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La comptabilisation de primes uniques versées dans le cadre des assurances-pension à destination des mandataires locaux

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 127 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 06/03/2020
    • de FREDERIC André
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Au cours de ces derniers mois, plusieurs communes ont manifesté le projet très concret de constituer un fonds de pension pour leurs mandataires afin de pouvoir répondre aux obligations légales en la matière.

    Les primes nécessaires à la constitution de ce fonds sont constituées de primes annuelles (fixes ou indexées) complétées par le versement d'une « prime unique » permettant d'assurer 100 % des obligations de la commune relatives aux droits de pension acquis par les mandataires.

    Comme son nom l'indique, la « prime unique » constitue un montant de prime non récurrent versé généralement lors de la constitution du fonds. Cette prime représente un montant variable, mais généralement élevé au regard du budget communal.

    Au niveau comptable, les communes concernées ont déposé un budget proposant un financement de cette prime au travers du service extraordinaire.

    Or, dans le cadre de l'exercice de la tutelle, l'administration wallonne (de la Direction provinciale de Liège) a décidé qu'il convenait de réformer le budget au motif que la comptabilisation n'était pas conforme aux références légales en la matière, à savoir :
    - circulaire de Mme De Bue du 29 juin 2018 et note explicative du 2 octobre 2018 ;
    - courrier de Mme De Bue du 25 février 2019 concernant les modalités pratiques de l'octroi de la prime régionale.

    Selon ces dernières, toute dotation/alimentation à un fonds de pension doit se faire au service ordinaire (soit au code économique 113-48 - cotisations patronales pour les autres caisses de pension), ce qui implique que la prime unique soit incorporée directement parmi les charges de personnel.

    Toutefois, compte tenu de l'importance des montants concernés, il est pratiquement impossible pour une commune d'inscrire cette prime unique au service ordinaire tout en respectant le prescrit légal d'équilibre à l'exercice propre. En conséquence, les communes sont amenées à renoncer à leur projet de création d'un fonds de pension.

    À notre sens, il convient d'opérer une distinction du traitement comptable entre la prime annuelle (récurrente) et la prime unique (non récurrente).

    La distinction entre la nature ordinaire et extraordinaire constitue une notion fondamentale de la comptabilité communale, et l'imputation d'une « prime unique » destinée à alimenter le fonds de pension des mandataires relève clairement du service extraordinaire. En effet, l'alimentation exceptionnelle d'un fonds de pension ne peut pas relever du service ordinaire au sens du RGCC vu qu'il ne s'agit pas d'une dépense qui se produit au moins une fois par an.

    Enfin, il convient de préciser que les circulaires auxquelles se réfère l'administration de la tutelle ne traitent en réalité que du financement des pensions complémentaires des agents contractuels (2° pilier) et principalement de la prime régionale instaurée pour encourager leur création (incitant financier). Ces circulaires n'abordent nullement le cas de versement d'une prime unique en faveur d'autres dispositifs de pension de sorte qu'elles ne constituent pas une référence légale pertinente en l'espèce.

    Quelle analyse Monsieur le Ministre fait-il de la situation ? Des consignes plus précises vont-elles être communiquées à son administration afin de permettre la comptabilisation, à l'extraordinaire, des versements uniques susmentionnés ?
  • Réponse du 31/03/2020
    • de DERMAGNE Pierre-Yves
    L’article 1er, 1° et 2, du Règlement général de la comptabilité communale (RGCC) précise que :

    « Pour l’application du présent règlement, il y a lieu d’entendre par :

    1° "service ordinaire du budget" : l’ensemble des recettes et des dépenses qui se produisent une fois au moins au cours de chaque exercice financier et qui assurent à la commune des revenus et un fonctionnement régulier, en ce compris le remboursement périodique de la dette ;
    2° "service extraordinaire du budget" : l’ensemble des recettes et des dépenses qui affectent directement et durablement l’importance, la valeur ou la conservation du patrimoine communal, à l’exclusion de son entretien courant ; il comprend également les subsides et prêts consentis à ces mêmes fins, les participations et placements de fonds à plus d’un an, ainsi que les remboursements anticipés de la dette ».


    Le raisonnement en matière de comptabilisation de la création d’un fonds de pension pour les mandataires locaux est le suivant.

    La création du fonds vise à pérenniser le paiement des pensions. Les pensions sont des dépenses ordinaires de personnel, donc ce sont des dépenses qui relèvent de l’ordinaire par leur principe.

    Le fait que le paiement de ces dépenses s’effectue en une seule fois (prime unique) ne les fait pas basculer à l’extraordinaire. Par exemple, l’achat d’uniformes relève du service ordinaire, même si cet achat ne se réalise pas chaque année. On notera, d’ailleurs, qu’il n’est pas question d’opération « unique » dans la définition du service extraordinaire précisée à l’article 1er, 2°, du RGCC.

    Un des grands principes en comptabilité des pouvoirs locaux est qu’on ne peut pas financer des dépenses ordinaires par un emprunt ou d’autres recettes extraordinaires. Le fait qu’on parle de « fonds » ou qu’on use d’une autre dénomination ne change rien à la nature de la dépense.

    En outre, permettre le financement du fonds de pension par prime unique via une dépense extraordinaire de transfert, à la place d’une dépense ordinaire de personnel, occulterait l’état réel de la charge de personnel pour la commune et serait contraire au principe de spécialisation.

    Cette opération conduirait aussi au financement d’une dépense récurrente par le patrimoine de la commune ou par un emprunt, ce qui violerait l’article 1er,15° du RGCC qui prévoit que les emprunts accordés par le Centre régional d’aide aux communes (Crac) constituent la seule exception de mouvements entre l’extraordinaire et l’ordinaire et qui se réalisent à l’exercice proprement dit :
    « 15° transferts de service, fonds de réserve et provisions pour risques et charges : les modes de préfinancement de charges futures ou de constitution de réserve ou de provisions.
    On distingue :
    – transferts de service : mouvements via le code fonctionnel « Prélèvements » entre services et fonds de réserve (sous l’unique réserve des emprunts accordés par le CRAC qui constituent la seule exception de mouvements entre l’extraordinaire et l’ordinaire et qui se réalisent à l’exercice proprement dit) ».


    Enfin, l’article 1er, 15°, du RGCC prévoit aussi que « la constitution de provisions pour risques et charges vise à introduire une planification de certaines dépenses à venir dans la comptabilité communale. Il doit s’agir de dépenses afférentes à un exercice futur, certaines ou du moins très probables quant à leur principe, circonscrites quant à leur nature ou leur objet mais indéterminées quant à leur montant. Elle permet le rapatriement et l’inscription des recettes nécessaires à l’exercice propre d’un budget ultérieur, dans la fonction concernée ». La constitution d’une provision pour risques et charges, comme la dépense y correspondante pour la constitution d’un fonds de pension ne peut, dès lors, s’effectuer qu’au service ordinaire. Prévoir une dépense au service extraordinaire serait contraire à cette définition reprise dans l’article 1, 15°, du RGCC.

    On peut aussi ajouter que les opérations qui ont permis aux communes de constituer des fonds de pension sont les propositions d’interventions dans le cadre de la problématique des caisses locales de pension — Tonus pension — du 20 novembre 2003 et l’affectation de la vente de télédistribution par les intercommunales du 12 décembre 2007. Ces dernières prévoyaient la constitution d’un fonds de pension au service ordinaire.

    D’après l’honorable membre, la motivation de constituer un fonds de pension au service extraordinaire est qu’il est pratiquement impossible, pour une commune, d’inscrire cette prime unique au service ordinaire, tout en respectant le prescrit légal d’équilibre à l’exercice propre. L’inscription de la constitution d’un fonds de pension doit s’effectuer dans le respect de l’article L1314-1 du CDLD, d’où l’intérêt de constituer une provision pour risques et charges pour fonds de pension sur plusieurs exercices.

    Les premiers arrêtés réformant les documents budgétaires de certaines communes en matière de fonds de pension invoquaient effectivement, comme l’affirme l’honorable membre, la circulaire du 29 juin 2018 prise par mon prédécesseur.

    La justification d’une telle réformation été affinée et se base désormais sur les règles comptables, tel que formulé ci-après :
    « Considérant que l’opération d’alimentation du fonds de pension par le versement d’une prime unique au budget extraordinaire ne constitue pas un élément du service extraordinaire au sens de l’article 1er du RGCC en ce que cela ne touche que le plan de financement d’une dépense récurrente ;
    Considérant de plus que cette opération ne constitue pas un placement à plus d’un an au bénéfice de la commune justifiant l’inscription au service extraordinaire conformément à l’article 1er, 2° du RGCC car ce placement ne revient pas dans le patrimoine de la commune mais sera versé par le contractant bancaire aux mandataires bénéficiaires du fonds de pension ;
    Considérant que la pérennisation et le paiement des pensions sont des dépenses ordinaires de personnel et qu’en vertu des grands principes de la comptabilité des pouvoirs locaux, on ne peut pas financer des dépenses ordinaires par un emprunt ou d’autres recettes extraordinaires ; que le nom donné à cette opération (fonds ou autre) ne change rien à la nature de la dépense ;
    Considérant en outre que cette opération ne respecte pas les codes de la classification fonctionnelle et économique prévus à l’arrêté ministériel du 30 octobre 1990 portant exécution de l’article 44 de l’arrêté royal du 2 août 1990 portant le règlement général de la comptabilité communale ; que la constitution d’un fonds de pension ou d’une provision pour pension ne peut se faire qu’au service ordinaire, via un prélèvement 060/954-01 ou une constitution de provision xxx/958-01, et l’utilisation de ce fonds ou de cette provision doit se faire, après rapatriement dudit fonds via 060/994-01 ou de ladite provision via xxx/998-01, via des codes économiques 113-48 ou 116-01 selon les circonstances ;
    Considérant que pour ces motifs l’opération d’alimentation du fonds de pension par le versement d’une prime unique doit être imputée au service ordinaire et non au service extraordinaire et ne peut pas être financée par un emprunt ».