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La nécessité d'un financement complémentaire des CPAS dans le contexte de la crise liée au Covid-19

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 154 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 07/04/2020
    • de HAZEE Stéphane
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Comme nous l'avons indiqué lors de l'échange de vues informel avec les membres du Gouvernement organisé par le Parlement de Wallonie en date du 26 mars dernier, les CPAS ont un rôle majeur à accomplir dans la crise et devront faire face demain, plus encore qu'aujourd'hui, à l'urgence sociale de personnes qui ont vu leur revenu réduit à cause de la crise. Il y aura donc immanquablement une augmentation des demandes d'aides aux CPAS.

    Or, il faut ici se rappeler, en particulier, l'étude communiquée en janvier dernier par Ricardo Cherenti, collaborateur scientifique auprès du Centre de recherche en inclusion sociale de l'UMons, qui met en relief que lorsque les CPAS subissent une mise sous tension budgétaire, ils ajustent trop souvent leurs dépenses en réduisant les aides sociales complémentaires, au détriment des besoins réels des bénéficiaires.

    Dans ce contexte, il est essentiel de garantir aux CPAS les moyens pour pouvoir faire face dans les mois qui viennent, non seulement à la crise sanitaire, mais aussi aux effets rebond, en termes de demande d'aide et en termes de surcroît de travail y lié. Au-delà de la solidarité communale, cet enjeu appelle certainement une action conjointe de la part de l'État fédéral et de la Wallonie.

    Quelle est l'approche en la matière de Monsieur le Ministre ?

    Quelles sont les initiatives adoptées ou mises à l'étude afin de rencontrer cette nécessité ?

    Des contacts ont-ils déjà été menés à cet égard avec le Gouvernement fédéral, et notamment avec le Ministre en charge de l'Intégration sociale ?
  • Réponse du 15/04/2020
    • de DERMAGNE Pierre-Yves
    Comme nous l’avions constaté fin 2019, sur la base des comptes reçus par l’administration régionale, 114 CPAS présentent un compte budgétaire 2018 en déficit à l’exercice propre du service ordinaire. La situation budgétaire des CPAS wallons est donc plus que délicate.

    Afin de les soutenir — de manière proactive et dès avant la crise sanitaire — le Gouvernement wallon entendait prendre une série de mesures, d’ailleurs annoncées dans la déclaration de politique régionale. Pour rappel :
    - les CPAS y sont reconnus comme le bras armé de la Région pour les politiques d’action sociale et de lutte contre la pauvreté ;
    - le mécanisme d’indexation annuelle du fonds spécial de l’aide sociale — soit le taux d’inflation majoré d’1 % — sera maintenu durant toute la législature ;
    - il en va de même pour cette autre source de financement importante des CPAS que constitue le dispositif des points APE, puisqu’en cas de réforme de ce dernier, les budgets alloués aux CPAS seront intégralement maintenus ;
    - pour la première fois, le Gouvernement entend élargir aux CPAS l’engagement pris depuis 2004 vis-à-vis des communes de garantir la neutralité budgétaire de toute décision qui aurait un impact négatif sur leurs finances ;
    - enfin, une réforme du fonds spécial de l’action sociale sera examinée pour prendre mieux en compte l’impact de l’accompagnement des populations très précarisées dans les critères de répartition.

    Dans le cadre d’un dialogue permanent que nous entretenons avec la Fédération des CPAS, comme avec l’Union des villes et communes de Wallonie, nous sommes parfaitement conscients des difficultés complémentaires que connaissent les CPAS et, plus largement, les pouvoirs locaux à la suite de la crise sanitaire que nous traversons.

    De nombreux ménages sont confrontés à des problèmes d’endettement et de surcoût, notamment en matière d’énergie, ainsi qu’aux conséquences des pertes momentanées d’emploi ou de mise en chômage temporaire — qui pèsent particulièrement sur les revenus modestes, en ce compris les étudiants —, ce qui accroît et accroîtra les demandes d’assistance. Cette réalité s’ajoute aux difficultés financières préexistantes des CPAS et génère une surcharge de travail.

    Ces éléments renforcent encore la légitimité des revendications récemment communiquées par la Fédération des CPAS. À savoir :
    - que les conséquences sociales de la crise actuelle soient érigées en priorité, à tous les niveaux de pouvoir ; saluant au passage les dynamiques déjà lancées par les gouvernements wallon et bruxellois à travers les task forces « urgences sociales » ;
    - que des budgets importants soient envisagés pour « le social », afin d’aider également les personnes déjà fragilisées ;
    - que soit défini un plan de sortie « sociale » de cette crise ; celui-ci devant être accompagné d’une période de transition souple dans le chef des autorités administratives et politiques de tutelle, de façon à permettre aux CPAS un « retour à la normale » progressif et une absorption de la charge supplémentaire de travail déjà enregistrée ;
    - que soit considérées avec une attention redoublée leurs revendications sociales reprises dans leurs memoranda, dont le relèvement de l’ensemble des allocations sociales.

    Parmi ces revendications, sont particulièrement mises en avant :
    - l’augmentation progressive du remboursement du revenu d’intégration sociale ;
    - la compensation intégrale (en envisageant un effet rétroactif) des transferts de charges et de missions du fédéral ;
    - le règlement de l’impact des cotisations de responsabilisation des pensions ;
    - et la compensation de l’impact de la mesure « tax shift ».

    Sur ces questions, je compte continuer d’interpeller le fédéral, via le Comité de concertation, dans l’intérêt des pouvoirs locaux. J’inviterai également le fédéral, compétent en la matière et responsable de ces situations, à instaurer des lieux de dialogue et concertation ad hoc, sur le modèle des task forces wallonne et bruxelloise. Nous avons déjà été entendus à certains égards, puisque la Fédération des CPAS s’est vue associée à la task force « groupes vulnérables » mise en place au niveau fédéral et qui s’est réunie pour la première fois le 9 avril. Son objectif est de mieux cerner les problèmes des personnes vulnérables, en dressant une analyse précise de la situation afin de mettre en œuvre de nouveaux outils pour améliorer encore l’accompagnement et le soutien des bénéficiaires.

    De son côté, le Gouvernement wallon s’est montré particulièrement actif face à l’ampleur des problèmes et a pris un nombre considérable de dispositions légales en vue de répondre aux préoccupations qui, pour beaucoup, concernent les pouvoirs locaux, y compris les CPAS. On peut citer :
    - l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux du 3 avril 2020, suspendant temporairement l’exécution de toutes les décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion de domicile ;
    - l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n°6 du 24 mars 2020 relatif aux réunions des collèges communaux et provinciaux et organes de gestion, des régies communales autonomes, des régies provinciales autonomes, des associations de projet et des intercommunales ;
    - l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n°7 du 24 mars 2020 relatif aux réunions des bureaux permanents des CPAS et des conseils d’administration et organes de gestion des Associations Chapitre XII ;
    - l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n°9 du 24 mars 2020 relatif à l’exercice des compétences attribuées au conseil de l’action sociale par l’article 24 de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS par le bureau permanent ;
    - l’arrêté du Gouvernement de pouvoirs spéciaux du 19 mars 2020 relatif à l’exercice des compétences attribuées au conseil communal par l’article L1122-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) par le collège communal ;
    - et l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux du 19 mars 2020 concernant les matières transférées à la Région wallonne en vertu de l’article 138 de la Constitution et relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l’ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci.

    La Wallonie étant compétente pour la législation relative aux CPAS et la tutelle sur ceux-ci — dont j’exerce la responsabilité ministérielle — plusieurs dispositions ont été prises dans ce cadre pour faciliter et adapter leur fonctionnement aux problèmes organisationnels et financiers rencontrés. On peut principalement relever :
    - la circulaire complémentaire du 7 avril 2020 relative au fonctionnement des services durant la période temporaire de confinement ;
    - la circulaire du 6 avril 2020 relative à la compensation fiscale octroyée aux communes et provinces wallonnes dans le cadre de la crise du Covid-19 ;
    - la circulaire du 1er avril 2020relative à la transmission des fichiers SIC relatifs aux comptes définitifs 2019 – périmètre des administrations publiques locales - reporting SEC ;
    - la circulaire du 30 mars 2020 aux communes de Wallonie et de Bruxelles relative à l’accueil des enfants durant les vacances de printemps ;
    - la circulaire du 30 mars 2020 relative aux arrêtés de pouvoirs spéciaux relatifs à l’exercice par les collèges communaux, provinciaux et bureaux permanents des compétences attribuées aux conseils ;
    - la circulaire du 23 mars 2020 relative aux conséquences des mesures sanitaires liées au Covid-19 sur les marchés publics wallons ;
    - la circulaire du 20 mars 2020 relative au fonctionnement des services durant la période temporaire de confinement - Mesures décidées par le Conseil national de sécurité - Personnel statutaire et contractuel ;
    - et la circulaire prise dès le 16 mars 2020 relativement aux mesures administratives et organisationnelles encadrant la crise sanitaire due au Covid-19.

    En outre, afin d’aider les services de la santé et de l’emploi — dont beaucoup au sein de CPAS — le Gouvernement wallon a réservé une enveloppe exceptionnelle de 115 millions d’euros.

    Ces différentes aides financières, qui s’ajoutent à celles du million d’euros déjà décidées pour le secteur de l’action sociale (abris de nuit, maisons d’accueil, relais sociaux et santé qui prennent en charge les publics plus vulnérables comme les personnes sans-abri, les femmes victimes de violences conjugales, les personnes présentant des difficultés en termes de santé mentale et d’assuétudes qui représentent une part importante des usagers des CPAS) seront réparties entre les services de santé, du handicap, de la formation, de l’insertion socio professionnelle et de l’économie sociale.

    Dans le domaine de l’emploi et de la formation, les entreprises de travail adapté (ETA), les entreprises de titres-services, les centres d’insertion socio professionnelle et les entreprises d’insertion auront également droit à cette aide financière.

    De plus, la Région a constitué un fonds extraordinaire de solidarité de 350 millions, comprenant une enveloppe de 2 millions d’euros, augmentée à hauteur de 3,9 millions, destinée à compenser, à tout le moins partiellement, auprès de l’ensemble des pouvoirs locaux (communes et provinces), l’impact des mesures de réduction ou de modération fiscale temporaires qu’ils auront prises au bénéfice de leurs acteurs économiques.

    Enfin, sur le plan budgétaire, les effets de la crise sur les finances locales seront pris en compte par la Région pour apprécier la situation financière des pouvoirs locaux lors de l’examen des prochaines modifications budgétaires 2020 et du budget 2021.

    J’ai ainsi invité les pouvoirs locaux à identifier clairement, au départ de leur budget, l’impact des différentes mesures de réduction ou de modération fiscale qui seraient décidées ainsi que tout autre impact qui pourrait être identifié.

    Il est clair que la commune est le plus important pouvoir subsidiant du CPAS ; au-delà de la disposition légale qui lui demande de couvrir son déficit.

    Au-delà, chacun connaît la situation budgétaire globale de pouvoirs publics, et notamment de la Région qui se trouve confrontée à une réduction de ses recettes et à une explosion de ses dépenses dans le cadre de la gestion de la crise du Covid-19. Il serait donc irresponsable d’entretenir l’illusion de compensations supplémentaires pour les pouvoirs locaux.

    En revanche, l’analyse fine de l’impact de la crise sur les finances locales permettra d’envisager l’adaptation pertinente des règles budgétaires qui s’imposent à ces entités. Cette enquête est en cours. Elle nous permettra de chiffrer avec précision l’impact financier de cette crise et d’examiner au plus vite les mesures complémentaires qui devront être prises tout niveau de pouvoirs confondu.