/

L'incinération des déchets ménagers wallons

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 214 (2019-2020) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 26/05/2020
    • de COURARD Philippe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    L'intercommunale IDELUX Environnement qui est en charge de la collecte et du traitement des déchets ménagers en Province de Luxembourg et dans 11 communes de la Province de Liège ne dispose pas d'incinérateur de déchets non dangereux sur son territoire.

    Ces déchets, non recyclables, mais combustibles, sont donc valorisés (transformés en chaleur puis en électricité) dans des installations situées en dehors du territoire desservi par cette intercommunale. Ce qui signifie que le service doit en moyenne faire incinérer 64 000 tonnes de déchets ménagers par an ailleurs.

    L'absence d'incinérateur en Province de Luxembourg et les décisions des prédécesseurs de Madame la Ministre de ne pas soutenir la mise en œuvre de ce type d'infrastructure en Province de Luxembourg font malheureusement porter par les habitants de ces communes des frais de transport que le reste des Wallons ne supportent pas. Ces frais sont évalués entre 570 000 et 770 000 euros par an.

    De même, cette décision expose IDELUX Environnement à des coûts de traitement par incinération plus élevés que les autres intercommunales puisque l'application d'un tarif identique à celui de l'intercommunale propriétaire de l'incinérateur n'est malheureusement pas la norme.

    De plus, les crises mettent à l'épreuve les coopérations existantes. À l'heure de l'intégration européenne, Madame la Ministre ne trouve-t-elle pas contre-productif d'envisager d'interrompre - ne fût-ce que provisoirement - la collaboration transfrontalière entre IDELUX Environnement et l'incinérateur de Châlons- en-Champagne ?

    Ne serait-il pas légitime si l'on oblige les intercommunales wallonnes à utiliser les incinérateurs wallons lorsque ceux-ci manquent de matières qu'en retour, les incinérateurs wallons soient obligés d'accepter en tout temps les déchets ménagers (fraction résiduelle et encombrants) des intercommunales wallonnes à un tarif équivalent à celui de leurs associés ?

    Ne trouverait-elle pas légitime que les territoires où la Région décide de ne pas implanter d'incinérateur ne soient pas financièrement défavorisés par rapport aux autres, et qu'un mécanisme de mutualisation des coûts de transports et de valorisation soit mis en place ?

    Ne trouverait-elle pas logique que la même question soit posée pour les territoires où la Région déciderait de ne pas implanter de biométhanisation de FFOM (fraction fermentescible des ordures ménagères) ou d'autres outils de traitements spécifiques ?

    Plus largement, Madame la Ministre trouverait-elle anormal que la planification à moyen terme de la répartition géographique des capacités d'incinération de déchets non dangereux et de biométhanisation de la FFOM dans la Région tienne compte de l'impact financier et environnemental des transports ?
  • Réponse du 24/07/2020
    • de TELLIER Céline
    La crise sanitaire de la Covid-19 a provoqué un arrêt ou un ralentissement important de plusieurs secteurs d’activité. En conséquence, les incinérateurs de déchets ont été confrontés à une forte diminution des flux à traiter, ce qui a impacté leur fonctionnement et a entraîné l’arrêt de certains fours d’incinération. Cette situation était susceptible d’induire de graves problèmes, qui ont dû être anticipés en urgence.

    En effet, en cas de sous-alimentation, le four doit être arrêté et son redémarrage nécessite des interventions techniques qui risquaient, et qui risquent encore le cas échéant, d'être retardées en période de crise sanitaire. Par ailleurs, l’incinération de déchets hospitaliers dangereux de type B2, dont les quantités ont fortement augmenté, requiert l’incinération concomitante d’autres types de déchets, afin de disposer du pouvoir calorifique nécessaire.

    Pour éviter d’arriver à ce genre de situation, dès le 10 avril, le Département du Sol et des Déchets du SPW ARNE a demandé aux collecteurs de déchets concernés de limiter dès que possible leurs exportations de déchets industriels banals incinérables, lorsque ces déchets pouvaient être incinérés dans des installations wallonnes. Il leur a aussi été demandé de préciser les flux et quantités pour lesquels un maintien des exportations serait sollicité.

    Les collecteurs de déchets concernés se sont presque tous engagés à cesser ou à très fortement réduire leurs exportations de déchets incinérables vers l’étranger, la plupart d’entre eux l’ayant d’ailleurs déjà fait d’initiative. L’intercommunale IDELUX a fait exception en demandant à l’administration de conserver un accès à l’incinérateur de déchets municipaux de Châlons-en-Champagne.

    Cette demande a été jugée pertinente et acceptable, puisque les flux exportés avaient été réduits à 40-50 tonnes par semaine, au lieu des 100 tonnes habituelles. Du fait du déconfinement progressif, la situation est revenue à la normale depuis le 26 mai 2020.

    Compte tenu de l’évolution favorable de la situation et des engagements solidaires des collecteurs, il n’a pas été nécessaire de suspendre ou retirer les autorisations d’exportation concernées. L’autorisation de transfert des déchets d’IDELUX Environnement, qui arrivait à échéance le 16 juin 2020 a d’ailleurs été renouvelée et la collaboration entre IDELUX et l’incinérateur de Châlons-en-Champagne n’a donc jamais été interrompue.

    Les motifs et les modalités des transferts de déchets qui figurent dans les dossiers de demandes d’exportation font généralement état d’une saturation des capacités locales d’incinération, rendant nécessaires des exportations et/ou la nécessité de disposer de capacités de secours pour dédoubler les capacités locales en cas de panne ou d’autres problèmes. Il était donc normal que ces exportations soient arrêtées dès que ces conditions n’étaient plus remplies.

    Vu le caractère évolutif de la crise, un monitoring de la situation des incinérateurs et des engagements volontaires des parties prenantes a été mis en place.

    Dans ce cadre, le Département du Sol et des Déchets a veillé à tenir compte des éléments pertinents liés à la situation spécifique exposée par IDELUX en matière d’exportation de déchets à incinérer. Elle a aussi veillé à réserver un traitement équitable à tous les collecteurs concernés, afin de rencontrer l’objectif de bon fonctionnement du réseau d’installations de traitement des déchets, en particulier en ce qui concerne les déchets hospitaliers.

    En effet, la directive européenne 2008/98 relative aux déchets impose notamment aux États membres d’établir et de maintenir un réseau intégré et adéquat d'installations d'élimination des déchets et d'installations de valorisation des déchets municipaux, y compris lorsque la collecte concerne aussi les déchets industriels. Il s’agit des principes de proximité et d’autosuffisance, qui sont basés tant sur une notion de distance que sur celle des territoires des états et de leur subdivision.

    L’usage des capacités des incinérateurs de déchets wallons est encouragé au travers de l’arrêté du Gouvernement wallon du 15 septembre 2016 relatif au financement des installations de gestion des déchets. Celui-ci prévoit un subside dont le montant est établi en fonction de la part de déchets publics incinérés. Cet arrêté prévoit aussi que l’installation subventionnée doit accorder un accès non discriminatoire aux déchets publics provenant d’autres communes ou associations de communes.

    La crise sanitaire a rappelé la nécessité d’optimiser, voire d’harmoniser, la gestion des infrastructures de collecte et de traitement des déchets sur l’ensemble du territoire wallon, en termes de capacité, mais aussi en termes de financement. C’est l’objectif du plan intégré relatif aux infrastructures de gestion des déchets, dont l’élaboration a été approuvée par le Gouvernement le 12 décembre dernier.

    Concrètement, l’objectif de ce plan est d’élaborer un outil opérationnel de planification intégrée des infrastructures, qui puisse tenir compte des ambitions prononcées de la Wallonie, en matière notamment de réduction de l’incinération et de la mise en décharge des déchets, mais aussi des effets en cascade de la prise d’une mesure sur les autres modes de gestion des déchets.

    À cet effet, une task-force, composée de mon Cabinet, du SPW ARNE, de l’ISSeP et de la SPAQuE a été mise sur pied. Le programme de travail comporte notamment : un diagnostic territorial de la situation actuelle, des projections en matière de besoins et de capacités (via l’étude de scénarii) et une analyse des impacts environnementaux et socio-économiques.

    Sur base des analyses menées et des résultats obtenus, un programme de mesures opérationnelles sera proposé.

    Pour assister la Task-Force dans sa mission, il est prévu de mobiliser tous les acteurs clés au sein de groupes de travail spécifiques. Les intercommunales de gestion des déchets, dont IDELUX Environnement, seront dès lors sollicitées à titre individuel, afin d’analyser leur situation et difficultés particulières, avec pour objectif de mettre en place des solutions globales et intégrées (visant l’ensemble des flux de déchets et des outils de traitement), pérennes et efficientes sur l’ensemble du territoire wallon.