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L'actuelle tendance baissière du prix de l'immobilier

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 191 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 27/05/2020
    • de DEVIN Laurent
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Selon un rapport de la Banque Belfius, consacré au marché belge, la crise du Covid-19 a pesé lourdement sur les activités immobilières en mars et avril, après une année 2019 record au niveau des transactions en Wallonie et à Bruxelles. Selon la Chambre des notaires de Mons-La Louvière, leur nombre aurait chuté de 40 % depuis mars.

    La raison est simple : il n'y a pas eu de visite de maisons ou d'appartements pendant plusieurs semaines. Seules ont eu lieu des transactions dont les dossiers avaient été engagés avant le confinement.

    Le ralentissement du marché immobilier a forcément une incidence sur celui de la construction durant la même période. Plus globalement, le logement risque d'être impacté avec un prix revu à la baisse suite au confinement et à une hausse du chômage. Autre élément permettant d'expliquer une baisse des prix de l'immobilier, le report à un horizon plus lointain d'achats d'une maison ou d'un appartement, prévus cette année. Ceux qui par contre ont gardé des reins solides seraient susceptibles d'en profiter.

    Quel regard porte Monsieur le Ministre sur cette analyse ?

    Cette situation serait-elle de nature à favoriser les sociétés de logement de service public et/ou les agences immobilières sociales au niveau de leurs acquisitions de logements ?
  • Réponse du 19/06/2020 | Annexe [PDF]
    • de DERMAGNE Pierre-Yves
    L’honorable membre a raison de souligner que la crise sanitaire nous a plongés dans une situation inédite qui a et aura de lourdes conséquences sur l’ensemble des secteurs de la vie économique et sociale. Celui de l’immobilier n’y a pas échappé, bien au contraire.

    Les données relatives aux transactions ne sont malheureusement pas encore suffisamment établies à ce jour pour être représentatives. Il est, de ce fait, prématuré d’évoquer, dès à présent, une tendance à la baisse des prix de l’immobilier et de tirer des conclusions définitives en la matière.

    Pour rappel, les mesures d’interdiction des déplacements ont été officiellement déclenchées par l’arrêté ministériel du 23 mars 2020, soit à la fin du 1er trimestre.

    Selon le dernier Baromètre des notaires, portant sur le premier trimestre de 2020, entre le 1er janvier et le 29 mars, le nombre de transactions immobilières en Wallonie a effectivement diminué de 5,4 % en comparaison avec la même période en 2019. Sans doute, nos concitoyens avaient-ils déjà adopté des comportements de prudence du fait des informations relatant la diffusion de la pandémie. Ce n’est toutefois pas la seule explication de ce léger recul des transactions sur le premier trimestre. Ainsi, les notaires constatent, notamment, sur cette période, une augmentation des prix de 1,3 % pour les maisons et de 6,9 % pour les appartements.

    Il convient également de tenir compte des réalités de la saison hivernale, moins propice aux visites immobilières et aux ventes, en raison du temps ou des congés et fêtes de fin d’année. En Wallonie, au cours de cinq dernières années, on constate une diminution du nombre de transactions au premier trimestre de chaque année, en comparaison avec le dernier trimestre de l’année précédente, qui est souvent celui qui enregistre le plus de transactions (cf. graphique en annexe qui présente en rouge les cas de diminution).

    En matière d’accession à la propriété, il est vrai que le marché a connu un ralentissement brutal dès le début de la crise, découlant principalement de la paralysie qui a frappé brusquement les processus d’acquisition et de concrétisation des opérations immobilières. Comme le souligne monsieur le député, les visites de biens ont été interrompues, les expertises immobilières suspendues, les signatures de compromis d’achat reportées et, in fine, les notaires n’ont plus reçu que les signatures des actes considérés comme urgents. Cette dernière circonstance a évidemment eu un impact sur le volume des transactions immobilières réalisées depuis la mi-mars.

    Le déconfinement progressif auquel nous assistons actuellement se traduit par une relance effective de l’ensemble des opérations immobilières, qui trouveront une concrétisation dans quelques mois. Certaines agences immobilières belges, qui présentaient ainsi une baisse de leur chiffre d’affaires de 90 % sur les mois de mars et avril, constatent une hausse des visites dès la reprise de leurs activités ; depuis le 4 mai pour les entreprises et depuis le 11 mai pour les particuliers.

    En ce qui concerne les prévisions d’impact sur les prix immobiliers, nous ne disposons que d’informations - plus ou moins fiables - livrées par les organismes financiers. En Belgique, un recul des prix de l’immobilier est anticipé par la KBC (‑3 % en 2020, puis -2 % en 2021), par ING (-2 % en 2020) et par BNP Paribas Fortis (-1 % en 2020, et stabilisation en 2021). Ces prévisions sont, bien sûr, susceptibles d’évoluer.

    Selon la Belfius, il semble néanmoins que l’analyse doit être nuancée. Il ressort, en effet, d’un communiqué (Belfius, Le Covid-19 affaiblit la dynamique du marché immobilier, communiqué du 9 avril 2020 : https://www.belfius.be/retail/fr/publications/actualite/2020-w15/covid-immobilier/index.aspx) de la banque daté du 9 avril que la récession économique causée par la crise sanitaire affaiblit « à court terme » la dynamique du marché immobilier résidentiel belge (une diminution du nombre de transactions et de l’activité de la construction en mars et avril), mais que « les facteurs fondamentaux et les mesures de soutien des autorités ne laissent pas présager un krach des prix des maisons. La perte de revenus due au lockdown et un chômage en hausse pourraient entraver l'accroissement des prix des logements cette année. […] Il semble dès lors qu’en 2020, les prix immobiliers augmenteront moins fortement que ce que nous pensions au début de l’année. »

    Plus que les prix - qui résultent de la rencontre de l’offre et de la demande - ce sont les revenus et a fortiori l’accès à l’emprunt qui sont en cause. Le pouvoir d’achat des ménages reste encore influencé par des taux d’intérêt très bas (vu les faibles perspectives de croissance et d’inflation et la politique de la BCE (pour couvrir le risque à la suite de la crise, les banques parlent d’une « très légère hausse » du taux hypothécaire, de 0,2 %-0,3 %)). Ces taux bas favorisent la demande qui est excédentaire et poussent les prix à la hausse.

    Tant les besoins actuels en logement (avec une offre inférieure à la demande) que la faiblesse des taux d’intérêt ou l’intérêt toujours grandissant des investisseurs pour le secteur de la brique sont des facteurs de soutien à un secteur essentiel de notre économie. Là encore, il est cependant trop tôt pour apprécier la qualité de la demande et donc sa capacité à soutenir la hausse des prix.

    Si la crise sanitaire se traduit par une forte dépression économique, il ne faut pas évacuer la possibilité d’un choc du côté de l’offre, suscité par la mise en vente de maisons par les ménages incapables de rembourser leurs emprunts, malgré la mesure exceptionnelle des reports d’échéance pour les crédits hypothécaires. On ne peut exclure non plus un choc du côté de la demande, avec des primo‑acquéreurs appauvris qui reporteront leur achat à la suite à la crise. Il convient cependant de rappeler qu’à la suite de la crise financière de 2008, le marché immobilier résidentiel belge avait fait preuve d’une grande résistance comparativement aux autres pays.

    Nos politiques de soutien à l'accès à la propriété (chèque-habitat, crédit hypothécaire social, et cetera) conservent donc tout leur intérêt. S’agissant de la SWCS et de ses partenaires, force est de constater que la demande existe, qu’elle est solvable et que, dès lors, les activités de ces organismes devraient conserver leur niveau habituel en dépit de la crise, soit environ 385 millions de productions. Comme le sait l’honorable membre, le crédit hypothécaire social wallon constitue une alternative au secteur bancaire traditionnel pour des revenus plus modestes ou fragiles.

    En matière locative, il est vrai également que les visites immobilières ont été suspendues durant quelques semaines. Elles sont à nouveau possibles depuis la mi-mai. Les candidats en quête d’un logement reprennent progressivement leurs démarches avec pour objectif de concrétiser leur projet immobilier dans les meilleurs délais.

    La mission essentielle des agences immobilières consiste à jouer un rôle d’intermédiation entre le propriétaire et le locataire. Si certaines d’entre elles achètent des biens pour les mettre en location, il s’agit seulement de quelques opérations ponctuelles qui n’influencent guère la taille du parc global. En revanche, la fluctuation des prix du marché pourrait avoir une double incidence pour les AIS : d’abord sur le nombre de logements qu’elles gèrent, suivant que des propriétaires investissent ou non dans l’achat de biens en vue de les confier en gestion à une AIS ; ensuite sur le nombre de candidats locataires qui, ayant dû reporter le projet d’acquérir leur logement, se verraient contraints de rechercher un logement locatif à loyer modéré dans une AIS.

    Ces deux tendances potentielles devront être observées attentivement au cours des prochains mois.

    De manière générale, les indicateurs ne convergent pas et il semble imprudent d’en tirer des conclusions à ce stade, d’autant plus que le Gouvernement wallon et le Gouvernement fédéral adoptent des mesures de soutien et de relance de l’économie. Il faudra donc attendre les données du deuxième trimestre et des suivants, pour tirer de réelles conclusions sur l’impact lié à la pandémie de Covid‑19 sur les transactions immobilières.