès des partenaires spécialisés, au sein desquels les SLSP participent et s’impliquent (PCS, relais sociaux, plate-forme de santé mentale…) En ce sens, des conventions-cadres qui lient les SLSP à leurs partenaires sont coordonnées et suivies par la SWL pour impulser des dynamiques de collaboration au niveau local.

    En termes de dispositions plus contraignantes, lorsque l’on constate qu’une personne représente un danger pour elle-même ou pour les autres, les SLSP ont la possibilité de recourir à un administrateur de biens et/ou de la personne, de mettre fin au bail pour non-respect de la relation locative, d’expulser le locataire voire d’interpeller directement le Parquet, pour des situations sévères et sans issue.

    Il est évidemment important de privilégier les aspects préventifs intersectoriels, afin d’éviter le plus possible de devoir recourir aux mesures de contrainte et ce, en renforçant les politiques transversales pour répondre au mieux aux besoins de la collectivité.