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La mutualisation des outils communaux

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 209 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 12/06/2020
    • de MAUEL Christine
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Les communes opèrent de nombreux travaux ou entretiens dans les différents espaces verts, les espaces publics, les égouttages ainsi que sur les infrastructures communales.

    En fonction du profil des communes, de leur taille et de leur population, les besoins de celles-ci peuvent varier. Par exemple, un outil ou un véhicule n'est utilisé qu'une seule fois par an par une commune et représente un coût important pour cette commune alors que son voisin peut s'en servir beaucoup plus régulièrement.

    Une mise en place de structures au niveau supracommunal aurait beaucoup de sens et permettrait aux communes de pouvoir s'entraider et de pouvoir avoir des économies d'échelles.

    Des structures de mutualisation des outils communaux afin de compléter les besoins des communes existent-elles ?
    Dans la négative, ces structures ont-elles du sens et à quel niveau seraient-elles le plus efficaces ?
  • Réponse du 20/07/2020
    • de DERMAGNE Pierre-Yves
    Il y a lieu d’examiner cette question, d’une part, sous l’angle des outils existants, dont principalement ceux des marchés publics, et, d’autre part, à la lumière de ce que la Déclaration de politique régionale prévoit.

    Eu égard à la législation en matière de marchés publics, quatre dispositifs paraissent se prêter naturellement à la mutualisation d’outils communaux : la coopération verticale institutionnalisée — parfois appelée opération In House —, la coopération horizontale non institutionnalisée, le marché conjoint et la centrale d’achat.

    La coopération verticale institutionnalisée se concrétise par la mise en œuvre d’une structure commune, juridiquement distincte des pouvoirs adjudicateurs qui y participent. Ladite structure, une fois créée, acquiert, pour son compte, l’ensemble des outils destinés à être mutualisés, voire recrute ou engage le personnel qualifié apte à manier ces outils. Sur cette base. Elle propose ensuite — sans mise en concurrence si elle est exempte de toute participation directe de capitaux privés — la location de ses outils, l’exécution même de travaux ou la prestation de services, aux pouvoirs adjudicateurs. Ceux-ci exercent sur la personne morale un contrôle analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services, pour autant que plus de 80 % des activités de cette personne morale soient exercées dans le cadre de l'exécution des tâches confiées par les pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent ou par d'autres personnes morales contrôlées par ces mêmes pouvoirs adjudicateurs.

    Du fait du contrôle que les adjudicateurs exercent sur la structure commune, ceux‑ci peuvent déterminer le prix des prestations le plus juste pour les communes, tout en assurant la viabilité économique de l’entité commune.

    L’Intercommunale pour la gestion et la réalisation d’études techniques et économiques est un exemple d’une mutualisation de services d’études au travers de la création d’une intercommunale.

    La coopération horizontale non institutionnalisée, mieux connue sous le vocable de « coopération public-public », est l’équivalent contractuel de la coopération institutionnalisée. Au travers d’une convention, plusieurs adjudicateurs poursuivant un ou plusieurs objectifs communs mettent en œuvre une véritable coopération reposant sur des droits et obligations mutuels, n’obéissant qu’à des considérations d’intérêt public et ne présentant pas de vocation commerciale.

    La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne nous donne l’exemple de communes allemandes coopérant dans le cadre de leur mission commune de ramassage et de traitement des déchets. Sous cette forme, on pourrait envisager une coopération entre CPAS pour la livraison de repas, l’un assurant leur confection et mutualisant ainsi ses cuisines, l’autre se chargeant de leur livraison, en mutualisant sa flotte de véhicules.

    La passation d’un marché conjoint est une autre piste de mutualisation d’outils communaux. Il s’agit alors, pour les communes conjointes, d’acquérir en copropriété certains outils, dont les modalités de la garde, de l’usage et de l’entretien sont arrêtées dans la convention de marché conjoint préalable à la passation d’un tel marché.

    La passation d’un marché conjoint de services ou la constitution d’une centrale d’achat portant sur de services permet également la mutualisation d’un même adjudicataire, avec la possibilité de bénéficier de tarifs plus avantageux et de procéder à des économies de procédure de marchés publics. La participation financière de chacun est réglée soit dans la convention de marché conjoint, soit dans la convention d’adhésion à la centrale d’achat.

    Une commune a ainsi procédé à la passation — sous couvert de la constitution d’une centrale d’achat, mais cela aurait pu être effectué dans le cadre d’un marché conjoint s’agissant d’une centrale d’achat ponctuelle — d’un marché relatif à la désignation d’un délégué à la protection des données. En invitant au préalable les pouvoirs locaux intéressés à se doter d’un tel DPO à faire connaître leurs besoins en la matière, la Ville a pu désigner un délégué à la protection des données qui exerce désormais ses fonctions pour l’ensemble des adjudicateurs bénéficiaires du marché.

    La législation en matière de marchés publics ne prive donc pas les pouvoirs adjudicateurs de la possibilité de coopérer et d’ainsi mutualiser leurs outils.

    Au-delà, comme je le précisais il y a peu en Commission des pouvoirs locaux, la Déclaration de politique régionale nous invite à travailler sur la supracommunalité. Elle prévoit ainsi que « pour mieux assurer l’efficacité des services publics, le Gouvernement incitera les villes et communes à développer des politiques supracommunales au niveau de chaque bassin de vie. Un encouragement financier spécifique sera octroyé aux projets supracommunaux ».

    La crise sanitaire a également eu un impact sur cette réflexion puisque de nombreuses initiatives supracommunales se sont développées « naturellement » dans de nombreuses communes. Une très récente enquête réalisée par l’UVCW, en collaboration avec mon cabinet, a ainsi mis en évidence que près de 40 % des communes ont procédé « par communautés de communes » pour l’achat des masques, par exemple.

    Ces initiatives de marchés groupés confirment certes le besoin de davantage de mutualisation, mais démontrent aussi l’efficience dans la mise en place concertée de projets collectifs et fédérateurs. La crise a donc fédéré et accéléré le processus de mutualisation. Nous devrons profiter de cette solidarité et la valoriser dans la construction de ce que devra être la supracommunalité en Wallonie.

    Cela ne doit cependant pas nous empêcher de travailler avec méthode. C’est pourquoi je tenais à procéder, avant tout, à l’analyse de ce qui se fait déjà, parfois depuis de nombreuses années, dans différentes structures supracommunales. Nous venons de terminer, avec l’administration, les évaluations de chaque convention, par réunion de leur comité d’accompagnement.

    Sur cette base, dès la fin mai, j’ai demandé à mon administration de réaliser une évaluation globale et prospective des projets actuels ; évaluation qui doit me parvenir incessamment.

    À la lumière de cette analyse et en tenant compte des expériences développées dans le cadre de la crise sanitaire, nous serons alors en mesure de définir plus précisément les contours de la supracommunalité et plus à même de répondre aux attentes des collectivités, des citoyens et de la DPR.