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Le stockage géologique de déchets radioactifs

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 230 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 09/06/2020
    • de FREDERIC André
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Comme Madame la Ministre le sait, les déchets radioactifs et nucléaires sont de compétence fédérale. C'est l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF) qui est responsable de la gestion des déchets radioactifs. Cet organisme est sous la tutelle de la Ministre fédérale de l'Énergie, de l'Environnement et du Développement durable, Madame Marie-Christine Marghem.

    Si aujourd'hui ce type de déchets est stocké à la surface, il semble que la piste du stockage géologique soit aujourd'hui préférée par l'ONDRAF.

    Dans cette saga, l'ONDRAF plaidait pourtant il y a un peu plus de deux ans pour un enfouissement dans une couche d'argile à Boom, mais récemment, une consultation publique a été lancée de manière assez discrète. Celle-ci se terminera le 13 juin.

    Mon groupe déplore par ailleurs grandement le timing de lancement de cette procédure en pleine crise du Covid-19. En effet, ces sujets méritent d'être étudiés avec une grande attention et participation démocratique maximale, ce qui n'est pas possible en période de crise sanitaire.

    En outre, ce n'est que le 13 mai que l'information a été relayée à plus grande ampleur, lorsque la presse relayait la réaction de la Ministre luxembourgeoise de l'Environnement, qui s'insurgeait : pour le Gouvernement luxembourgeois, la procédure lancée par la Belgique sur l'enfouissement des déchets radioactifs est « incohérente ».
    Selon une carte diffusée par le Gouvernement luxembourgeois, sept zones d'enfouissement seraient proches de la frontière luxembourgeoise.

    La presse faisait également état de la possibilité soumise par l'ONDRAF pour les communes situées en Région verviétoise (703 km2) et en Province de Luxembourg (1 140 km2) d'abriter des déchets radioactifs.

    « Le rapport ne considère pas les risques transfrontaliers de ce stockage pour notre eau potable et notre population », a ajouté la Ministre luxembourgeoise. Le Luxembourg espère remettre en question la procédure ainsi que les zones « choisies ». Il apparaît que d'autres provinces seraient également pressenties par l'ONDRAF pour accueillir des déchets nucléaires.

    Si la Ministre fédérale évoque que cette consultation populaire ne porte que sur la méthode de stockage et pas sur les endroits qui seront choisis, certaines inquiétudes demeurent néanmoins.

    En tant que Ministre de l'Environnement, Madame la Ministre dispose-t-elle des lieux pressentis pour accueillir ces déchets ?
    Peut-elle nous les communiquer ? Que pense-t-elle des lieux pressentis au regard de l'impact sur l'environnement et de la sécurité sanitaire ?

    Il est aussi à souligner que l'enquête prend un parti pris important en faveur du stockage géologique. Pourtant, d'après les recherches, d'autres méthodes mériteraient d'être étudiées : entreposage, stockage en forage, séparation- transmutation, stockage en fonds marins, et cetera.

    L'ONDRAF lui a-t-elle fourni une étude sur les méthodes alternatives au stockage géologique ?
    Dans le cas inverse, pourrait-elle porter cette demande au CODECO ?

    Par ailleurs, même sans disposer de l'étude, a-t-elle un avis quant aux méthodes alternatives ? Certaines sont-elles préférables à l'enfouissement géologique ?

    Par ailleurs, le captage, le traitement et la distribution de l'eau sont de compétence de la Wallonie.

    Dispose-t-on de toutes les garanties que le stockage géologique ne permettrait pas que l'eau distribuée aux ménages wallons soit contaminée par des substances radioactives ?

    Plus généralement, une étude d'impact environnemental lui a-t-elle été transmise ?
    Le cas échéant, pourrait-elle nous transmettre celle-ci, ou, à tout le moins, nous communiquer les principales conclusions ?
    Dans le cas contraire, pourrait-elle porter cette demande au CODECO ?

    Par ailleurs, les imbrications avec toutes les compétences wallonnes ont-elles été prises en compte ?
    Je pense notamment aux compétences de gestion et de valorisation des sous-sols.

    Aussi, les bourgmestres des villes concernées disent ne pas ou très peu avoir été concertés. Madame la Ministre pourrait-elle faire remonter cela au niveau fédéral ?
    En effet, il nous paraît essentiel que toutes les opérations soient faites en toute transparence et nous demandons au niveau fédéral une concertation maximale avec les communes concernées.

    Enfin, une annulation pure et simple de la procédure, en attendant les études d'impacts sanitaires et environnementaux et autres éléments d'explication est-elle envisageable ?
  • Réponse du 06/07/2020
    • de TELLIER Céline
    Le projet d’arrêté royal soumis à la consultation publique vise à acter le principe du stockage géologique et à définir les grandes lignes de la suite du processus décisionnel. Le projet ne formule aucune proposition en termes de formations géologiques à privilégier en Belgique, et ne formule par conséquent, aucune proposition précise quant à des sites éventuels de stockage.

    Même si les documents n’identifient aucun site précis, ils renseignent les faciès géologiques qui pourraient théoriquement convenir à un stockage géologique de déchets nucléaires en galeries, ce qui permet de définir des périmètres de territoire susceptibles d’être concernés en Wallonie. Les résultats de cet exercice de projection ont été jugés incomplets et dans certains cas erronés, traduisant en cela une certaine méconnaissance des caractéristiques et des propriétés du sous-sol wallon. Cette situation a généré de nombreuses inquiétudes dans le chef de plusieurs communes, qui auraient pu être évitées par la consultation des nouvelles cartes géologiques produites par le Service géologique de Wallonie.

    Selon ce même service, parmi les formations géologiques citées, certaines ne sont manifestement pas à retenir, comme les argilites du Bassin de Mons ou du Plateau de Herve ou les argiles yprésiennes, trop peu épaisses. D’autres sont présentes sur de larges portions du territoire, d’ouest en est, comme les formations schisteuses de la Famenne et de l’Ardenne (bassins géologiques dits « de Dinant » et « de Namur », depuis Quiévrain jusqu’aux frontières allemande et luxembourgeoise). Ces quelques formations épaisses sont toutefois très faillées et plissées et leurs structure et extension en profondeur restent en grande partie inconnues. A priori, elles ne présentent un intérêt d’étude pour l’enfouissement géologique qu’à l’extrême ouest du Bassin de Mons et vers les Fourons, là où leur épaisseur est plus importante. Toutefois, ils sont situés à une profondeur qui est vraisemblablement beaucoup trop importante pour envisager un stockage géologique de déchets nucléaires à des coûts abordables, sans compter la présence de ressources en eaux souterraines qui risqueraient d’être impactées.

    À ce stade, il est donc impossible de déterminer les sites potentiels et les impacts locaux sur l’environnement (en ce compris les eaux souterraines). C'est pourquoi l'évaluation des impacts environnementaux potentiels est très peu, voire trop peu détaillée dans le rapport de l’ONDRAF, en particulier en ce qui concerne les alternatives envisageables.

    En outre, le rapport gagnerait en clarté à être plus précis sur le plan géologique, notamment en excluant clairement les zones ne répondant pas aux critères minimas pour ce type de projet. Par contre, l’impact sur les autres modes de valorisation du sous-sol, dans le cadre des compétences régionales, mériterait d’être analysé dès ce stade.

    Le rapport souffre dès lors, outre de l’absence de développement de l’étude des alternatives au stockage géologique, de l’absence d’étude de l’impact d’un tel projet vis-à-vis des autres modes de valorisation du sous-sol (exploitation minière, gazière ou géothermie profonde). Il estime aussi prématuré l’examen des compétences des régions sur la valorisation de leur sous-sol, bien que cet aspect soit fondamental. Il en est de même des questions relatives à la propriété privée, qui comprend le sous-sol, et aux contraintes administratives.

    Les détails de l’analyse des documents de l’ONDRAF figurent dans la réponse que le Gouvernement wallon lui a adressée le 12 juin 2020, celle-ci étant disponible en ligne (https://tellier.wallonie.be/home/presse--actualites/publications/reponse-de-la-region-wallonne-a-londraf-dans-le-cadre-de-lenquete-publique-sur-lenfouissement-des-dechets-nucleaires.publicationfull.html).

    En résumé, le Gouvernement wallon a indiqué à l’ONDRAF et à ses deux Ministres de tutelle qu’il ne pouvait pas, d’une part valider le choix de la solution technique d’un système de stockage géologique sur le territoire belge et d’autre part, émettre un avis favorable sur le projet de plan et son rapport d’incidences environnementales, pour de multiples raisons que j’évoquerai succinctement par la suite.

    Dès lors, le Gouvernement a demandé que le projet de plan et son rapport d’évaluation environnementale soient retravaillés de manière approfondie, en concertation étroite avec les administrations et organismes wallons concernés. Ce retravail doit notamment étudier la solution technique du stockage en subsurface, qui est contrôlable et réversible, éventuellement mutualisé avec d’autres États européens, afin de permettre que des alternatives futures puissent être envisagées. Il a également demandé que les documents soient revus et adaptés afin que les entités fédérées et les communes soient systématiquement associées dans l’élaboration et l’application du processus décisionnel.

    Dans son courrier, le Gouvernement a aussi rappelé qu’il revenait à l’auteur du plan, en l’occurrence l’ONDRAF, et non à la Région wallonne d’assurer l’information aux communes et la consultation du public et des autorités concernées, en ce compris celle des pays et régions limitrophes. Étant donné que les consultations du public n’ont pas pu être réalisées de façon optimale pendant la crise sanitaire et considérant les nombreux enjeux, le Gouvernement a suggéré à l’ONDRAF d’étudier la possibilité d’adapter sa procédure de consultation, notamment en allongeant sa durée. Vu l'importance du sujet, il était en effet essentiel que les citoyens puissent s'exprimer et disposer de suffisamment de temps pour prendre connaissance du projet de plan et faire part de leurs commentaires. Malgré les invitations à envisager de prolonger cette enquête et d'en accroître la publicité, aucune attitude en ce sens n’a été adoptée par l’autorité fédérale.
    Les avis remis par la Région résultent d’une analyse approfondie des documents transmis. Celle-ci a mis en évidence une série de carences, qui induisent un trop grand nombre d’incertitudes pour considérer l’option proposée comme la seule technique viable et sécurisée. En effet :
    1. Les documents sont trop conceptuels et de trop nombreuses questions restent en suspens, notamment en ce qui concerne le type d’emballage, la profondeur d’enfouissement ou le type de sous-sol à privilégier ;
    2. La solution proposée par l’ONDRAF n’a pas fait l’objet d’un benchmark qui aurait permis de mieux appréhender ses avantages et inconvénients, sur la base d’un retour d’expérience similaire ;
    3. Le projet de texte n’intègre pas le respect des normes wallonnes liées notamment à l’aménagement du territoire et à d’autres compétences régionales telles que la santé publique, l’environnement et la gestion du sous-sol, en lien notamment des modes de valorisation énergétique telle que la géothermie profonde par exemple ;
    4. L’étude d’incidences environnementales est incomplète par rapport aux prescriptions du Code wallon de l’environnement puisqu’elle exclut, par exemple, les incidences non négligeables du projet sur la qualité des eaux et de l’air, la biodiversité, les paysages et la santé humaine. Les mesures envisagées pour éviter, réduire et compenser les incidences négatives de la mise en œuvre du plan ne sont pas non plus précisées dans le rapport d’évaluation environnementale ;
    5. Il est vrai que les documents soumis à la consultation ne définissent pas de sites précis, mais ils précisent les faciès géologiques qui pourraient convenir à un stockage de déchets nucléaires, ce qui permet de définir des périmètres de territoire susceptibles d’être concernés en Wallonie. Les résultats de cet exercice sont incomplets, voire erronés, car la majorité des formations géologiques auraient dû être exclues du champ d’analyse pour des questions notamment de profondeur, d’épaisseur ou de perméabilité ;
    6. Enfin, les critères de caractérisation du processus décisionnel tel que défini dans l’avant-projet d’arrêté royal n’offrent aucune garantie de participation des entités fédérées ni des communes, au futur processus.

    Pour terminer, le Gouvernement a fait offre de services à l’ONDRAF et aux ministres fédéraux concernés pour mieux coordonner les différentes approches en matière de rapports d’incidences environnementales et de consultation du public.