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L'impact du Covid-19 sur l'agriculture wallonne

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 250 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 15/04/2020
    • de KELLETER Anne
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    En période de confinement, l'agriculture retrouve aux yeux du public son statut de secteur crucial. Et c'est une très bonne chose. En fait, jusqu'à ce jour, la crise du Covid-19 a eu des impacts très variés sur les filières alimentaires en Belgique suivant les spéculations agricoles ou les maillons de la chaîne alimentaire que l'on considère. Certains acteurs souffrent de la conjoncture actuelle, d'autres tirent leur épingle du jeu.

    C'est l'avenir proche qui suscite davantage de craintes, notamment de pénuries alimentaires et qui motive les citoyens à faire des réserves de nourriture et à acheter en favorisant les circuits courts et la livraison de commandes. Le changement de comportement d'une bonne part des consommateurs et certaines règles prises pour lutter contre le Covid-19 bouleversent aussi notre mode de production agricole.

    Quelles initiatives Monsieur le Ministre a-t-il prises pour assurer que l'alimentation du bétail en Wallonie reste garantie malgré la pression additionnelle sur le marché à cause de la crise ?

    Des alternatives aux importations de soja qui risquent d'être réduites sont-elles explorées ?

    Le secteur laitier et le secteur bovin sont les deux plus importants secteurs de l'agriculture wallonne, quelles initiatives a-t-il mises en place pour assurer leur survie pendant et après la crise notamment considérant que le secteur laitier craint une forte baisse du prix du lait ?

    Comment la fourniture en plantes et en semences est-elle garantie et les pénuries éventuelles anticipées ?

    De même avec certains équipements et outillages dont les prix de vente se sont élevés fortement ?

    Un problème très aigu actuellement est le manque de main-d'œuvre saisonnière. À partir de la troisième semaine d'avril, le pays aura besoin d'environ 15 000 personnes et passera à au moins 25 000 personnes au cours du mois de mai. Pour la Wallonie, on estime la demande à 5000 ou 6000 personnes.

    Quelles initiatives a-t-il prises pour assurer la récolte de fruits et légumes dans les mois qui viennent et donc pour agir contre le manque criant de main d'œuvre saisonnière ?

    La mise en ligne de la plateforme "jobs easy-agri" par le Collège des producteurs devrait faciliter des engagements. Ecolo plaide pour le recours à d'autres segments de main d'œuvre. Est-ce qu'une concertation avec les autres entités fédérées est mise en place pour veiller à une cohérence des mesures prises ?

    En dernier lieu, j'aimerais porter une attention particulière aux femmes qui travaillent dans les exploitations agricoles et dans les entreprises, coopératives ou associations et souvent avec un statut d'aidante. Elles sont souvent responsables des activités de transformation ou de commercialisation dont la demande explose. Une charge de travail et une charge mentale (notamment avec les enfants confinés) accrues pèsent donc sur elles.

    A-t-il prévu des mesures d'accompagnement et de soutien qui visent à alléger le stress et le travail additionnel générés par la crise ?
  • Réponse du 07/05/2020
    • de BORSUS Willy
    Dans la pénible crise que nous traversons, la priorité absolue doit rester, plus que jamais, la santé publique. Cependant, comme l’honorable membre le rappelle, les activités et services au sein de la chaîne alimentaire sont cruciaux.

    Concernant le secteur de la viande bovine, l’absentéisme constitue une préoccupation importante. Les abattoirs sont les plus touchés. Certaines boucheries ont aussi des problèmes de main-d’œuvre avec l’arrêt des stages d’étudiants bouchers.

    En ce qui concerne les cours des produits, il est à noter :
    - si les prix restent stables pour les vaches BBB, ils ont diminué de 2 % pour les taurillons BBB et de plus de 10 % pour les vaches laitières de réforme ;
    - à la suite de la baisse de la demande, l’export d’animaux vivants s’est fortement réduit. On note aussi un déséquilibre entre la faible demande en beaux morceaux consécutive à la fermeture de l’HORECA et une forte demande de haché entraînant des surcoûts pour les opérateurs.

    Concernant le secteur laitier, la situation est stable dans les usines (8 % d’absentéisme) ainsi que pour les chauffeurs de collecte.

    Jusqu’à présent, il n’y a pas de problèmes de livraison. Les exportations reprennent avec le redémarrage de transports internationaux.

    Une très forte demande entraîne l’augmentation de 65 % des ventes de lait UHT dans les grandes surfaces. Cependant, à la suite de la baisse des cotations de la poudre de lait et du beurre, il y a une influence négative sur le prix du lait aux producteurs.

    Plusieurs actions ont été prises pour venir en aide aux éleveurs qui font face à des difficultés bien spécifiques.

    Un courrier a été transmis au Commissaire européen de l’Agriculture pour l’inviter à prendre des mesures d’urgence dans des secteurs durement touchés par la crise du Covid-19.

    Il a été demandé qu’un plan de gestion soit pris pour le secteur du lait, incluant notamment la possibilité de faire du stockage privé (poudre de lait, beurre).

    Par ailleurs, il nous apparaît pertinent de pouvoir réduire temporairement la production (de 3 à 5 %), sur base volontaire et rémunérée, afin d’obtenir un meilleur prix. Concrètement, il s’agirait de reproduire le dispositif de 2016, qui s’était révélé efficace à l’époque.

    Des demandes similaires ont été faites pour le secteur de la viande. En particulier, il apparaît nécessaire de maintenir les frontières européennes ouvertes afin de ne pas perturber le marché intérieur. Cela est en bonne voie puisque le Conseil de l’Union européenne veut faciliter la circulation du transport de marchandises aux frontières grâce aux « bandes vertes » (green lanes), autrement dit des voies prioritaires pour le transport de certaines marchandises. Nous espérons également un budget supplémentaire pour la promotion du commerce intraeuropéen.

    Dans le courrier au Commissaire, nous avons aussi demandé de pouvoir recourir à des mesures visant à stabiliser le marché (articles 221 et 222 du règlement OCM) : retrait du marché, conversion et transformation, et cetera.

    Le 20 avril, mes collègues de la Région flamande, du Fédéral et moi-même avons tenu une téléconférence avec le Commissaire. Nous y avons réitéré notre demande que la Commission européenne mette en place une surveillance du marché, en particulier des secteurs dépendant des exportations, comme la viande, le sucre, les pommes de terre et les produits laitiers, afin de pouvoir enclencher des mesures de soutien temporaires dès que le besoin se fera sentir, par exemple en cas de chute des prix.

    J’ajouterai que la grande distribution a été contactée pour renforcer, pendant et après le confinement, la présence des produits locaux dans les magasins. L’APAQ-W soutient cette action.

    L’honorable membre évoque les importations de soja, qui constituent en effet un intrant majeur dans l’alimentation animale. Nous avons déjà réagi à ce sujet lors d’une question de Madame la Députée Mauel, en janvier dernier.

    Il est vrai que les importations de soja prennent une importance toute particulière dans la situation actuelle.

    Au niveau du commerce international, les flux de soja sont perturbés, entre fermeture des marchés et renforcement des obstacles aux échanges.

    Nous avons cependant anticipé cette dépendance. La Déclaration de politique régionale annonce clairement le soutien aux filières de l’élevage pour garantir l’autonomie protéique et réduire la dépendance aux importations.

    Toute une série d’acteurs wallons comme le CRA-W, l’Association pour la Promotion des Protéagineux et Oléagineux (APPO ASBL), Fourrage mieux, le Centre Pilote Maïs et le Collège des Producteurs conduisent déjà des recherches et actions en ce sens. Techniquement, il est ainsi déjà possible en Wallonie de conduire un élevage avec des protéines végétales produites dans l’exploitation ou à proximité.

    Il reste toutefois un défi qui consiste à trouver le juste équilibre entre l’autonomie protéique, la réponse aux attentes « qualité-prix » du consommateur et, bien sûr, la fourniture d’un revenu décent pour les éleveurs.

    Concernant la fourniture des semences, nous n’avons écho d’aucun problème d’approvisionnement, même pour les plants de pommes de terre, qui semblent disponible à la plantation. À la mi-avril, aucune alerte n’a été reçue à ce sujet.

    La crise que nous vivons impacte le travail dans les activités horticoles et agricoles. C’est le début de la saison des légumes de printemps, des asperges et des fraises. À la suite de la crise et des mesures prises, la main-d’œuvre saisonnière habituellement disponible en horticulture fait défaut.

    C’est pourquoi, cette année, tous les salariés saisonniers qui travaillent dans l'horticulture pourront bénéficier d’un double quota de jours, via un deuxième formulaire occasionnel (carte-cueillette). Cela signifie donc pour l’horticulture (secteur des fruits, des chicons et des champignons), 130 jours à la place de 65.

    Les chômeurs, les prépensionnés, les travailleurs bénéficiant de crédits-temps et les fonctionnaires en interruption de carrière pourront travailler en horticulture en conservant 75 % de leur allocation. Les étudiants pourront travailler comme saisonniers pendant 130 jours en plus des heures prévues dans les contrats d’étudiants.

    De plus, comme l’honorable membre le mentionne, le Collègue des Producteurs a développé, avec le soutien de la Wallonie, la plateforme « Jobs Easy-Agri » en vue d’aider ces secteurs et de leur permettre de maintenir leurs activités essentielles.

    L’objectif de ce site est de mettre en relation des candidats pour le travail saisonnier avec des producteurs, aussi bien conventionnels que bio, qui manquent actuellement de forces de travail.

    La plateforme a été lancée le 8 avril. Dès le 11 avril, 507 personnes proposaient déjà leurs services, principalement des étudiants et des demandeurs d’emploi. Aujourd’hui, ce sont plus de 3 000 personnes qui y sont inscrites.

    Enfin, nous observons une hausse de la demande en vente directe et un retour vers les petits producteurs. Cependant, dans la plupart des cas, il n’y a pas d’augmentation significative de la transformation, car celle-ci est souvent limitée par les capacités humaines.

    La situation vécue par les familles avec enfants est évidemment très variable selon l’âge des enfants. Quelques agricultrices ont été interrogées. Elles ont mentionné l’avantage pour les enfants de disposer d’espaces où courir et jouer à la ferme. Concernant les très jeunes enfants et les bébés, les problèmes évoqués sont communs à de nombreux secteurs d’activités où les parents doivent continuer à assurer leurs obligations professionnelles, tout en répondant aux sollicitations des enfants.

    Rappelons ici les missions de l’ASBL Agricall Wallonie, qui est chargée, depuis 2005, d’accompagner toute famille d’agriculteurs dans ses difficultés d’ordre économique, juridique, psychologique ou social dans la gestion de sa ferme.