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Les appels de la Wallonie aux marchés financiers

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 104 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 07/05/2020
    • de HAZEE Stéphane
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    Un député wallon affirme ce mardi dans la presse que la Wallonie est parvenue à lever 700 millions d'euros au lieu du 1,4 milliard d'euros qu'elle espérait. Des craintes plus larges ont également été exprimées à l'égard de l'accès aux marchés financiers et en particulier du contrat caissier.

    Monsieur le Ministre peut-il nous indiquer si ces éléments correspondent à une réalité et, sinon, rétablir la vérité à ce sujet ?

    Je m'interroge par ailleurs sur les sources d'information disponibles en la matière. Les appels aux marchés financiers font-ils l'objet d'une communication publique de la part de ses services, à la fois quant aux montants espérés et quant aux montants récoltés ?
  • Réponse du 26/06/2020
    • de CRUCKE Jean-Luc
    En réponse à l’honorable membre et comme j’ai déjà eu l’occasion de le communiquer publiquement pour répondre à la parution dans la presse des propos de Monsieur Antoine, je me permets de revenir point par point sur les commentaires concernant la capacité de la Wallonie à se financer sur les marchés.

    Le 1er avril 2020, une émission durable à 10 ans a été lancée, pour un montant de 500 millions, et a été réalisée à un taux d’intérêt de 0,54 %. À côté de cette émission, la Région a également levé, le même jour et sur 14 ans, la somme de 200 millions à un taux d’intérêt de 0,77 %. Il s’agissait d’une sursouscription sur notre émission durable inaugurale de 2019.

    Pour préparer cette première émission durable en 2020, l’équipe en charge du dossier au sein du SPW (composée de membres de la cellule de la dette et de la direction du développement durable) avait identifié un portefeuille de dépenses éligibles pour un montant maximum de 1 200 millions d’euros, cette information étant présentée aux investisseurs potentiels en préparation de l’opération, dans un document en anglais intitulé « Investor Presentation » et publié sur le site web de la Wallonie (https://wallonie.be/en/finance).

    Ce même montant avait été communiqué initialement aux membres du Conseil régional du Trésor du 5 février 2020, ainsi que l’objectif de lever un montant de l’ordre de 500 à 1 000 millions d’euros par le biais de cette émission durable.

    Par ailleurs, lors de chaque levée de fonds gérée par l’administration du SPW (la Cellule de la Dette), celle-ci soumet à mon approbation, préalablement à l’exécution de l’opération, une « note technique » qui reprend les conditions retenues.

    Je tiens à souligner que cette opération n’est pas passée inaperçue, notamment dans l’International Finance Revue qui indique que « la capacité de la Wallonie à attirer les investisseurs a été assez impressionnante, et ce, à des conditions plus intéressantes qu’au lancement du deal ».
    Que l’honorable membre note également que si les entités belges sont sorties la même semaine, c’était un choix en connaissance de cause et concerté entre les services des entités. La Wallonie a pu bénéficier de l’émission fédérale et la Flandre a pour sa part pu tirer des avantages de la bonne tenue de l’émission wallonne. 

    Comme il le constate, le chiffre de 1,4 milliard, tel que cité par Monsieur Antoine, n’apparaît donc à aucun moment dans la préparation et l’exécution de cette opération de 2020.
    Mais ce chiffre existe bel et bien, puisqu’il correspond au montant maximum de dépenses éligibles qui avait été identifié par l’équipe en charge du dossier au sein du SPW pour le lancement de l’émission durable inaugurale réalisée par la Wallonie le 25 avril 2019. Pour rappel lors de cette opération, la Région avait pu lever un emprunt de 1 milliard d’euros, ce montant étant réparti en deux tranches de 500 millions d’euros sur deux maturités différentes (7 ans et 15 ans).

    En ce qui concerne la capacité de la Wallonie à se financer, les chiffres arrêtés au 28 mai montrent que nous avons levé 3,304 milliards. À ce titre, le travail de la cellule de la dette est primordial. En 2 ans, nous avions réussi à diminuer de moitié l’écart de financement avec le Fédéral, ce qui s’exprime par l’écart de points de base par rapport à l’OLO.
    La situation de crise actuelle a bien entendu altéré cette tendance, comme partout, mais je n’ose imaginer la situation actuelle si nous n’avions pas professionnalisé cette gestion, que nous devons d’ailleurs continuer à intensifier.
    Je ne cacherai pas à l’honorable membre que les dépenses extraordinaires hors trajectoire budgétaire, telles que décidées par la Wallonie pour lutter contre la crise sanitaire et socio-économique, grèvent déjà lourdement nos besoins de financement en 2020.

    Il est donc primordial que la Wallonie puisse continuer à lever avec succès les emprunts dont elle a besoin et qu’elle garde pour cela une image positive sur les marchés, l’accès à des conditions financières intéressantes et l’intérêt des investisseurs à consentir à financer notre dette.
    Toute approximation sur les chiffres wallons et tout commentaire polémique, voire négatif, lancé sur le marché risqueront de ternir notre image et de pénaliser, in fine, l’ensemble des Wallonnes et des Wallons qui devront assumer la charge de la dette de la Région.

    Afin de répondre aux interrogations de l’honorable membre sur la communication et la publicité des opérations menées par la cellule de la dette, il me semble nécessaire de préciser les moyens de financement utilisés par la Région.

    Ceux-ci sont essentiellement de deux types :
    - Le « reverse enquiry » :
    Dans ce cas, une banque prend contact avec la cellule de la dette pour lui présenter un financement, d’un montant proposé par l’investisseur. Celui-ci est discuté et analysé en fonction de sa maturité et de sa complexité au regard de l’échéancier de la dette régionale et également dans le strict respect des balises de financement déterminées par le Conseil Régional du Trésor. Ces dernières sont basées sur l’évolution de la dernière émission wallonne (1er avril 2020) sur le marché secondaire. À ce taux est ajoutée la marge (spread) qui représente le surcoût de financement régional au regard des obligations belges de même maturité.
    Ce sont marges qui ont été objectivées et fortement diminuées suite à l’action de la Cellule de la dette.

    - Émissions obligataires de taille dite « benchmark » :
    Ces émissions permettent à la Wallonie de se financer pour des montants importants, puisque le minimum pour ce type de financement est de 500 millions d’euros.
    Pour effectuer ces émissions, la cellule de la dette consulte ses partenaires financiers et les invite à remettre un dossier dans lequel ils décriront comment ils voient la Wallonie d’un point de vue financier ainsi que leur vision sur les émissions envisagées. Sur base d’indicateurs, la cellule de la dette déterminera un pool de banques distributrices. C’est au sein de celui-ci que des banques seront désignées pour accompagner la Wallonie dans ses démarches vis-à-vis des investisseurs, cela pour chaque lancement d’une nouvelle émission obligataire. Un dialogue sera mené entre la cellule de la dette, les banques désignées pour l’opération ainsi que mon équipe. Au préalable du lancement de l’opération, les maturités, les marges espérées ainsi les montants recherchés seront déterminés. Bien entendu, les membres du Conseil régional du Trésor sont associés à ce processus. Les marges espérées sont systématiquement balisées par un avis qu’ils me remettent.

    Mais il est important de comprendre que c’est in fine le marché, c’est-à-dire les investisseurs, qui détermineront si l’émission wallonne est attractive ou non. Force est de constater que jusqu’à présent, les premières émissions wallonnes ont été couronnées de succès.

    En termes d’information sur des opérations de cette nature, il me paraît important de préciser que les pratiques de marché ne prévoient pas de communication publique préalable. Néanmoins, je confirme que toutes les opérations de financement réalisées par la cellule de la dette sont présentées aux membres du Conseil régional du Trésor lors de chaque réunion.

    De plus, la cellule de la dette produit mensuellement une fiche d’information dans laquelle figurent un certain nombre d’indicateurs clés, tels que l’évolution des principaux ratios de la dette wallonne, un tableau des opérations de financement déjà réalisées dans l’année, ainsi que la situation de la trésorerie régionale et de l’utilisation de la ligne de crédit. Cette fiche d’information est adressée aux membres du Conseil régional du Trésor, ainsi qu’aux membres du COSTRA.

    Enfin, une information publique est disponible a posteriori via le rapport annuel de la dette, qui présente une analyse détaillée des activités de financement de l’année écoulée. Ce document est également disponible sur le site https://wallonie.be/en/finance.
    Pour terminer, je tiens à rassurer sur les relations avec Belfius, notre caissier central, qui restent excellentes et avec qui le travail s’effectue dans une confiance réciproque.
    Pour rappel, le contrat signé avec notre caissier prévoit une ligne de crédit fixée à 2,750 milliards d’euros (à laquelle s’ajoute une facilité de prise ferme de 500 millions d’euros).