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La production d'énergie renouvelable et la crise du Covid-19

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 326 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 23/04/2020
    • de DEMEUSE Rodrigue
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Le journal De Tijd rapporte ce 14 avril que le prix de l'électricité sur le marché de gros est tombé sous zéro au cours des quatre derniers week-end consécutifs, en raison de la baisse de 16 % de la consommation dans notre pays liée aux mesures de confinement.

    Il s'agit d'une situation exceptionnelle dont le pic a été atteint ce lundi de Pâques, avec des prix négatifs pendant treize heures, ce qui n'était jamais arrivé auparavant. Au lieu d'être vendu aux environs de 40 à 50 euros par mégawattheure, les exploitants devaient payer jusqu'à 115 euros pour chaque mégawattheure produit.

    Pour faire face à cette surproduction et éviter une surcharge de réseau, plus d'un gigawatt de production éolienne a dû être coupé en Belgique, et ce, alors que les centrales nucléaires continuaient de tourner à leur pleine puissance.

    Quel est l'impact de la crise du coronavirus sur la production d'énergie renouvelable en Wallonie ?

    Des unités de production d'énergie renouvelable installées en Wallonie ont-elles dû réduire leur production ces dernières semaines pour faire face à la diminution de la consommation ?

    Comment expliquer que les unités de production d'énergie renouvelable soient contraintes d'agir de la sorte alors que les centrales nucléaires peuvent continuer à produire à pleine puissance ?

    Quelle est l'analyse de la situation de Monsieur le Ministre et quelles mesures peut-il prendre pour que la crise du coronavirus ne constitue pas un frein au développement des énergies renouvelables ?

    A-t-il interpellé la Ministre fédérale de l'Energie sur cette question ?
  • Réponse du 19/05/2020
    • de HENRY Philippe
    Afin de comprendre la situation, il est nécessaire de rappeler plusieurs éléments contextuels :

    Par ses interconnexions avec les pays limitrophes, le réseau électrique belge est intégré dans un grand ensemble énergétique. En termes de capacité installée, la production belge représente environ 20 GW sur les 400 que compte cet ensemble. Dès lors, dans un marché de l’énergie libéralisé où le prix de l’électricité est soumis aux lois de l'offre et de la demande, ce prix est rarement déterminé par la seule situation des moyens de production en Belgique et encore moins en Wallonie.

    Étant donné l’absence de capacités efficaces de stockage à grande échelle, la production d’électricité doit s’adapter en permanence à la consommation afin de garantir l’équilibre et la stabilité du réseau. Cette condition de consommation immédiate conditionne fortement l’évolution des prix d’autant que certains opérateurs maintiennent leur production à perte pour des raisons techniques et/ou économiques liées par exemple à la mise à l’arrêt et/ou au redémarrage de leurs installations.

    Outre les conséquences des mesures de confinement adoptées pour faire face à la pandémie de Covid-19 et le ralentissement économique qui s’en est suivi, il faut également tenir compte des conditions météorologiques favorables à la production d’électricité renouvelable (éolienne et photovoltaïque) ainsi que la baisse de consommation du fait des températures largement supérieures aux normales saisonnières (plus de 3 degrés).

    Vu la surabondance d’électricité, il a donc fallu moduler la capacité de production afin de garantir la stabilité du réseau. Cette adaptation n’est cependant pas décidée de manière centralisée.
    Elle répond à différentes logiques tant financières que techniques et concerne toutes les filières de la production électrique.

    En ce qui concerne le parc nucléaire, la situation est fortement déterminée par les caractéristiques des installations. Pour ces centrales, les possibilités de modulation sont limitées et sont réservées à des situations de dernier recours où la sécurité du réseau électrique présenterait des risques.

    Les ajustements temporaires des filières renouvelables (éolienne et photovoltaïque) ont représenté environ 500 MW en Wallonie, avec un pic le lundi de Pâques (900 MW). Notons que moduler ne signifie pas nécessairement mettre à l’arrêt totalement les installations.

    Ces ajustements ou mises à l’arrêt peuvent être décidés par les acteurs (fournisseurs, producteurs) sur base de considérations économiques et/ou imposées par les gestionnaires de réseaux pour des considérations techniques. Les conséquences sont déterminées en fonction des contrats entre les parties.

    Dans une certaine mesure, les mécanismes de soutien à l’énergie renouvelable (certificats verts, prix de rachat garanti) sont également susceptibles de contribuer au maintien de la production et donc à la baisse des prix.

    Par ailleurs, notons que dans une certaine mesure l’hydroélectrique et la biomasse bénéficient de possibilités de stockage des ressources avant la production d’énergie.

    Pour le moment, l’impact sur les installations en place en Wallonie semble moindre. Les conditions météorologiques favorables en début d’année ont probablement atténué l’impact de la baisse des prix et de à l’éventuelle mise à l’arrêt des installations. Toutefois, il s’agit là de constatations provisoires et nous sommes attentifs à l’évolution de la situation. N’oublions pas non plus que des prix bas favorisent, en situation normale, le recours à l’électricité d’origine renouvelable puisque celle-ci a le prix marginal de production le plus faible.

    Pour la fédération des énergies du renouvelable (Edora), les inquiétudes du secteur tiennent plus à une possible perturbation du rythme de déploiement des nouvelles installations dont les timings de mise en œuvre ont été ou vont potentiellement être perturbés (notamment pour des raisons de disponibilité de main-d’œuvre et/ou de composants, de perte de fenêtres d’études des procédures obligatoires, des conséquences financières des retards de mise en route des installations, et cetera).

    Enfin, je tiens à souligner que cette crise sanitaire a mis en lumière une série de failles de notre modèle sociétal et doit nous inciter à soutenir les réformes fondamentales nécessaires à la transition énergétique, économique et environnementale. Ces réformes ont pour partie déjà été initiées au niveau européen avant le début de la crise et il convient de s’assurer à minima que ce cap sera maintenu.